Affaires
L’association ANTICOR bénéficie d’un agrément délivré pour trois ans par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) le 4 octobre 2022.
Elle bénéficiait d’un autre agrément délivré par le Premier ministre, qui permet à des associations d’ester en justice.
Cet agrément permettait à l’association de représenter en justice l’intérêt général face à des comportements non conformes à la probité et constitutifs des infractions pénales listées à l’article 2-23 du Code de procédure pénale.
L’agrément recouvre les infractions suivantes : la concussion, la corruption et le trafic d’influence passifs, la prise illégale d’intérêts, le favoritisme, le détournement de fonds publics, la corruption et le trafic d’influence actifs, les entraves à l’exercice de la justice, ainsi que le recel et le blanchiment de l’ensemble de ces infractions et l’achat de voix ainsi que les différentes entraves à l’exercice du droit de vote.
En savoir plusPour comprendre l’intérêt de l’intervention d’Anticor en qualité de partie civile, il faut tout d’abord rappeler certaines caractéristiques du système judiciaire français :
- Le principe d’opportunité des poursuites : en matière délictuelle « le procureur de la République reçoit les plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner » (art. 40-1 du Code de procédure pénale). Le procureur peut donc poursuivre, mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, ou classer sans suite, contrairement aux systèmes judiciaires régis par le principe de « légalité des poursuites ».
- Le lien hiérarchique entre le parquet et le ministère de la Justice : le ministre de la justice, chargé de conduire la politique d’action publique déterminées par le gouvernement peut adresser aux procureurs généraux et aux procureurs de la République des directives générales de politique pénale (art. 30 CPP). Les magistrats du parquet ne bénéficient pas des mêmes garanties d’indépendance que les juges du siège. La carrière d’un magistrat du parquet dépend en effet de sa hiérarchie ce qui a poussé la Cour européenne des droits de l’Homme a affirmé dès 2010 que le procureur français n’est pas « une autorité judiciaire indépendant ».
- La recevabilité en justice : elle est conditionnée à la démonstration d’un préjudice direct et personnel : la victime doit être en mesure de justifier d’un dommage personnel directement causé par l’infraction pour pouvoir se constituer partie civile.
En France donc, si cet agrément n’existait pas, un procureur, hiérarchiquement lié au pouvoir exécutif, pourrait avoir le dernier mot sur la décision de poursuivre, ou pas, dans des affaires politico-financières, qui par nature, dérangent le pouvoir. Grâce à son agrément, Anticor a la possibilité de mettre en mouvement le procès pénal en allant chercher un dossier sur le bureau d’un procureur pour le déposer sur celui d’un juge du siège, constitutionnellement indépendant.
Le second agrément lui permet de saisir la HATVP lorsqu’elle a connaissance d’une situation ou de faits susceptibles de constituer un manquement aux différentes obligations prévues par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il peut s’agir de cas d’atteintes à la probité, de situations de conflit d’intérêts, de non-respect des obligations déclaratives ou des règles de « pantouflage ».
Dans certains dossiers, Anticor se contente de transmettre un signalement au procureur, c’est-à-dire qu’elle indique à celui-ci certains faits, lui envoie un dossier composé de preuves établies, afin de lui donner la matière qui va lui permettre d’assumer son rôle dans l’institution judiciaire, qui est de poursuivre les auteurs présumés d’infractions. L’association joue alors un rôle de lanceur d’alerte ou d’aiguillon de la justice.
L’importance des dossiers fait parfois que l’association décide de porter plainte, c’est-à-dire qu’elle saisit le procureur d’un dossier plus approfondi, dans lequel Anticor détaille les infractions qu’elle estime constituées. Cette démarche est réalisée dans la presque totalité des cas par un avocat de l’association. Le procureur a alors trois mois pour décider s’il souhaite poursuivre. Si, et seulement si, il ne souhaite pas poursuivre mais que l’association est en désaccord avec cette décision, elle porte plainte avec constitution de partie civile, c’est-à-dire qu’elle saisit un juge d’instruction. Il arrive également que le procureur souhaite poursuivre et qu’Anticor décide d’accompagner cette démarche en se constituant partie civile afin de porter la voix de la société civile au cours de l’instruction et à l’audience.
Anticor traite un nombre très important de dossiers, soit sur décision de son conseil d’administration lorsqu’il s’agit de plaintes, soit de ses responsables de groupes locaux lorsqu’il s’agit de simples signalements. En effet, l’association n’est pas partie civile dans tous les procès politico-financiers : elle ne le pourrait pas, pour des questions budgétaires, et ne le souhaite pas, car son rôle est d’abord d’apporter au procureur l’information qui va lui permettre d’engager des poursuites et de ne se constituer partie civile, c’est-à-dire de ne saisir un juge d’instruction, que si le procureur n’agit pas.
Les procès politico-financiers sont de longue haleine… vous constaterez dans la liste ci-dessous que dans certains dossiers en cours, Anticor a porté plainte en 2010. Nous ne cessons de le répéter : la Justice en France est sous-financée depuis des décennies. Par rapport à d’autres pays européens, le budget de la justice par habitant représente parfois un tiers de celui alloué par nos voisins. Il faut donner à notre justice les moyens de la mission institutionnelle et de contre-pouvoir qui lui est confiée dans une démocratie.
Les affaires du moment
Affaire SIVU
Monsieur Vincent Jeanbrun est le maire de la commune de l’Haÿ-les-Roses, député et préside également un syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) en charge de gérer l’activité du cimetière partagé entre plusieurs communes. Cet organisme public dispose de plusieurs logements de fonction, qui devaient être attribués à des salariés du cimetière. Or, ce sont le chef de cabinet et le directeur de cabinet du maire de l’Haÿ-les-Roses qui auraient, en réalité, bénéficié de ces logements.
Monsieur Vincent Jeanbrun est le maire de la commune de l’Haÿ-les-Roses depuis 2014 et député depuis le 7 juillet 2024. Depuis mai 2014, il préside également un syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) en charge de gérer l’activité du cimetière partagé entre plusieurs communes du Val-de-Marne (94) : Cachan, Chevilly-Larue, l’Haÿ-les-Roses, Montrouge et Sceaux.
Cet organisme public dispose de plusieurs logements de fonction, qui devaient être attribués à des salariés du cimetière, après délibération du conseil syndicat du SIVU.
Or, ce sont le chef de cabinet et le directeur de cabinet du maire de l’Haÿ-les-Roses, Messieurs François Tretarre et Laurent Clémot, qui auraient, en réalité, bénéficié de ces logements, et ce, pour des loyers cinq fois inférieurs à celui du marché et alors qu’ils n’exerçaient aucune fonction au sein du SIVU.
• L’attribution irrégulière de logements de fonction
Les deux proches collaborateurs du maire auraient eu accès à des logements réservés aux membres du SIVU depuis respectivement 2017 et 2021.
Toutefois, l’attribution de ces logements n’a été autorisée par aucune délibération, en contradiction avec le règlement du syndicat.
M. Vincent Jeanbrun, président du syndicat et maire, aurait personnellement signé les baux de location des logements attribués à son chef de cabinet et à son directeur de cabinet à la mairie de l’Hay-les-roses.
Si cela est avéré, le fait que M. Vincent Jeanbrun ait, en tant que président du SIVU, accordé des logements à deux de ses collaborateurs à la mairie d’Haÿ-les-Roses serait susceptible de caractériser l’infraction de prise illégale d’intérêts.
Le fait que M. Vincent Jeanbrun ait attribué ces logements à des personnes n’étant pas employées du syndicat du cimetière serait, en outre, susceptible de caractériser un détournement de biens publics.
• Coûts de location minorés
Par ailleurs, les modalités d’occupation de ces logements posent question. Les montants des loyers payés par les collaborateurs du maire semblent avoir été très largement sous-évalués.
En effet, les collaborateurs du maire ont bénéficié de locations de maisons à Chevilly-Larue à des prix cinq fois inférieurs au prix du marché.
Si ces faits sont avérés, ils pourraient recevoir la qualification du délit de concussion.
• Prise en charge des frais d’électricité par le SIVU
Enfin, il apparaîtrait que le SIVU aurait, durant cinq années, indûment supporté les charges relatives à l’électricité des deux collaborateurs de M. Jeanbrun, pour un montant total d’au moins 45 000 euros.
L’utilisation des ressources du syndicat présidé par M. Jeanbrun pour acquitter les factures d’eléctricité des deux collaborateurs du maire de l’Haÿ-les-Roses est susceptible de caractériser un détournement de fonds publics.
La procédure judiciaire : Anticor a déposé un signalement auprès du procureur de la République de Créteil le 15 juillet 2024.
Ce signalement a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire par le Parquet de Créteil en septembre 2024, pour prise illégale d’intérêts, concussion et détournement de fonds publics. Elle a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE).
Fondement de l’action juridique d’Anticor : Prise illégale d’intérêts, concussion, détournements de biens et de fonds publics
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Un syndicat intercommunal exerce une mission de service public et doit accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l’intérêt général.
Il bénéficie d’équipements à destination de ses fonctionnaires. Le détournement de ces équipements au bénéfice d’intérêts personnels constituerait une perte de ressources pour les finances publiques.
Affaire GRAND-FORT-PHILIPPE
Pour lutter contre les déserts médicaux sur son territoire, le département du Nord (59) a décidé de se doter de centres de santé. En mars 2015, le conseil municipal de Grand-Fort-Philippe a approuvé un projet de construction d’un centre de santé destiné à attirer de nouveaux professionnels du milieu médical.
Pour lutter contre les déserts médicaux sur son territoire, le département du Nord (59) a décidé de se doter de centres de santé.
En mars 2015, le conseil municipal de Grand-Fort-Philippe a approuvé un projet de construction d’un centre de santé destiné à attirer de nouveaux professionnels du milieu médical.
Le 10 octobre 2017, le fonctionnement de cette maison médicale a été voté en conseil municipal avec les modalités suivantes : la mise à disposition de locaux pour les professionnels de santé en échange d’un loyer, les locataires devant prendre en charge les salaires du personnel d’accueil, du secrétariat et de l’entretien.
Le 6 novembre 2017, la maison médicale a ouvert ses portes, occupée par des médecins libéraux qui exerçaient déjà sur la commune dans un cabinet privé.
En parallèle, la commune a recruté, pour le centre médical, deux assistantes administratives en qualité d’agents territoriaux, s’avérant être les anciennes secrétaires des médecins locataires lorsque ceux-ci exerçaient au sein de leur cabinet.
Or, un agent public ne peut être recruté pour effectuer une activité privée. Ici, la commune de Grand-Fort-Philippe aurait pris en charge leurs rémunérations avec des fonds publics, alors que les secrétaires travaillaient pour le compte de médecins libéraux. Ce sont donc ces derniers qui auraient dû prendre en charge les salaires des secrétaires.
En décembre 2017, la sous-préfecture de Dunkerque a enjoint à la commune de retirer la délibération actant le recrutement des deux agents pour irrégularités.
Le 13 mars 2018, le conseil municipal est revenu sur la délibération.
Néanmoins, il semblerait que la commune de Grand-Fort-Philippe ait continué à supporter les salaires de deux collaboratrices, à l’insu du conseil municipal, jusqu’en octobre 2018.
Le coût pour la ville, souffrant par ailleurs d’importantes difficultés financières, serait estimé à 38 285,51€.
La procédure judiciaire : Le 29 novembre 2018, Anticor a déposé plainte auprès du procureur de la République de Dunkerque.
Une enquête a été ouverte en 2019.
L’association Anticor s’est constituée partie civile le 21 avril 2022.
Le 1er novembre 2022, le maire de la commune de Grand Fort Philippe était condamné pour détournement de fonds publics à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende.
À la suite de sa condamnation en première instance, le prévenu a interjeté appel.
Un procès s’est tenu le 10 juin 2024 devant la cour d’appel de Douai.
Le 23 septembre 2024, le maire de Grand-Fort-Philippe a été condamné en appel à 6 mois de prison avec sursis et 2 ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics.
Fondements de l’action juridique d’Anticor : détournement de fonds publics
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Ces dix dernières années, plus de 80 départements ont vu le nombre de médecins sur leur territoire diminuer. Cette diminution suscite de nouveaux besoins mais aussi une forme de concurrence entre collectivités territoriales pour l’apport en professionnels de santé qui mène parfois à des dérives.
Le contrôle de légalité vise normalement à déceler et empêcher ces excès : les préfets sont chargés de vérifier la conformité de certains actes pris par les collectivités territoriales.
Bien que qualifié de « passoire à géométrie variable » par un rapport sénatorial de 2012, dans cette affaire un contrôle a été réalisé par la sous-préfecture de Dunkerque.
Toutefois, si le conseil municipal est revenu sur la délibération portant sur la création des deux postes d’agents territoriaux, le maire est allé à l’encontre de cette décision en continuant à faire supporter les salaires des secrétaires médicales par la commune.
Les irrégularités dans les marchés et les recrutements publics coûtent plus de 5 milliards d’euros par an au budget de l’État.
Pour permettre un contrôle accru de la légalité des actes des collectivités territoriales, Anticor propose que leur contrôle soit confié à une autorité départementale indépendante chargée en plus de vérifier l’application effective de ses décisions.
Affaire ARGELIERS
Comme beaucoup de collectivités, la commune d'Argeliers a recours à des contrats de location de photocopieurs auprès de fournisseurs, qui assurent en contrepartie la maintenance des appareils. Or, des irrégularités auraient été observées dans les différents contrats entre la mairie et ses prestataires.
Argeliers est une commune de l’Aude de 2 000 habitants.
Comme beaucoup de collectivités, la commune a recours à des contrats de location de photocopieurs auprès de fournisseurs, qui assurent en contrepartie la maintenance des appareils.
Or, des irrégularités auraient été observées dans les différents contrats entre la mairie et ses prestataires.
Depuis 2016, la commune a successivement passé et résilié des contrats avec différentes entreprises :
- En décembre 2016, la ville d’Argeliers a résilié un contrat avec la société Ixeo SA pour la location et la maintenance de photocopieurs, entraînant le versement d’une indemnité de 103 491,96 euros.
- À la suite de cette résiliation, un nouveau contrat était signé avec la société Rex Rotary pour 202 911 euros, à son tour résilié en 2019, contraignant la commune à verser une indemnité de 131 795,54 euros à ladite société.
- Enfin, un contrat était signé, cette fois avec la société DIGIT INNOVATION en 2019, prolongé en 2021, pour un montant total du contrat de 435 600 euros.
D’une part, cette succession de contrats interroge car les indemnités de résiliation représentent un coût important pour les finances de la commune.
D’autre part, les différents marchés publics semblent avoir été attribués au mépris des règles de passation de la commande publique.
En effet, en octobre 2021, le sous-préfet de Narbonne a indiqué que la prolongation et modification du contrat conclu par la commune avec DIGIT INNOVATION enfreignait les règles de passation de commande publique.
En mai 2023, un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie a confirmé des dysfonctionnements financiers, indiquant que la mairie aurait conclu des contrats sans consultation ni publicité. Cela est contraire aux règles de la commande publique.
En trois ans, le budget de la commune d’Argeliers pour la location et la maintenance de photocopieuses a presque quadruplé, passant de 25 000 euros par an en 2012-2013 à une moyenne de 90 000 euros entre 2015 et 2021. À titre de comparaison, la Chambre régionale des comptes estime qu’une commune de taille similaire devrait allouer environ 11 000 euros par an pour ces services.
Entre 2016 et 2021, la petite commune d’Argeliers aurait donc dépensé 451 000 euros pour la location et l’entretien de ses photocopieurs.
Ces faits, s’ils sont avérés, pourraient être constitutifs des délits de favoritisme et de détournement de fonds publics.
La procédure judiciaire : Le 14 septembre 2021, le groupe local d’Anticor de l’Aude, Anticor 11, a déposé un signalement pour alerter sur ces faits.
Par une décision du 4 février 2022, le parquet de Narbonne a classé ce signalement, considérant que les infractions n’étaient pas suffisamment caractérisées.
Or, entre temps la violation des règles de la commande publique a été également relevée par le sous-préfet de Narbonne et par la Chambre régionale des comptes qui a conclut, au demeurant, que « l’irrégularité est susceptible d’être qualifiée au plan pénal ».
Anticor a donc à nouveau saisi le procureur de Narbonne par une plainte déposée le 15 avril 2024, qui vise notamment le rapport de la CRC.
Fondement de l’action juridique d’Anticor : favoritisme et détournement de fonds publics
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Si les faits sont avérés, ils pourraient constituer une violation grave des règles de la commande publique, compromettant à la fois la liberté d’accès et l’égalité de traitement des candidats. De telles pratiques découragent les entreprises de participer à la commande publique et constituent des obstacles à l’usage efficace des deniers publics, au service de l’intérêt général, qui érodent la confiance des citoyens en leurs représentants.
Ces faits pourraient également constituer un gaspillage des ressources financières d’une petite commune.
Anticor demande que toute la lumière soit faite sur cette relation commerciale préoccupante entre la commune et ces sociétés privées, alors même que des alternatives équivalentes sont proposées par d’autres entreprises.
Affaire FRANCE PIERRE / ALAIN GARDERE
Une tentaculaire affaire de corruption impliquerait un ancien préfet, M. Alain Gardère, l’entreprise de bâtiment France Pierre 2, dirigée par l’entrepreneur M. Antonio De Sousa, ainsi que des élus locaux. (© Photo Boris Horvat / AFP)
Une tentaculaire affaire de corruption impliquerait un ancien préfet, M. Alain Gardère, l’entreprise de bâtiment France Pierre 2, dirigée par l’entrepreneur M. Antonio De Sousa, ainsi que des élus locaux.
M. Alain Gardère, ancien préfet et ancien commissaire de police, pourrait avoir, dans le cadre de ses fonctions de préfet délégué à la sécurité des aéroports de Roissy et du Bourget, puis de directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, reçu d’entrepreneurs, à de très nombreuses reprises, des cadeaux pour effectuer des actes relevant de ses fonctions.
Le haut fonctionnaire se serait notamment fait offrir des voyages, des appartements à prix réduits, des travaux, des accès à des ventes privées, la prise en charge de ses frais de transport, des repas dans des restaurants de luxe, un accès illimité et gratuit à un cabaret ou encore un smartphone.
Ces cadeaux auraient conduit l’ancien préfet à prendre des décisions aux dépens de l’intérêt général, voire de la sécurité publique.
A cet égard, à la suite des attentats de 2015 visant « Charlie Hebdo » et du placement de la rédaction de l’hebdomadaire sous protection du ministère de l’intérieur, M. Alain Gardère aurait fait en sorte qu’intervienne une société de sécurité privée appartenant à l’une de ses connaissances. Or, cette société ne disposait pas de l’accréditation nécessaire pour que ses agents de sécurité portent des armes, alors que cela était exigé par le contrat. M. Gardère aurait alors autorisé les agents de la société à porter des armes, sans accréditation.
Certains des cadeaux reçus par le haut fonctionnaire proviendraient de M. Antonio De Sousa, dirigeant de la société de bâtiment France Pierre 2.
Au demeurant, l’information judiciaire a mis en lumière que la société de bâtiment pourrait avoir offert à de nombreux élus locaux et fonctionnaires de communes franciliennes (Vigneux, Mennecy, Ozoir-la-Verrière, Saint-Thibault-des-Vignes, Bussy-Saint-Georges) des travaux immobiliers à très faible coûts ou à titre gracieux, des logements à prix avantageux, des voyages ou des voitures.
En contrepartie, l’entreprise de bâtiment aurait bénéficié de modifications de plans locaux d’urbanisme – des terrains inconstructibles ou en zone inondable, achetés à moindre coût, auraient été rendus constructibles. Elle se serait également vue accorder diverses autorisations et permis de construire et aurait obtenu des informations privilégiées lui permettant de mener à bien ses projets immobiliers.
Pour entretenir ce système opaque, M. De Sousa aurait exercé de fortes pressions sur ses sous-traitants, étroitement dépendants de son entreprise.
La procédure judiciaire :
En 2015, à la suite de la convergence de plusieurs enquêtes, une instruction était ouverte.
Le 13 avril 2016, M. de Sousa a été mis en examen, placé en détention provisoire puis placé sous contrôle judiciaire.
L’ancien préfet Gardère, a également été mis en examen en 2016 et placé sous contrôle judiciaire, tout comme plusieurs maires ou anciens maires du Val-de-Marne et de l’Essonne.
Anticor s’est constituée partie civile le 17 mai 2018 dans le cadre de l’instruction.
13 personnes physiques et 2 personnes morales ont été renvoyées devant le Tribunal, pour répondre de ces faits.
L’audience s’est tenue du 13 mai au 20 juin 2024 au Tribunal judiciaire de Paris.
Le parquet a requis 4 ans de prison dont 2 avec sursis probatoire et 450 000 euros d’amende contre l’ancien préfet Alain Gardère, et 6 ans de prison contre Antonio de Sousa. Des peines d’inéligibilité immédiate ont également été réclamées contre plusieurs maires.
Le délibéré sera rendu le 24 octobre 2024.
Fondement de l’action juridique d’Anticor :
- corruption passive
- corruption active
- prise illégale d’intérêts
- favoritisme
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?
S’ils sont avérés, les faits revêtent une particulière gravité, par leur récurrence, l’étendue du réseau mis à jour, le nombre et la qualité des acteurs publics renvoyés devant le Tribunal.
Il est inacceptable qu’un préfet, incarnation au local de l’Etat, utilise la puissance étatique dont il est dépositaire sur le territoire pour favoriser son intérêt personnel, contre l’intérêt général.
Il n’est pas davantage acceptable que des agents publics et des élus locaux acceptent de favoriser des entreprises en échange de cadeaux.
La facilité avec laquelle les entrepreneurs auraient corrompu quelques élus et les fonctionnaires dans cette affaire interroge, en outre, sur l’effectivité des mécanismes de contrôle et sur la collégialité de certaines décisions locales.
Des faits d’une telle ampleur sont de nature à éroder durablement la confiance que portent les citoyens en leurs institutions.
Ils mettent en avant l’importance des associations comme Anticor pour porter la voix des citoyens dans les prétoires.
© Photo Boris Horvat / AFP
Voici la liste des principales affaires judiciaires dans lesquelles l’association ANTICOR joue actuellement un rôle.
Affaire SIVU
Monsieur Vincent Jeanbrun est le maire de la commune de l’Haÿ-les-Roses, député et préside également un syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) en charge de gérer l’activité du cimetière partagé entre plusieurs communes. Cet organisme public dispose de plusieurs logements de fonction, qui devaient être attribués à des salariés du cimetière. Or, ce sont le chef de cabinet et le directeur de cabinet du maire de l’Haÿ-les-Roses qui auraient, en réalité, bénéficié de ces logements.
Monsieur Vincent Jeanbrun est le maire de la commune de l’Haÿ-les-Roses depuis 2014 et député depuis le 7 juillet 2024. Depuis mai 2014, il préside également un syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) en charge de gérer l’activité du cimetière partagé entre plusieurs communes du Val-de-Marne (94) : Cachan, Chevilly-Larue, l’Haÿ-les-Roses, Montrouge et Sceaux.
Cet organisme public dispose de plusieurs logements de fonction, qui devaient être attribués à des salariés du cimetière, après délibération du conseil syndicat du SIVU.
Or, ce sont le chef de cabinet et le directeur de cabinet du maire de l’Haÿ-les-Roses, Messieurs François Tretarre et Laurent Clémot, qui auraient, en réalité, bénéficié de ces logements, et ce, pour des loyers cinq fois inférieurs à celui du marché et alors qu’ils n’exerçaient aucune fonction au sein du SIVU.
• L’attribution irrégulière de logements de fonction
Les deux proches collaborateurs du maire auraient eu accès à des logements réservés aux membres du SIVU depuis respectivement 2017 et 2021.
Toutefois, l’attribution de ces logements n’a été autorisée par aucune délibération, en contradiction avec le règlement du syndicat.
M. Vincent Jeanbrun, président du syndicat et maire, aurait personnellement signé les baux de location des logements attribués à son chef de cabinet et à son directeur de cabinet à la mairie de l’Hay-les-roses.
Si cela est avéré, le fait que M. Vincent Jeanbrun ait, en tant que président du SIVU, accordé des logements à deux de ses collaborateurs à la mairie d’Haÿ-les-Roses serait susceptible de caractériser l’infraction de prise illégale d’intérêts.
Le fait que M. Vincent Jeanbrun ait attribué ces logements à des personnes n’étant pas employées du syndicat du cimetière serait, en outre, susceptible de caractériser un détournement de biens publics.
• Coûts de location minorés
Par ailleurs, les modalités d’occupation de ces logements posent question. Les montants des loyers payés par les collaborateurs du maire semblent avoir été très largement sous-évalués.
En effet, les collaborateurs du maire ont bénéficié de locations de maisons à Chevilly-Larue à des prix cinq fois inférieurs au prix du marché.
Si ces faits sont avérés, ils pourraient recevoir la qualification du délit de concussion.
• Prise en charge des frais d’électricité par le SIVU
Enfin, il apparaîtrait que le SIVU aurait, durant cinq années, indûment supporté les charges relatives à l’électricité des deux collaborateurs de M. Jeanbrun, pour un montant total d’au moins 45 000 euros.
L’utilisation des ressources du syndicat présidé par M. Jeanbrun pour acquitter les factures d’eléctricité des deux collaborateurs du maire de l’Haÿ-les-Roses est susceptible de caractériser un détournement de fonds publics.
La procédure judiciaire : Anticor a déposé un signalement auprès du procureur de la République de Créteil le 15 juillet 2024.
Ce signalement a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire par le Parquet de Créteil en septembre 2024, pour prise illégale d’intérêts, concussion et détournement de fonds publics. Elle a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE).
Fondement de l’action juridique d’Anticor : Prise illégale d’intérêts, concussion, détournements de biens et de fonds publics
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Un syndicat intercommunal exerce une mission de service public et doit accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l’intérêt général.
Il bénéficie d’équipements à destination de ses fonctionnaires. Le détournement de ces équipements au bénéfice d’intérêts personnels constituerait une perte de ressources pour les finances publiques.
Affaire GRAND-FORT-PHILIPPE
Pour lutter contre les déserts médicaux sur son territoire, le département du Nord (59) a décidé de se doter de centres de santé. En mars 2015, le conseil municipal de Grand-Fort-Philippe a approuvé un projet de construction d’un centre de santé destiné à attirer de nouveaux professionnels du milieu médical.
Pour lutter contre les déserts médicaux sur son territoire, le département du Nord (59) a décidé de se doter de centres de santé.
En mars 2015, le conseil municipal de Grand-Fort-Philippe a approuvé un projet de construction d’un centre de santé destiné à attirer de nouveaux professionnels du milieu médical.
Le 10 octobre 2017, le fonctionnement de cette maison médicale a été voté en conseil municipal avec les modalités suivantes : la mise à disposition de locaux pour les professionnels de santé en échange d’un loyer, les locataires devant prendre en charge les salaires du personnel d’accueil, du secrétariat et de l’entretien.
Le 6 novembre 2017, la maison médicale a ouvert ses portes, occupée par des médecins libéraux qui exerçaient déjà sur la commune dans un cabinet privé.
En parallèle, la commune a recruté, pour le centre médical, deux assistantes administratives en qualité d’agents territoriaux, s’avérant être les anciennes secrétaires des médecins locataires lorsque ceux-ci exerçaient au sein de leur cabinet.
Or, un agent public ne peut être recruté pour effectuer une activité privée. Ici, la commune de Grand-Fort-Philippe aurait pris en charge leurs rémunérations avec des fonds publics, alors que les secrétaires travaillaient pour le compte de médecins libéraux. Ce sont donc ces derniers qui auraient dû prendre en charge les salaires des secrétaires.
En décembre 2017, la sous-préfecture de Dunkerque a enjoint à la commune de retirer la délibération actant le recrutement des deux agents pour irrégularités.
Le 13 mars 2018, le conseil municipal est revenu sur la délibération.
Néanmoins, il semblerait que la commune de Grand-Fort-Philippe ait continué à supporter les salaires de deux collaboratrices, à l’insu du conseil municipal, jusqu’en octobre 2018.
Le coût pour la ville, souffrant par ailleurs d’importantes difficultés financières, serait estimé à 38 285,51€.
La procédure judiciaire : Le 29 novembre 2018, Anticor a déposé plainte auprès du procureur de la République de Dunkerque.
Une enquête a été ouverte en 2019.
L’association Anticor s’est constituée partie civile le 21 avril 2022.
Le 1er novembre 2022, le maire de la commune de Grand Fort Philippe était condamné pour détournement de fonds publics à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende.
À la suite de sa condamnation en première instance, le prévenu a interjeté appel.
Un procès s’est tenu le 10 juin 2024 devant la cour d’appel de Douai.
Le 23 septembre 2024, le maire de Grand-Fort-Philippe a été condamné en appel à 6 mois de prison avec sursis et 2 ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics.
Fondements de l’action juridique d’Anticor : détournement de fonds publics
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Ces dix dernières années, plus de 80 départements ont vu le nombre de médecins sur leur territoire diminuer. Cette diminution suscite de nouveaux besoins mais aussi une forme de concurrence entre collectivités territoriales pour l’apport en professionnels de santé qui mène parfois à des dérives.
Le contrôle de légalité vise normalement à déceler et empêcher ces excès : les préfets sont chargés de vérifier la conformité de certains actes pris par les collectivités territoriales.
Bien que qualifié de « passoire à géométrie variable » par un rapport sénatorial de 2012, dans cette affaire un contrôle a été réalisé par la sous-préfecture de Dunkerque.
Toutefois, si le conseil municipal est revenu sur la délibération portant sur la création des deux postes d’agents territoriaux, le maire est allé à l’encontre de cette décision en continuant à faire supporter les salaires des secrétaires médicales par la commune.
Les irrégularités dans les marchés et les recrutements publics coûtent plus de 5 milliards d’euros par an au budget de l’État.
Pour permettre un contrôle accru de la légalité des actes des collectivités territoriales, Anticor propose que leur contrôle soit confié à une autorité départementale indépendante chargée en plus de vérifier l’application effective de ses décisions.
Affaire ARGELIERS
Comme beaucoup de collectivités, la commune d'Argeliers a recours à des contrats de location de photocopieurs auprès de fournisseurs, qui assurent en contrepartie la maintenance des appareils. Or, des irrégularités auraient été observées dans les différents contrats entre la mairie et ses prestataires.
Argeliers est une commune de l’Aude de 2 000 habitants.
Comme beaucoup de collectivités, la commune a recours à des contrats de location de photocopieurs auprès de fournisseurs, qui assurent en contrepartie la maintenance des appareils.
Or, des irrégularités auraient été observées dans les différents contrats entre la mairie et ses prestataires.
Depuis 2016, la commune a successivement passé et résilié des contrats avec différentes entreprises :
- En décembre 2016, la ville d’Argeliers a résilié un contrat avec la société Ixeo SA pour la location et la maintenance de photocopieurs, entraînant le versement d’une indemnité de 103 491,96 euros.
- À la suite de cette résiliation, un nouveau contrat était signé avec la société Rex Rotary pour 202 911 euros, à son tour résilié en 2019, contraignant la commune à verser une indemnité de 131 795,54 euros à ladite société.
- Enfin, un contrat était signé, cette fois avec la société DIGIT INNOVATION en 2019, prolongé en 2021, pour un montant total du contrat de 435 600 euros.
D’une part, cette succession de contrats interroge car les indemnités de résiliation représentent un coût important pour les finances de la commune.
D’autre part, les différents marchés publics semblent avoir été attribués au mépris des règles de passation de la commande publique.
En effet, en octobre 2021, le sous-préfet de Narbonne a indiqué que la prolongation et modification du contrat conclu par la commune avec DIGIT INNOVATION enfreignait les règles de passation de commande publique.
En mai 2023, un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie a confirmé des dysfonctionnements financiers, indiquant que la mairie aurait conclu des contrats sans consultation ni publicité. Cela est contraire aux règles de la commande publique.
En trois ans, le budget de la commune d’Argeliers pour la location et la maintenance de photocopieuses a presque quadruplé, passant de 25 000 euros par an en 2012-2013 à une moyenne de 90 000 euros entre 2015 et 2021. À titre de comparaison, la Chambre régionale des comptes estime qu’une commune de taille similaire devrait allouer environ 11 000 euros par an pour ces services.
Entre 2016 et 2021, la petite commune d’Argeliers aurait donc dépensé 451 000 euros pour la location et l’entretien de ses photocopieurs.
Ces faits, s’ils sont avérés, pourraient être constitutifs des délits de favoritisme et de détournement de fonds publics.
La procédure judiciaire : Le 14 septembre 2021, le groupe local d’Anticor de l’Aude, Anticor 11, a déposé un signalement pour alerter sur ces faits.
Par une décision du 4 février 2022, le parquet de Narbonne a classé ce signalement, considérant que les infractions n’étaient pas suffisamment caractérisées.
Or, entre temps la violation des règles de la commande publique a été également relevée par le sous-préfet de Narbonne et par la Chambre régionale des comptes qui a conclut, au demeurant, que « l’irrégularité est susceptible d’être qualifiée au plan pénal ».
Anticor a donc à nouveau saisi le procureur de Narbonne par une plainte déposée le 15 avril 2024, qui vise notamment le rapport de la CRC.
Fondement de l’action juridique d’Anticor : favoritisme et détournement de fonds publics
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Si les faits sont avérés, ils pourraient constituer une violation grave des règles de la commande publique, compromettant à la fois la liberté d’accès et l’égalité de traitement des candidats. De telles pratiques découragent les entreprises de participer à la commande publique et constituent des obstacles à l’usage efficace des deniers publics, au service de l’intérêt général, qui érodent la confiance des citoyens en leurs représentants.
Ces faits pourraient également constituer un gaspillage des ressources financières d’une petite commune.
Anticor demande que toute la lumière soit faite sur cette relation commerciale préoccupante entre la commune et ces sociétés privées, alors même que des alternatives équivalentes sont proposées par d’autres entreprises.
Affaire COCHET
Philippe Cochet est maire de la commune de Caluire-et-Cuire (Rhône) depuis 2008 et conseiller à la métropole de Lyon. Il a exercé la fonction de député entre 2002 et 2017. Dans le cadre de cette fonction, il a recruté son épouse, Lætitia Cochet en qualité de collaboratrice parlementaire. Or, d’après une enquête conjointe de France Info et Lyon Capitale menée en 2017, l’effectivité du travail de l’épouse de M. Cochet, pour lequel elle a été rémunérée pendant près de 14 ans, n’a pas pu être établie.
Philippe Cochet est maire de la commune de Caluire-et-Cuire (Rhône) depuis 2008 et conseiller à la métropole de Lyon.
Il a exercé la fonction de député entre 2002 et 2017. Dans le cadre de cette fonction, il a recruté son épouse, Lætitia Cochet en qualité de collaboratrice parlementaire.
Les députés peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs parlementaires, qui les assistent dans l’exercice de leurs fonctions et dont ils sont les seuls employeurs. Ils bénéficient, à cet effet, d’un crédit affecté à la rémunération d’un à cinq collaborateurs.
En pratique, chaque député dispose généralement de trois à quatre collaborateurs répartis entre l’Assemblée nationale et la circonscription, avec un salaire médian autour de 2900€ mensuels.
Or, d’après une enquête conjointe de France Info et Lyon Capitale menée en 2017, l’effectivité du travail de l’épouse de M. Cochet, pour lequel elle a été rémunérée pendant près de 14 ans, n’a pas pu être établie.
Ainsi, Laetitia Cochet bénéficiait d’un salaire de 5593,03€ brut mensuel en comptant les primes, ce qui a poussé une ancienne collaboratrice de M. Cochet à initier un litige prud’homal pour inégalité salariale à l’issue duquel le député a été condamné.
L’enquête a également permis d’apporter de nouveaux éléments susceptibles d’établir le caractère fictif de l’emploi de Lætitia Cochet.
• Soupçons d’emploi fictif
Lætitia Cochet aurait perçu plus du double du salaire moyen des autres collaborateurs du député, malgré un temps de travail largement inférieur.
Cependant, Mme Cochet n’aurait disposé d’aucun bureau ni fonctions, et aucun des membres de l’équipe parlementaire ou même des proches du couple ne semblaient savoir qu’elle était employée à ce titre.
A l’issue de son enquête, le Parquet National Financier estime que la réalité du travail effectué par Mme Cochet n’est pas établie dans le dossier, malgré de menus services ponctuels effectués pour son mari.
Ces faits, s’ils sont avérés, pourraient être qualifiés de détournement de fonds publics, à hauteur de presque 639.000€ issus de l’enveloppe de crédits parlementaires.
• Un possible préjudice pour Pôle Emploi
A la suite de l’adoption de la loi du 15 septembre 2017 interdisant aux parlementaires d’employer un membre de leur famille, Lætitia Cochet a été licenciée de son emploi de collaboratrice parlementaire. A la suite de ce licenciement, elle a effectué une demande auprès de Pôle Emploi pour la perception d’indemnités de chômage. Elle aurait par conséquent perçu entre 23.000€ et 35.000€ par an entre 2017 et 2019.
Néanmoins, le caractère potentiellement fictif de son emploi remettrait en cause le droit de Mme Cochet à ces allocations. Ce seraient alors presque 94.000€ qui auraient été indûment perçus.
La procédure judiciaire : Anticor a déposé plainte auprès du Parquet National Financier le 17 septembre 2021.
Cette plainte a conduit à l’ouverture d’une enquête par le Parquet National Financier en novembre 2021.
Monsieur et Madame Cochet ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris les 28 et 30 août 2024 pour détournement de fonds publics, fraude aux allocations chômage et recel et complicité de ces délits. Anticor était représentée à l’audience.
Le délibéré sera rendu le 11 décembre 2024.
Fondement de l’action juridique d’Anticor : détournements de fonds publics et fraude aux allocations chômage
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?
La confiance des citoyens en leurs élus est fragilisée par l’usage irrégulier des deniers publics, et ce, d’autant plus lorsque ces fonds publics devaient servir à mener à bien des mandats d’élus, par le recrutement de personnels qualifiés.
L’adoption de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, interdisant aux parlementaires d’employer un membre de leur famille « proche », leur conjoint notamment, a permis de mettre un terme à ces situations de conflits d’intérêts.
Anticor propose d’aller plus loin. Lors des dernières élections législatives, l’association a formulé 7 engagements pour un député exemplaire et a invité les candidats à la députation à s’en saisir. L’un des engagements porte sur le refus de toute complaisance pour le recrutement des collaborateurs. Les députés s’engagent alors à choisir des collaborateurs selon leurs capacités, sans autre distinction que celle de leur vertu et de leurs talents et à ne procéder à aucune embauche de complaisance.
Par ailleurs, les fraudes aux aides sociales commises par des élus ou leur entourage sont contraires à l’exemplarité attendue par les citoyens de leurs représentants.
Affaire MÉTROPOLE EUROPÉENNE DE LILLE
En juin 2018, le journal en ligne Mediacités Lille a analysé des centaines de factures de l’intercommunalité et révélé que des dépenses personnelles du Président de la Métropole auraient été supportées par la MEL.
La Métropole Européenne de Lille (MEL) est une intercommunalité située dans le département du Nord, réunissant 95 communes.
Elle est présidée par Monsieur Damien Castelain depuis 2014.
En juin 2018, le journal en ligne Mediacités Lille a analysé des centaines de factures de l’intercommunalité et révélé que des dépenses personnelles du Président de la Métropole auraient été supportées par la MEL.
Ainsi, des dépenses de parfumerie, cosmétiques, électroménager, spa et nuits dans des hôtels de luxe les soirs de week-end, pour une somme totale de 20 542 euros auraient été prises en charge par la Métropole entre décembre 2015 et avril 2019 au titre des frais de mandat.
Le Président de la MEL aurait également fait un usage abusif de la prise en charge de ses transports par l’intercommunalité, par l’utilisation exclusive d’un véhicule appartenant à la Métropole et ce, même pour des trajets personnels, et par le remboursement indu de frais d’essence et de péage, estimés à 2 040€.
Ces faits, s’ils sont avérés, pourraient recevoir la qualification de détournements de fonds publics.
M. Damien Castelain est également soupçonné de favoritisme dans l’attribution d’un marché public portant sur les relations presse de la MEL, qui aurait été octroyé, de façon injustifiée à une société dont il connaissait personnellement la gérante.
Le Président de la MEL aurait fait part de sa préférence à ses collaborateurs pour la société Constance RP et aurait établi un cahier des charges très proche de l’offre de service de la candidate. Cette dernière aurait également pu rencontrer de futurs collaborateurs membres de l’intercommunalité, et ce, avant même la fin de la procédure d’attribution du marché.
Si ces faits sont avérés, ils interviennent en violation des principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures auxquels sont soumis les marchés publics. Ils pourraient constituer le délit de favoritisme.
La procédure judiciaire : Le 28 juin 2018, l’antenne locale d’Anticor dans le Nord (59) a transmis un signalement au procureur de la République.
Une enquête préliminaire a été ouverte fin juillet 2018.
L’Agence Française Anticorruption a transmis un signalement sur la base de l’article 40 en octobre 2018.
Le 20 décembre 2018, des perquisitions ont été réalisées dans les locaux de la Métropole Européenne de Lille, aux domiciles de Damien Castelain, ainsi qu’au domicile et siège social de la société Constance RP.
À l’issue de l’enquête, M. Damien Castelain a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel.
Débutée en février 2024 puis interrompue, l’audience a eu lieu les 10 et 11 juin 2024 au Tribunal correctionnel de Lille. Anticor était présente à l’audience et y a porté la voix des citoyens.
Le 2 juillet 2024, Damien Castelain a été condamné à un an de prison avec sursis intégral, 20000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité.
Fondement de l’action juridique d’Anticor : détournement de fonds publics, prise illégale d’intérêts, favoritisme et recel
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Cette affaire illustre le sentiment d’impunité qui semble donner un élan suffisant à certains élus pour outrepasser les lois.
En tant que président d’une métropole, qui a la charge du logement et de la politique de la ville, M. Damien Castelain ne peut ignorer les difficultés que peuvent rencontrer ses administrés, notamment les plus précaires, pour accéder à un logement décent.
Et c’est, pourtant, avec les fonds de la métropole qu’il aurait financé des nuits dans des hôtels de luxe parisiens et des séances de spa.
Anticor ne cesse de le dénoncer : l’usage de fonds publics à des fins personnelles est une atteinte à la probité qui entache profondément le lien de confiance qui doit exister entre les citoyens et leurs représentants.