Véhicule de fonction

Comment contrôler les véhicules de fonction

Véhicules de service/Véhicules de fonction de votre collectivité territoriale : Comment contrôler leur bonne utilisation ?

Beaucoup de collectivités sont dotées de parcs automobiles. Il convient de rappeler, en premier lieu, qu’il n’existe aucun texte général permettant de régir la situation des parcs automobiles des collectivités locales. Mais en s’inspirant de la « jurisprudence » dégagée par les différentes chambres régionales des comptes, ces derniers sont soumis à une réglementation très précise. Une réglementation qui, bien souvent, est méconnue de nos concitoyens, voire même de nos élus. Ainsi 3 points essentiels sont à retenir pour contrôler l’utilisation qui est faite de ces voitures.

1° Une délibération municipale pour régir le fonctionnement du parc automobile

Malgré cette absence de réglementation générale sur ce principe, il est d’usage de se référer à la circulaire du 5 mai 1997 relative aux conditions d’utilisation des véhicules de service et des véhicules personnels des agents de l’Etat. Il faut donc nécessairement que la collectivité délibère sur la question. Ainsi généralement une délibération doit préciser les points suivants :

 Circulaire du 5 mai 1997 – véhicules de service (70.9 KiB)

* Le véhicule/type

* Le Numéro d’immatriculation

* La direction ou le service auxquels les véhicules sont affectés

* Le nom du responsable

* Le périmètre de circulation

* L’autorisation de remisage à domicile

Par ailleurs, en dépit du principe de libre administration des collectivités locales, la circulaire ministérielle 14/10/91 du Premier Ministre relative au fonctionnement des véhicules de service dans la Fonction publique d’état est fortement préconisée pour s’appliquer également aux collectivités locales. Il y est explicitement précisé la tenue systématique d’un carnet de bord pour chaque véhicule : « Chaque administration veillera à ce qu’il soit tenu un carnet de bord pour chaque véhicule. Ce dernier retracera de manière exacte l’utilisation du véhicule en mentionnant quotidiennement et par mission le kilométrage au compteur, le carburant délivré, la nature et la durée de la mission et le nom du conducteur, ainsi que celui du fonctionnaire éventuellement transporté ou celui du fonctionnaire ayant commandé la mission» 1.

Enfin la mise en place d’un règlement interne à la Mairie s’avère nécessaire afin de régir l’utilisation de ces voitures, ainsi que des questions annexes (assurance, responsabilité, avantage en nature)

2° La distinction entre un véhicule de service et un véhicule de fonction

– Le véhicule de fonction est mis à la disposition de l’agent de façon permanente et exclusive pour l’exercice de sa fonction. Donc même en dehors des heures et des jours de service et des besoins de ses différentes missions. Ainsi, l’article 21 de la loi du 28 novembre 1990 précise que « les agents occupant l’un des emplois fonctionnels (…) de directeur des services d’une commune de plus de 5 000 habitants (…), ainsi que de directeur général adjoint des services d’une commune (…) de plus de 80 000 habitants (…) ». Ce sont donc les emplois fonctionnels qui sont visés par l’octroi d’un véhicule de fonction. Cela doit faire l’objet d’une délibération expresse. Par ailleurs, une voiture de fonction constitue un avantage en nature donnant lieu à imposition et à cotisations sociales. Comme le précise le chambre régionale des comptes du Nord Pas de Calais dans un rapport émis le 13/12/11 : « La commune doit déclarer à l’administration des impôts les avantages en nature octroyés à ses agents et à ses élus. Il y a avantage en nature soumis à cotisations dès qu’une voiture est mise à disposition permanente d’un salarié, sans restriction d’utilisation dans le temps (périodes de congés et week-ends) La prise en charge du carburant constitue également un avantage en nature. L’article 3 de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature prévoit : « l’avantage en nature constitué par l’utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l’employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d’un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d’achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l’entretien et l’assurance du véhicule en location ou en location avec option d’achat, toutes taxes comprises ». En cas de véhicule acheté (ce qui est le cas ici), le décompte s’effectue de la manière suivante :

« – les dépenses réellement engagées comprennent l’amortissement de l’achat du véhicule sur cinq ans, l’assurance et les frais d’entretien et, le cas échéant, les frais de carburant. Si le véhicule a plus de cinq ans, l’amortissement de l’achat du véhicule est de 10 % ;

– les dépenses sur la base d’un forfait sont évaluées sur la base de 9 % du coût d’achat et lorsque le véhicule a plus de cinq ans sur la base de 6 % du coût d’achat. Lorsque l’employeur paie le carburant du véhicule, l’avantage est évalué suivant ces derniers pourcentages auxquels s’ajoute l’évaluation des dépenses du carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 12 % du coût d’achat du véhicule et de 9% lorsque le véhicule a plus de cinq ans »

Tableau récapitulatif pour calculer l’avantage en nature soumis à cotisation sociale

et à l’impôt (sur une année X) :

Exemple pour un véhicule acheté neuf à hauteur de 40 000 Euros qui consomme, dans le cadre du service, 2000 euros de carburant, ayant fait l’objet de 1500 euros de frais d’entretien. Par ailleurs ce véhicule est assuré à hauteur de 1500 Euros par an et son utilisateur à eu recours à des frais de péage de l’ordre de 300 Euros.

Pour une année X Prix d’achat Amortissement /5 ans Frais d’entretien Frais de carburant Frais d’assurance Frais de péage
Année 2012 40 000 Euros 40 000/5 = 8000 Euros 1500 Euros 2000 Euros 1500 Euros 300 Euros

 

Le calcul est donc le suivant :

8000+1500+2000+1500+300 = 13 300 Euros.

Ce sont donc 13 330 Euros d’avantages en nature qui devront être soumis à l’imposition sur les revenus et à cotisation sociale (URSSAF) pour l’année 2012. Par ailleurs un rapport de 2007 émanant des juges des comptes de la Région Ile de France vient apporter une précision importante sur l’utilisation à des fins personnelles d’un véhicule de fonction : «  En outre, la réglementation prévoit que les véhicules du directeur général des services et celui du directeur de cabinet peuvent être utilisées pour les déplacements privés, donc comme véhicules de fonction. L’octroi de cet avantage en nature est permis, sous réserve d’un arrêté du maire. Enfin, s’agissant de ces utilisations éventuelles de véhicules communaux hors des besoins du service, il n’est pas prévu par les textes que la consommation de carburant doive, dans ce cas, être supportée par le budget communal »

– Le véhicule de service est, quant à lui, utilisé pour les besoins du service, donc pendant les heures et les jours de travail. Il est donc subordonné à une autorisation préalable de la collectivité. Lorsque le parc automobile est conséquent, il peut y avoir une autorisation de remisage à domicile (voir circulaire de 97 au # 1.2.6.2). Mais là encore, c’est la collectivité qui doit délibérer sur la question de façon très précise.

 Circulaire du 5 mai 1997 – véhicules de service (70.9 KiB)

3° Le statut des élus locaux quant à l’usage des véhicules appartenant à la collectivité :

Suite à une question écrite au gouvernement (QE 1308 du 27/09/07) ce dernier a pu apporter des précisions normatives et jurisprudentielles sur les conditions d’utilisation d’un véhicule par un élu local. Ainsi, le Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Locales rappel que :« Conformément à un principe posé par la loi et régulièrement rappelé par le Conseil d’Etat, les fonctions d’élu local sont gratuites. Toute dérogation apportée à ce principe, qu’il s’agisse d’indemnités ou d’avantages en nature, doit dès lors être prévue par un texte exprèsdont la portée est strictement interprétée par le juge administratif (CE 4 mai 1934, Syndicat des contribuables de l’arrondissement d’Aix en Provence; CE 21 juillet 2006,commune de Boulogne-Sur-Mer ; CE 27 juillet 2005, M. Million) Or, l’attribution, par une collectivité, d’un véhicule de fonction à un maire ou à un adjoint n’étant prévue par aucun texte, la délibération en cause encourt par conséquent l’annulation par le juge administratif. Cette irrégularité peut en outre être signalée par la chambre régionale des comptes, dans le cadre de ses compétences de contrôle de la qualité et de la régularité de la gestion.

En qualité de juges des comptes, cette juridiction peut par ailleurs être amenée à demander le remboursement des avantages indûment perçus.

Par contre, rien ne s’oppose à ce que les exécutifs locaux (Maires ou Maires adjoints) fassent l’usage d’un véhicule de service dont la collectivité se serait dotée, conduit par eux-mêmes ou par un chauffeur, « sous réserve que cela soit strictement justifié par l’exercice des fonctions communales » (par exemple, pour la visite d’un chantier communal).

Mais il convient de rappeler l’interprétation qui en est faite par le juge des comptes. En effet dans un rapport de 2007 la chambre régionale des comptes d’Ile de France met en exergue le fait que : « La réglementation relative aux conditions d’utilisation des véhicules de service, réserve strictement leur usage aux déplacements découlant des nécessités du service, à l’exclusion de tout autre utilisation à des fins personnelles»

Il est clairement établi que les élus locaux et principalement l’exécutif local n’ont pas le droit de disposer d’un véhicule de fonction attribué de façon permanente et exclusive. Prendre une délibération dans ce sens serait susceptible de ne pas respecter le principe de légalité et de voir cette délibération annulée par le juge administratif. Les rapports des magistrats financiers statuant sur la question, nous éclairent parfaitement sur cette question. Ainsi, Le juge des comptes a pu se pencher sur ces questions à travers divers rapports. C’est le cas de la chambre régionale des comptes du Nord Pas de Calais en 2002 qui nous précise le règlement en la matière : « Il a semblé à la Chambre que l’utilisation faite de ce véhicule n’était toujours pas en lien direct avec les obligations du mandat électif (véhicule attribué au Maire de la commune). En effet, au cours de la période sous revue, elle a relevé des déplacements effectués en dehors de la région Nord-Pas-de-Calais notamment pendant les mois d’été, pour lesquels la commune a supporté des dépenses de carburant et de péages autoroutiers. En outre, cette mise à disposition de véhicule n’a fait l’objet d’aucune autorisation expresse. La Chambre rappelle que le code général des collectivités territoriales ne prévoit pas l’attribution de voitures de fonction aux exécutifs locaux. Aucune délibération du conseil municipal n’est d’ailleurs venue autoriser l’octroi d’un tel avantage. De même, la circulaire ministérielle du 15 avril 1992 relative aux conditions d’ exercice des mandats locaux ne reconnaît pas la possibilité, pour les assemblées locales, d’attribuer des véhicules de fonction à leurs élus ; elle organise seulement la prise en charge des frais de route, dans la mesure où une indemnité de fonction n’est pas perçue, l’élu étant alors remboursé sur la base d’un état de frais appuyé des justificatifs

4°) Méthodologie

Bien souvent, le parc automobile est doté d’un système de carte de carburants. En principe, chaque carte est attribuée à un véhicule spécifique. Pour contrôler l’utilisation qui est faite des différents véhicules, il faut procéder de la façon suivante :

  • Demander les carnets de bord des véhicules concernés
  • Demander les relevés des cartes de carburants des véhicules concernés
  • Recouper les approvisionnements en carburants des véhicules (qui figurent dans les relevés) avec les déplacements des personnes concernées, tout en sachant que les « déplacements inhabituels » d’un élu sont assujettis à l’octroi d’ un mandat spécial (vote d’une autorisation expresse du conseil municipal)
  • Vérifier les factures d’achats, d’entretien, d’assurance afin de calculer l’avantage en nature

Ces demandes sont à adresser à l’administration communale, c’est-à-dire au Maire ou bien au Directeur Général des Services. En cas de refus, vous devez vous adresser à la CADA pour les obtenir (voir notre fiche « Outil citoyen » pour saisir la CADA).

Anisse CHAGRAOUI
Conseiller municipal
de Notre-Dame-de-Gravenchon (76)
Membre d’Anticor

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