Affaire PASS CULTURE

Le 17 décembre 2024, l’association Anticor a signalé au Parquet national financier (PNF) de possibles irrégularités dans la mise en place du Pass Culture, un engagement majeur de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron en 2017.

Ce signalement concerne notamment Monsieur Éric Garandeau, haut fonctionnaire ayant occupé plusieurs postes clés dans le domaine culturel. Ancien conseiller culturel de Nicolas Sarkozy et président du Centre National du Cinéma, il a quitté la fonction publique en 2015 pour fonder son entreprise de conseil, « Garandeau Consulting ». En 2020, il a intégré le réseau social TikTok en tant que directeur des affaires publiques pour la France.

En 2017, Madame Françoise Nyssen, alors ministre de la Culture, concrétise l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron : le Pass Culture. Ce dispositif vise à offrir aux jeunes de 15 à 18 ans un accès facilité à diverses activités culturelles.

Pour assurer son développement, le ministère de la Culture s’est associé à la Direction Interministérielle du Numérique et du Système d’Information et de Communication (DINSIC). Ensemble, ils ont créé une « start-up d’État » spécialement dédiée à la mise en place du Pass Culture. Cette structure était composée de membres du ministère et de la DINSIC, ainsi que de prestataires externes recrutés via des marchés publics.

Or, cette collaboration aurait permis de possibles irrégularités.

La ministre de la Culture a tout d’abord confié à Monsieur Éric Garandeau et à Monsieur Frédéric Jousset la réalisation d’une étude approfondie sur le projet du Pass Culture. Cette mission devait aboutir à un rapport rendu avant le 30 juin 2018.

Dans un second temps, un suivi de la mise en œuvre du projet a été engagé. À cette occasion, Monsieur Garandeau devait notamment définir le statut juridique du Pass Culture et rechercher des financements privés couvrant 80 % du coût total du dispositif.

À ce titre, il a été rémunéré via sa société de conseil, dans le cadre d’un montage particulier : la DINSIC a signé un contrat avec la société Octo Technology, qui a ensuite sous-traité une partie du travail à la société de Monsieur Garandeau. Entre 2018 et 2019, cette sous-traitance a représenté une rémunération totale comprise entre 868 500 € et 1 042 000 €.

Or, dès mai 2018, Monsieur Garandeau était présenté dans les communications officielles du ministère comme le responsable du projet. Puis, à l’été 2019, la « start-up d’État » en charge du Pass Culture est devenue une Société par Actions Simplifiée (SAS), baptisée SAS Pass Culture. Monsieur Garandeau a alors été désigné président de cette nouvelle entité.

Cependant, le 3 avril 2019, cette nomination a fait l’objet d’un avis défavorable de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP), estimant que, du fait de son statut de sous-traitant de la SAS via sa société de conseil, Monsieur Garandeau ne pouvait occuper le poste de président en toute impartialité.

En conséquence, sa nomination a été rejetée, et Monsieur Damien Cuier a été nommé président à sa place, tandis que Monsieur Garandeau est devenu son conseiller. Cette nomination au poste de conseiller a également été retoquée par la HATVP qui, par un courrier au ministère de la Culture, a de nouveau alerté sur l’impossibilité pour Monsieur Garandeau de garantir les conditions d’exercice indépendant et objectif de ses fonctions.

Il a donc fini par démissionner de la SAS.

Un rapport de la Cour des comptes, publié le 9 mai 2023 a, par ailleurs, relevé que la sous-traitance entre Octo Technology et Garandeau Consulting n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable, comme cela aurait dû être le cas.

De plus, les magistrats financiers ont souligné que le poste de conseiller auprès du président de la SAS Pass Culture aurait pu être spécifiquement créé pour contourner l’avis défavorable de la HATVP. Ils ont notamment relevé l’absence de contrat de travail pour cette fonction.

En outre, la nomination de Monsieur Garandeau au poste de directeur des affaires publiques de TikTok France en 2020 pose également question. En tant qu’ancien haut fonctionnaire, il aurait dû obtenir une autorisation préalable de son autorité hiérarchique pour rejoindre le secteur privé, ce qui ne semble pas avoir été le cas.

Ces faits, s’ils sont avérés, seraient susceptibles de revêtir la qualification pénale de prise illégale d’intérêts.

La procédure judiciaire : une enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet National Financier (PNF) en novembre 2023 pour favoritisme, détournement de fonds publics et recel de ces délits à la suite d’un signalement de la Cour des comptes.

Le 17 décembre 2024, l’association Anticor a transmis un signalement au PNF portant sur des soupçons de prise illégale d’intérêts.

Fondement juridique de l’action d’Anticor : prise illégale d’intérêts

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? D’une part, pour mettre en lumière des pratiques qui consisteraient, pour certains hauts-fonctionnaires, à s’enrichir par le biais de l’Etat et à se servir de leurs relations pour obtenir des contrats.

Ce type de pratiques renforce la défiance des citoyens envers leurs représentants.

Il faut s’assurer que les hauts-fonctionnaires en charge de projet sont dévoués à leur mission pour l’intérêt général, et non pour leurs intérêts personnels – cette exigence doit encore être renforcée lorsque les projets sont, comme pour le Pass Culture, des projets d’ampleur.

D’autre part, par ce signalement transmis au PNF, Anticor souhaite s’assurer que les potentiels faits de prise illégale d’intérêts soient couverts par l’enquête.

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