Affaires

L’association ANTICOR bénéficie d’un agrément délivré pour trois ans par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) le 4 octobre 2022.

Elle bénéficiait d’un autre agrément délivré par le Premier ministre, annulé par le Tribunal administratif de Paris en juin 2023.

Cet agrément permettait à l’association de représenter en justice l’intérêt général face à des comportements non conformes à la probité et constitutifs des infractions pénales listées à l’article 2-23 du Code de procédure pénale

L’agrément recouvre les infractions suivantes : la concussion, la corruption et le trafic d’influence passifs, la prise illégale d’intérêts, le favoritisme, le détournement de fonds publics, la corruption et le trafic d’influence actifs, les entraves à l’exercice de la justice, ainsi que le recel et le blanchiment de l’ensemble de ces infractions et l’achat de voix ainsi que les différentes entraves à l’exercice du droit de vote

Pour comprendre l’intérêt de l’intervention d’Anticor en qualité de partie civile, il faut tout d’abord rappeler certaines caractéristiques du système judiciaire français :

  • Le principe d’opportunité des poursuites : en matière délictuelle « le procureur de la République reçoit les plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner » (art. 40-1 du Code de procédure pénale). Le procureur peut donc poursuivre, mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, ou classer sans suite, contrairement aux systèmes judiciaires régis par le principe de « légalité des poursuites ».
  • Le lien hiérarchique entre le parquet et le ministère de la Justice : le ministre de la justice, chargé de conduire la politique d’action publique déterminées par le gouvernement peut adresser aux procureurs généraux et aux procureurs de la République des directives générales de politique pénale (art. 30 CPP). Les magistrats du parquet ne bénéficient pas des mêmes garanties d’indépendance que les juges du siège. La carrière d’un magistrat du parquet dépend en effet de sa hiérarchie ce qui a poussé la Cour européenne des droits de l’Homme a affirmé dès 2010 que le procureur français n’est pas « une autorité judiciaire indépendant ».
  • La recevabilité en justice : elle est conditionnée à la démonstration d’un préjudice direct et personnel : la victime doit être en mesure de justifier d’un dommage personnel directement causé par l’infraction pour pouvoir se constituer partie civile.

En France donc, si cet agrément n’existait pas, un procureur, hiérarchiquement lié au pouvoir exécutif, pourrait avoir le dernier mot sur la décision de poursuivre, ou pas, dans des affaires politico-financières, qui par nature, dérangent le pouvoir. Grâce à son agrément, Anticor a la possibilité de mettre en mouvement le procès pénal en allant chercher un dossier sur le bureau d’un procureur pour le déposer sur celui d’un juge du siège, constitutionnellement indépendant.

Le second agrément lui permet de saisir la HATVP lorsqu’elle a connaissance d’une situation ou de faits susceptibles de constituer un manquement aux différentes obligations prévues par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il peut s’agir de cas d’atteintes à la probité, de situations de conflit d’intérêts, de non-respect des obligations déclaratives ou des règles de « pantouflage ».

Dans certains dossiers, Anticor se contente de transmettre un signalement au procureur, c’est-à-dire qu’elle indique à celui-ci certains faits, lui envoie un dossier composé de preuves établies, afin de lui donner la matière qui va lui permettre d’assumer son rôle dans l’institution judiciaire, qui est de poursuivre les auteurs présumés d’infractions. L’association joue alors un rôle de lanceur d’alerte ou d’aiguillon de la justice.

L’importance des dossiers fait parfois que l’association décide de porter plainte, c’est-à-dire qu’elle saisit le procureur d’un dossier plus approfondi, dans lequel Anticor détaille les infractions qu’elle estime constituées. Cette démarche est réalisée dans la presque totalité des cas par un avocat de l’association. Le procureur a alors trois mois pour décider s’il souhaite poursuivre. Si, et seulement si, il ne souhaite pas poursuivre mais que l’association est en désaccord avec cette décision, elle porte plainte avec constitution de partie civile, c’est-à-dire qu’elle saisit un juge d’instruction. Il arrive également que le procureur souhaite poursuivre et qu’Anticor décide d’accompagner cette démarche en se constituant partie civile afin de porter la voix de la société civile au cours de l’instruction et à l’audience.

Anticor traite un nombre très important de dossiers, soit sur décision de son conseil d’administration lorsqu’il s’agit de plaintes, soit de ses responsables de groupes locaux lorsqu’il s’agit de simples signalements. En effet, l’association n’est pas partie civile dans tous les procès politico-financiers : elle ne le pourrait pas, pour des questions budgétaires, et ne le souhaite pas, car son rôle est d’abord d’apporter au procureur l’information qui va lui permettre d’engager des poursuites et de ne se constituer partie civile, c’est-à-dire de ne saisir un juge d’instruction, que si le procureur n’agit pas.

Les procès politico-financiers sont de longue haleine… vous constaterez dans la liste ci-dessous que dans certains dossiers en cours, Anticor a porté plainte en 2010. Nous ne cessons de le répéter : la Justice en France est sous-financée depuis des décennies. Par rapport à d’autres pays européens, le budget de la justice par habitant représente parfois un tiers de celui alloué par nos voisins. Il faut donner à notre justice les moyens de la mission institutionnelle et de contre-pouvoir qui lui est confiée dans une démocratie.

Les affaires du moment
# Constitution de partie civile

Affaire FRANCE PIERRE / ALAIN GARDERE

Une tentaculaire affaire de corruption impliquerait un ancien préfet, M. Alain Gardère, l’entreprise de bâtiment France Pierre 2, dirigée par l’entrepreneur M. Antonio De Sousa, ainsi que des élus locaux. (© Photo Boris Horvat / AFP)

Une tentaculaire affaire de corruption impliquerait un ancien préfet, M. Alain Gardère, l’entreprise de bâtiment France Pierre 2, dirigée par l’entrepreneur M. Antonio De Sousa, ainsi que des élus locaux.

M. Alain Gardère, ancien préfet et ancien commissaire de police, pourrait avoir, dans le cadre de ses fonctions de préfet délégué à la sécurité des aéroports de Roissy et du Bourget, puis de directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, reçu d’entrepreneurs, à de très nombreuses reprises, des cadeaux pour effectuer des actes relevant de ses fonctions.

Le haut fonctionnaire se serait notamment fait offrir des voyages, des appartements à prix réduits, des travaux, des accès à des ventes privées, la prise en charge de ses frais de transport, des repas dans des restaurants de luxe, un accès illimité et gratuit à un cabaret ou encore un smartphone. 

Ces cadeaux auraient conduit l’ancien préfet à prendre des décisions aux dépens de l’intérêt général, voire de la sécurité publique.

A cet égard, à la suite des attentats de 2015 visant « Charlie Hebdo » et du placement de la rédaction de l’hebdomadaire sous protection du ministère de l’intérieur, M. Alain Gardère aurait fait en sorte qu’intervienne une société de sécurité privée appartenant à l’une de ses connaissances. Or, cette société ne disposait pas de l’accréditation nécessaire pour que ses agents de sécurité portent des armes, alors que cela était exigé par le contrat. M. Gardère aurait alors autorisé les agents de la société à porter des armes, sans accréditation.

Certains des cadeaux reçus par le haut fonctionnaire proviendraient de M. Antonio De Sousa, dirigeant de la société de bâtiment France Pierre 2.

Au demeurant, l’information judiciaire a mis en lumière que la société de bâtiment pourrait avoir offert à de nombreux élus locaux et fonctionnaires de communes franciliennes (Vigneux, Mennecy, Ozoir-la-Verrière, Saint-Thibault-des-Vignes, Bussy-Saint-Georges) des travaux immobiliers à très faible coûts ou à titre gracieux, des logements à prix avantageux, des voyages ou des voitures.

En contrepartie, l’entreprise de bâtiment aurait bénéficié de modifications de plans locaux d’urbanisme – des terrains inconstructibles ou en zone inondable, achetés à moindre coût, auraient été rendus constructibles. Elle se serait également vue accorder diverses autorisations et permis de construire et aurait obtenu des informations privilégiées lui permettant de mener à bien ses projets immobiliers.

Pour entretenir ce système opaque, M. De Sousa aurait exercé de fortes pressions sur ses sous-traitants, étroitement dépendants de son entreprise.

La procédure judiciaire :

En 2015, à la suite de la convergence de plusieurs enquêtes, une instruction était ouverte.

Le 13 avril 2016, M. de Sousa a été mis en examen, placé en détention provisoire puis placé sous contrôle judiciaire.

L’ancien préfet Gardère, a également été mis en examen en 2016 et placé sous contrôle judiciaire, tout comme plusieurs maires ou anciens maires du Val-de-Marne et de l’Essonne.

Anticor s’est constituée partie civile le 17 mai 2018 dans le cadre de l’instruction.

13 personnes physiques et 2 personnes morales ont été renvoyées devant le Tribunal, pour répondre de ces faits.

L’audience se tiendra du 13 mai au 20 juin 2024 au Tribunal judiciaire de Paris. Anticor sera présente pour porter la voix des citoyens lors de cette audience.

Fondement de l’action juridique d’Anticor :

  • corruption passive
  • corruption active
  • prise illégale d’intérêts
  • favoritisme

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?

S’ils sont avérés, les faits revêtent une particulière gravité, par leur récurrence, l’étendue du réseau mis à jour, le nombre et la qualité des acteurs publics renvoyés devant le Tribunal.

Il est inacceptable qu’un préfet, incarnation au local de l’Etat, utilise la puissance étatique dont il est dépositaire sur le territoire pour favoriser son intérêt personnel, contre l’intérêt général.

Il n’est pas davantage acceptable que des agents publics et des élus locaux acceptent de favoriser des entreprises en échange de cadeaux.

La facilité avec laquelle les entrepreneurs auraient corrompu quelques élus et les fonctionnaires dans cette affaire interroge, en outre, sur l’effectivité des mécanismes de contrôle et sur la collégialité de certaines décisions locales.

Des faits d’une telle ampleur sont de nature à éroder durablement la confiance que portent les citoyens en leurs institutions.

Ils mettent en avant l’importance des associations comme Anticor pour porter la voix des citoyens dans les prétoires.

© Photo Boris Horvat / AFP

# Plainte

Affaire EQUALIS

Équalis, est une association située à Meaux et créée en 2020 afin de créer et de gérer des centres d’hébergement d’urgence. Elle bénéficie, pour ce faire, d’importantes subventions publiques. En 2022, la Direction départementale de l’emploi du travail et des solidarités (DDETS) a rendu un rapport particulièrement préoccupant concernant la gestion des fonds publics par l'association.

Équalis, est une association située à Meaux et créée en 2020 afin de créer et de gérer des centres d’hébergement d’urgence. Elle bénéficie, pour ce faire, d’importantes subventions publiques.

En 2022, la Direction départementale de l’emploi du travail et des solidarités (DDETS) a rendu un rapport particulièrement préoccupant concernant la gestion des fonds publics par l’association.

Le rapport met en avant les montants des rémunérations des directeurs du comité exécutif d’Equalis, lesquels seraient parfois supérieurs à 100 000 euros annuels. Le salaire du directeur général, par exemple, aurait atteint 203 000 euros en 2020. De tels salaires ne trouvent pas d’équivalent dans des associations similaires.

Ils auraient, en outre, été complétés par des rémunérations hors cadre ainsi que par des avantages en nature, sans autorisation du Conseil d’administration de l’association.

Ainsi, le directeur général d’Équalis aurait, outre un salaire très élevé, touché chaque mois une indemnité de logement alors qu’il bénéficiait d’un logement de fonction – lequel se trouvait, étrangement, situé loin de son lieu de travail, ainsi que d’une voiture de fonction d’un modèle haut de gamme. En outre, des dépenses importantes auraient été engagées par l’association pour l’achat d’appareils électroménagers et de mobilier pour ledit logement de fonction.

Ces dépenses apparaissent injustifiées.

Or, le budget de l’association émane de subventions publiques, de sorte que ces faits, s’ils sont avérés, sont susceptibles de revêtir la qualification de détournement de fonds publics.

Par ailleurs, le rapport fait état d’une porosité suspecte entre les services et entre les dirigeants et les prestataires de l’association.

Équalis est chargée d’orienter les personnes sans abri ou en détresse au sein des établissements d’hébergements disponibles dans le département de la Seine-et-Marne. Or, l’association se trouve également gestionnaire de plusieurs de ces centres d’hébergement. Cette double casquette aurait permis à Équalis de bénéficier, en 2019, d’informations privilégiées sur la répartition des places hivernales, et ainsi de contester dans les plus brefs délais cette répartition.

En outre, l’entreprise mandatée par l’association pour gérer l’informatique, et rémunérée en 2020 plus de 450.000 euros, se trouverait détenue aux deux tiers par le directeur des systèmes informatiques de l’association.

Parallèlement, l’association aurait choisi de sous-traiter la gestion de ses ressources humaines à une entreprise appartenant à des proches du directeur général d’Equalis.

Ces faits, s’ils sont avérés, pourraient constituer l’infraction de prise illégale d’intérêts.

La procédure judiciaire : Une enquête a été ouverte en 2021 pour abus de confiance. Cette enquête ne semble toutefois pas concerner l’usage des fonds publics. C’est pourquoi le 5 janvier 2024, l’association Anticor a déposé plainte auprès du procureur de la République de Meaux pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics.

Fondement de l’action juridique d’Anticor :  prise illégale d’intérêts, détournements de fonds publics

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Les fonds publics alloués à l’association devraient lui permettre de mener à bien son objet social : la création et la gestion de centres d’hébergement d’urgence. Si les faits sont avérés, les usagers de ces établissements en sont les premières victimes.

En effet, l’enrichissement individuel avec de l’argent public empêche le bon déroulement des missions d’intérêt public au nom desquelles ces fonds sont alloués, et ce aux dépens des plus fragiles.

« La rémunération des plus hauts dirigeants de l’association était supérieure au budget annuel des deux centres d’hébergement et de réinsertion sociale dont elle avait la charge » énonce Maxence Lambert, juriste d’Anticor.

Alors que la Fondation Abbé Pierre estimait à 330 000 le nombre de personnes mal logées ou sans domicile fixe en France, selon son rapport annuel publié en février 2023, Anticor demande que toute la lumière soit faite sur la gestion de cette association.

Voici la liste des principales affaires judiciaires dans lesquelles l’association ANTICOR joue actuellement un rôle.
#Constitution de partie civile

Affaire FRANCE PIERRE / ALAIN GARDERE

Une tentaculaire affaire de corruption impliquerait un ancien préfet, M. Alain Gardère, l’entreprise de bâtiment France Pierre 2, dirigée par l’entrepreneur M. Antonio De Sousa, ainsi que des élus locaux. (© Photo Boris Horvat / AFP)

Une tentaculaire affaire de corruption impliquerait un ancien préfet, M. Alain Gardère, l’entreprise de bâtiment France Pierre 2, dirigée par l’entrepreneur M. Antonio De Sousa, ainsi que des élus locaux.

M. Alain Gardère, ancien préfet et ancien commissaire de police, pourrait avoir, dans le cadre de ses fonctions de préfet délégué à la sécurité des aéroports de Roissy et du Bourget, puis de directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, reçu d’entrepreneurs, à de très nombreuses reprises, des cadeaux pour effectuer des actes relevant de ses fonctions.

Le haut fonctionnaire se serait notamment fait offrir des voyages, des appartements à prix réduits, des travaux, des accès à des ventes privées, la prise en charge de ses frais de transport, des repas dans des restaurants de luxe, un accès illimité et gratuit à un cabaret ou encore un smartphone. 

Ces cadeaux auraient conduit l’ancien préfet à prendre des décisions aux dépens de l’intérêt général, voire de la sécurité publique.

A cet égard, à la suite des attentats de 2015 visant « Charlie Hebdo » et du placement de la rédaction de l’hebdomadaire sous protection du ministère de l’intérieur, M. Alain Gardère aurait fait en sorte qu’intervienne une société de sécurité privée appartenant à l’une de ses connaissances. Or, cette société ne disposait pas de l’accréditation nécessaire pour que ses agents de sécurité portent des armes, alors que cela était exigé par le contrat. M. Gardère aurait alors autorisé les agents de la société à porter des armes, sans accréditation.

Certains des cadeaux reçus par le haut fonctionnaire proviendraient de M. Antonio De Sousa, dirigeant de la société de bâtiment France Pierre 2.

Au demeurant, l’information judiciaire a mis en lumière que la société de bâtiment pourrait avoir offert à de nombreux élus locaux et fonctionnaires de communes franciliennes (Vigneux, Mennecy, Ozoir-la-Verrière, Saint-Thibault-des-Vignes, Bussy-Saint-Georges) des travaux immobiliers à très faible coûts ou à titre gracieux, des logements à prix avantageux, des voyages ou des voitures.

En contrepartie, l’entreprise de bâtiment aurait bénéficié de modifications de plans locaux d’urbanisme – des terrains inconstructibles ou en zone inondable, achetés à moindre coût, auraient été rendus constructibles. Elle se serait également vue accorder diverses autorisations et permis de construire et aurait obtenu des informations privilégiées lui permettant de mener à bien ses projets immobiliers.

Pour entretenir ce système opaque, M. De Sousa aurait exercé de fortes pressions sur ses sous-traitants, étroitement dépendants de son entreprise.

La procédure judiciaire :

En 2015, à la suite de la convergence de plusieurs enquêtes, une instruction était ouverte.

Le 13 avril 2016, M. de Sousa a été mis en examen, placé en détention provisoire puis placé sous contrôle judiciaire.

L’ancien préfet Gardère, a également été mis en examen en 2016 et placé sous contrôle judiciaire, tout comme plusieurs maires ou anciens maires du Val-de-Marne et de l’Essonne.

Anticor s’est constituée partie civile le 17 mai 2018 dans le cadre de l’instruction.

13 personnes physiques et 2 personnes morales ont été renvoyées devant le Tribunal, pour répondre de ces faits.

L’audience se tiendra du 13 mai au 20 juin 2024 au Tribunal judiciaire de Paris. Anticor sera présente pour porter la voix des citoyens lors de cette audience.

Fondement de l’action juridique d’Anticor :

  • corruption passive
  • corruption active
  • prise illégale d’intérêts
  • favoritisme

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?

S’ils sont avérés, les faits revêtent une particulière gravité, par leur récurrence, l’étendue du réseau mis à jour, le nombre et la qualité des acteurs publics renvoyés devant le Tribunal.

Il est inacceptable qu’un préfet, incarnation au local de l’Etat, utilise la puissance étatique dont il est dépositaire sur le territoire pour favoriser son intérêt personnel, contre l’intérêt général.

Il n’est pas davantage acceptable que des agents publics et des élus locaux acceptent de favoriser des entreprises en échange de cadeaux.

La facilité avec laquelle les entrepreneurs auraient corrompu quelques élus et les fonctionnaires dans cette affaire interroge, en outre, sur l’effectivité des mécanismes de contrôle et sur la collégialité de certaines décisions locales.

Des faits d’une telle ampleur sont de nature à éroder durablement la confiance que portent les citoyens en leurs institutions.

Ils mettent en avant l’importance des associations comme Anticor pour porter la voix des citoyens dans les prétoires.

© Photo Boris Horvat / AFP

#Signalement

Affaire AMF

En avril 2022, Mme CABOSSORIAS a quitté son poste de directrice juridique de l’AMF pour rejoindre le groupe crypto-financier BINANCE. Ce groupe propose des services d’échange de cryptomonnaies et de gestion de portefeuilles en ligne. Quelques jours après l’embauche de Mme CABOSSORIAS, BINANCE obtenait de l’AMF le statut officiel de PSAN, lui permettant d’ouvrir ses activités d’échange de cryptomonnaie en France.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est une autorité publique indépendante qui a pour mission de veiller à la protection de l’épargne investie en produits financiers, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés. C’est un gendarme boursier qui régule, autorise ou, le cas échéant, sanctionne les échanges financiers en France.

Du fait de sa mission de contrôle et de régulations, les agents de l’AMF doivent respecter des règles de prévention des conflits d’intérêts afin de ne pas mettre en danger l’accomplissement impartial de la mission de l’institution.

C’est la raison pour laquelle la loi impose un délai de trois à compter du départ d’un agent avant que celui-ci ne puisse rejoindre une société dont il a eu à connaître à l’occasion de sa mission de service public.

Madame Stéphanie CABOSSORIAS est haut-fonctionnaire. Elle a occupé le poste de directrice juridique de l’AMF. À ce titre, elle était chargée de réguler les actifs numériques comme les cryptomonnaies et les entreprises intervenant dans le secteur boursier. Elle explique avoir élaboré le nouveau régime légal des Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN) qui régule leurs activités et définit les conditions d’accès à ce statut.

Il s’agit d’un secteur important puisque ces entreprises fournissent des services comme l’échange d’actifs numériques ou la gestion de portefeuille crypto.

En avril 2022, Mme CABOSSORIAS a quitté son poste de directrice juridique de l’AMF pour rejoindre le groupe crypto-financier BINANCE. Ce groupe propose des services d’échange de cryptomonnaies et de gestion de portefeuilles en ligne.

De fait, le délai de trois ans prévu par la loi n’a pas été respecté. Ce départ a été autorisé par la direction de l’Autorité des Marchés Financiers, sans toutefois que la décision ne passe par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.

Quelques jours après l’embauche de Mme CABOSSORIAS, BINANCE obtenait de l’AMF le statut officiel de PSAN, lui permettant d’ouvrir ses activités d’échange de cryptomonnaie en France.

Cette décision va à contresens de celles des régulateurs financiers européens.

En effet, l’entreprise ne peut plus exercer au Royaume-Uni et son PDG, qui a depuis été contraint de démissionner, est visée par plusieurs enquêtes : en Allemagne pour des contournements fiscaux, en France pour pratiques trompeuses et blanchiment, et aux États-Unis pour des faits de fraude fiscale et blanchiment d’argent qui lui ont valu une amende de plus de 4 milliards de dollars.

Le caractère exceptionnel de cette décision, les délais d’instruction du dossier par l’AMF et leur coïncidence avec le départ de Mme CABOSSORIAS interrogent.

La procédure judiciaire : Le 8 décembre 2023, Anticor a transmis un signalement au Parquet National Financier.

Fondement de l’action juridique d’Anticor : prise illégale d’intérêts.

Mme CABOSSORIAS est présumée innocente.

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?

Le pantouflage, c’est-à-dire le départ du public vers le privé, devient dangereux pour l’intérêt public quand des fonctionnaires ou agents publics rejoignent l’entreprise ou le secteur dont ils avaient le contrôle. De tels doutes quant aux intérêts privés des régulateurs publics impactent la confiance des citoyens en leurs représentants publics.

Le secteur des cryptomonnaies et actifs numériques étant particulièrement sujet aux malversations financières (fraude fiscale, blanchiment, financements illégaux), la possibilité d’une perméabilité entre ce secteur et les acteurs préalablement chargés de sa régulation est préoccupante pour la protection des usagers et la lutte contre les crimes financiers.

Affaire EQUALIS

Équalis, est une association située à Meaux et créée en 2020 afin de créer et de gérer des centres d’hébergement d’urgence. Elle bénéficie, pour ce faire, d’importantes subventions publiques. En 2022, la Direction départementale de l’emploi du travail et des solidarités (DDETS) a rendu un rapport particulièrement préoccupant concernant la gestion des fonds publics par l'association.

Équalis, est une association située à Meaux et créée en 2020 afin de créer et de gérer des centres d’hébergement d’urgence. Elle bénéficie, pour ce faire, d’importantes subventions publiques.

En 2022, la Direction départementale de l’emploi du travail et des solidarités (DDETS) a rendu un rapport particulièrement préoccupant concernant la gestion des fonds publics par l’association.

Le rapport met en avant les montants des rémunérations des directeurs du comité exécutif d’Equalis, lesquels seraient parfois supérieurs à 100 000 euros annuels. Le salaire du directeur général, par exemple, aurait atteint 203 000 euros en 2020. De tels salaires ne trouvent pas d’équivalent dans des associations similaires.

Ils auraient, en outre, été complétés par des rémunérations hors cadre ainsi que par des avantages en nature, sans autorisation du Conseil d’administration de l’association.

Ainsi, le directeur général d’Équalis aurait, outre un salaire très élevé, touché chaque mois une indemnité de logement alors qu’il bénéficiait d’un logement de fonction – lequel se trouvait, étrangement, situé loin de son lieu de travail, ainsi que d’une voiture de fonction d’un modèle haut de gamme. En outre, des dépenses importantes auraient été engagées par l’association pour l’achat d’appareils électroménagers et de mobilier pour ledit logement de fonction.

Ces dépenses apparaissent injustifiées.

Or, le budget de l’association émane de subventions publiques, de sorte que ces faits, s’ils sont avérés, sont susceptibles de revêtir la qualification de détournement de fonds publics.

Par ailleurs, le rapport fait état d’une porosité suspecte entre les services et entre les dirigeants et les prestataires de l’association.

Équalis est chargée d’orienter les personnes sans abri ou en détresse au sein des établissements d’hébergements disponibles dans le département de la Seine-et-Marne. Or, l’association se trouve également gestionnaire de plusieurs de ces centres d’hébergement. Cette double casquette aurait permis à Équalis de bénéficier, en 2019, d’informations privilégiées sur la répartition des places hivernales, et ainsi de contester dans les plus brefs délais cette répartition.

En outre, l’entreprise mandatée par l’association pour gérer l’informatique, et rémunérée en 2020 plus de 450.000 euros, se trouverait détenue aux deux tiers par le directeur des systèmes informatiques de l’association.

Parallèlement, l’association aurait choisi de sous-traiter la gestion de ses ressources humaines à une entreprise appartenant à des proches du directeur général d’Equalis.

Ces faits, s’ils sont avérés, pourraient constituer l’infraction de prise illégale d’intérêts.

La procédure judiciaire : Une enquête a été ouverte en 2021 pour abus de confiance. Cette enquête ne semble toutefois pas concerner l’usage des fonds publics. C’est pourquoi le 5 janvier 2024, l’association Anticor a déposé plainte auprès du procureur de la République de Meaux pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics.

Fondement de l’action juridique d’Anticor :  prise illégale d’intérêts, détournements de fonds publics

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Les fonds publics alloués à l’association devraient lui permettre de mener à bien son objet social : la création et la gestion de centres d’hébergement d’urgence. Si les faits sont avérés, les usagers de ces établissements en sont les premières victimes.

En effet, l’enrichissement individuel avec de l’argent public empêche le bon déroulement des missions d’intérêt public au nom desquelles ces fonds sont alloués, et ce aux dépens des plus fragiles.

« La rémunération des plus hauts dirigeants de l’association était supérieure au budget annuel des deux centres d’hébergement et de réinsertion sociale dont elle avait la charge » énonce Maxence Lambert, juriste d’Anticor.

Alors que la Fondation Abbé Pierre estimait à 330 000 le nombre de personnes mal logées ou sans domicile fixe en France, selon son rapport annuel publié en février 2023, Anticor demande que toute la lumière soit faite sur la gestion de cette association.

Affaire PORT-GRIMAUD

Le 12 décembre 2023, l’association Anticor a déposé plainte contre X auprès du parquet de Draguignan afin que toute la lumière soit faite sur d’éventuelles irrégularités dans la gestion du port de la commune de Grimaud.

Port-Grimaud est une marina située dans le golfe de Saint-Tropez. Elle est rattachée administrativement à la commune de Grimaud. Le port est constitué de maisons d’habitation, surplombant des quais permettant aux propriétaires de stationner leur bateau.

En 2017, le marché de la gestion et de l’entretien des infrastructures portuaires a été attribué à la société CORINTHE Ingénierie. Le 25 septembre 2018, la mairie de Grimaud a lancé un avis d’appel public à la concurrence pour un marché d’audit et d’expertise de ces infrastructures.

Deux sociétés ont participé à cet appel d’offres, les sociétés CORINTHE et CRÉOCÉAN. C’est cette dernière qui a remporté le marché. Or, il s’avère que les deux entreprises ont présenté des dossiers de candidatures identiques dans leurs aspects techniques et financiers.

En outre, d’importants liens existent entre les deux sociétés : le directeur technique portuaire de la société CRÉOCÉAN est l’un des co-gérants d’une société, dont le président se trouve être Monsieur Lenormand, également président de la société CORINTHE.

La similitude de certains aspects des deux offres et les liens étroits existant entre les responsables des deux entreprises pourraient caractériser une entente illicite.

D’autre part, l’offre de la société CRÉOCÉAN prévoyait un financement du projet à hauteur de 15 millions d’euros par la vente de garanties d’usage.

Une garantie d’usage est un contrat par lequel une collectivité s’engage à fournir un nouveau poste d’amarrage à un utilisateur, qui en finance la construction. Or, le plan de réaménagement proposé par la société CRÉOCÉAN ne prévoyait aucune création de nouveau poste d’amarrage dans le port ce qui signifie que son offre était incohérente puisque le financement annoncé n’était pas permis par l’aménagement proposé. Ces faits, s’ils sont avérés, sont susceptibles de caractériser le délit de détournement de fonds publics.

Procédure judiciaire : Le 11 avril 2022, le groupe local d’Anticor dans le Var a transmis un signalement au Procureur de la République de Draguignan.

Le 12 décembre 2023, l’association Anticor a déposé plainte contre X auprès du parquet de Draguignan pour ces mêmes faits afin que toute la lumière soit faite sur d’éventuelles irrégularités dans la gestion du port de la commune de Grimaud.

Fondement juridique de l’action d’Anticor : Détournement de fonds publics

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?

D’une part, l’association Anticor demande que toute la lumière soit faite sur le projet de vente de garanties d’usage alors même qu’aucune contrepartie, ici la création de postes d’amarrage, ne semble prévue.

D’autre part, Anticor s’interroge sur les liens existants entre les deux sociétés, alors même que la société CORINTHE en tant que personne morale, ainsi que son président, sont mis en examen depuis le 20 novembre 2023 pour des irrégularités autour du marché de la rénovation du port de Cavalaire (Var). Une affaire, débutée en 2018, suite à un signalement d’Anticor.

Les marchés publics de gestion des ports de la Côte d’Azur représentent des enjeux financiers colossaux, aussi bien pour les collectivités que pour les entreprises qui répondent aux appels d’offres. C’est pourquoi, l’association Anticor, forte de ses 85 groupes locaux, dont les antennes du Var et des Alpes-Maritimes, réalise une veille citoyenne, accompagne les lanceurs d’alerte et signale d’éventuels irrégularités au procureur de la République.

#Signalement

Affaire BLOIS

Le parquet de Blois, alerté par l’association Anticor, a ouvert une enquête préliminaire pour des soupçons de détournement de fonds publics à propos d'un programme immobilier en cours sur le site de l’ancien hôpital psychiatrique de la commune.

En 2008, la commune de Blois a fait l’acquisition du terrain comprenant l’ancien hôpital psychiatrique de la ville.

En 2010, la commune a conclu un contrat de concession d’aménagement avec la société d’économie mixte locale 3 Vals Aménagement (SEM 3 Vals Aménagement) pour une durée de six ans, afin de reconvertir cet espace de 11 000m².

Pour diverses raisons, et notamment l’abandon de différents projets d’aménagement, le contrat de concession a été prolongé, par le biais de neuf avenants, jusqu’en 2026.

L’avant-dernier avenant comporte la validation d’un projet de reconversion de l’hôpital avec pour finalité la réalisation de 14 maisons individuelles de standing.

Mais certains aspects du projet de reconversion interrogent :

• Un prix de vente du terrain extrêmement bas

Dans le cadre du projet de reconversion, la SEM a cédé pour 80 000 euros un terrain de 9058 m2 à la société immobilière Blois Clerancerie. La cession à ce prix d’un terrain communal (8,83 euros/m2) est très nettement en dessous de la valeur du marché.

• Un bilan financier en faveur du concessionnaire … et non de la commune

La ville de Blois a déjà investi près de 4 521 000€ dans le cadre de ce contrat alors que le coût prévisionnel pour la commune était de 2 827 000€.

Or, cet investissement financier dans la gestion de la SEM interroge car cette dernière n’a mené aucun projet d’envergure depuis 2010.

• Un promoteur immobilier, grand gagnant de l’opération

La société Blois Clerancerie, qui a fait l’acquisition du terrain pour 80 000 euros et a obtenu un permis de construire délivré par la commune de Blois, est détenue à 45 % par la SEM. Les 55 % restants appartiennent à un promoteur immobilier, via l’entreprise Initio.

Les propriétaires de la société Blois Clerancerie sont susceptibles de bénéficier d’un retour sur investissement très rémunérateur en cas de commercialisation rapide de cette opération immobilière, dans un contexte de sous-estimation de la valeur du terrain communal.

Anticor pointe le manque de transparence de cette situation, car il semble que ni les élus municipaux de Blois, ni les habitants de la commune n’ont été mis au courant des liens existants entre ces trois structures.

Procédure judiciaire : Anticor a transmis un signalement le 24 juillet 2023 au Tribunal judiciaire de Blois pour détournement de biens publics.

Une enquête préliminaire a été ouverte en septembre 2023 à la suite du signalement d’Anticor.

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? La société Initio et la SEM 3 Vals Aménagement semblent être les grands bénéficiaires de ce montage immobilier, au détriment de la collectivité qui, dans cette opération, a vu sa participation financière ne cesser d’augmenter au fil des années au profit de personnes de droit privé.

Si les faits sont avérés, ce sont donc les habitants de la commune de Blois qui auraient été lésés par cette opération immobilière. Anticor s’interroge légitimement sur le défaut de contrôle de la ville de Blois dans le cadre du suivi de cette concession d’aménagement.