Affaire AMF

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est une autorité publique indépendante qui a pour mission de veiller à la protection de l’épargne investie en produits financiers, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés. C’est un gendarme boursier qui régule, autorise ou, le cas échéant, sanctionne les échanges financiers en France.

Du fait de sa mission de contrôle et de régulations, les agents de l’AMF doivent respecter des règles de prévention des conflits d’intérêts afin de ne pas mettre en danger l’accomplissement impartial de la mission de l’institution.

C’est la raison pour laquelle la loi impose un délai de trois à compter du départ d’un agent avant que celui-ci ne puisse rejoindre une société dont il a eu à connaître à l’occasion de sa mission de service public.

Madame Stéphanie CABOSSORIAS est haut-fonctionnaire. Elle a occupé le poste de directrice juridique de l’AMF. À ce titre, elle était chargée de réguler les actifs numériques comme les cryptomonnaies et les entreprises intervenant dans le secteur boursier. Elle explique avoir élaboré le nouveau régime légal des Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN) qui régule leurs activités et définit les conditions d’accès à ce statut.

Il s’agit d’un secteur important puisque ces entreprises fournissent des services comme l’échange d’actifs numériques ou la gestion de portefeuille crypto.

En avril 2022, Mme CABOSSORIAS a quitté son poste de directrice juridique de l’AMF pour rejoindre le groupe crypto-financier BINANCE. Ce groupe propose des services d’échange de cryptomonnaies et de gestion de portefeuilles en ligne.

De fait, le délai de trois ans prévu par la loi n’a pas été respecté. Ce départ a été autorisé par la direction de l’Autorité des Marchés Financiers, sans toutefois que la décision ne passe par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.

Quelques jours après l’embauche de Mme CABOSSORIAS, BINANCE obtenait de l’AMF le statut officiel de PSAN, lui permettant d’ouvrir ses activités d’échange de cryptomonnaie en France.

Cette décision va à contresens de celles des régulateurs financiers européens.

En effet, l’entreprise ne peut plus exercer au Royaume-Uni et son PDG, qui a depuis été contraint de démissionner, est visée par plusieurs enquêtes : en Allemagne pour des contournements fiscaux, en France pour pratiques trompeuses et blanchiment, et aux États-Unis pour des faits de fraude fiscale et blanchiment d’argent qui lui ont valu une amende de plus de 4 milliards de dollars.

Le caractère exceptionnel de cette décision, les délais d’instruction du dossier par l’AMF et leur coïncidence avec le départ de Mme CABOSSORIAS interrogent.

La procédure judiciaire : Le 8 décembre 2023, Anticor a transmis un signalement au Parquet National Financier.

Fondement de l’action juridique d’Anticor : prise illégale d’intérêts.

Mme CABOSSORIAS est présumée innocente.

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?

Le pantouflage, c’est-à-dire le départ du public vers le privé, devient dangereux pour l’intérêt public quand des fonctionnaires ou agents publics rejoignent l’entreprise ou le secteur dont ils avaient le contrôle. De tels doutes quant aux intérêts privés des régulateurs publics impactent la confiance des citoyens en leurs représentants publics.

Le secteur des cryptomonnaies et actifs numériques étant particulièrement sujet aux malversations financières (fraude fiscale, blanchiment, financements illégaux), la possibilité d’une perméabilité entre ce secteur et les acteurs préalablement chargés de sa régulation est préoccupante pour la protection des usagers et la lutte contre les crimes financiers.

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