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Lois de régulation de la vie publique : le vice-président d’Anticor a été auditionné par l’Assemblée nationale

Anticor continue de défendre ses propositions auprès des parlementaires, dans le cadre de la rédaction des projets de loi ordinaire et organique de régulation de la vie publique.

Après avoir été auditionné au Sénat, Éric Alt, le vice-président d’Anticor, a été entendu, le 12 juillet 2017, à l’Assemblée nationale, par Yaël Braun-Pivet, rapporteur de la Commission des Lois, et une vingtaine de députés.

Voici le texte de son intervention :

Sur le déroulement des débats : notre association regrette le passage par une procédure de débat accélérée. L’audition a été organisée au moment-même de l’examen du projet de loi au Sénat. Cette précipitation ne nous semble pas correspondre à l’ambition d’un large débat citoyen affichée initialement par le Ministre de la Justice. Le temps risque de manquer pour éclairer l’opinion des parlementaires, malgré quelques bonnes initiatives comme celles de Parlements & Citoyens.

Sur le titre  de la loi : nous considérons que l’objectif de renouer un lien de confiance doit être poursuivi. L’enjeu n’est pas une simple question de régulation. En revanche, le lien de confiance impose une réelle ambition de rupture avec les pratiques passées et un texte traduisant cette ambition. La loi doit renforcer un socle sur la base duquel une culture de probité et d’exemplarité devra se développer.

1/ Nous proposons de plafonner les revenus annexes des parlementaires : Anticor considère qu’il en faut pas que l’activité annexe soit plus rémunératrice que l’activité principale de législateur.

S’agissant du cumul de l’indemnité parlementaire avec des indemnités allouées au titre d’autres mandats, le principe du plafonnement général des indemnités en cas de cumul des mandats a été introduit par la loi organique n° 92-175 du 25 février 1992. Le député titulaire de mandats ou fonctions électorales locales ne peut cumuler les indemnités afférentes à ces mandats ou fonctions avec son indemnité parlementaire de base que dans la limite d’une fois et demie cette dernière. De telles indemnités sont ainsi plafonnées pour un député à 2 799,90 € par mois. Ce plafonnement pourrait être étendu pour l’ensemble des activités annexes des parlementaires.

Dans sa décision 2013-675 DC du 9 octobre 2013, le Conseil constitutionnel a censuré un article qui interdisait à un parlementaire d’exercer toute activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. Ce article  lui interdisait aussi d’exercer une fonction de conseil, sauf dans le cadre d’une profession libérale ou soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et qu’il exerçait avant le début de son mandat. Le Conseil a jugé que ces interdictions, par leur portée, excédaient manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté du choix de l’électeur, l’indépendance de l’élu ou prévenir les risques de confusion ou de conflits d’intérêts.

La limitation de la rémunération, qui n’interdit pas l’exercice d’une profession, apparaît proportionnée à l’objectif poursuivi.

Aux États-Unis, une loi de 1978 (Ethics in Government Act) limite, pour les membres du Congrès, à 15 % de l’indemnité les revenus annexes tirés d’une autre activité.

Nos propositions concernant la rémunération des députés ont suscité un vif débat lors de l’audition, notamment sur l’idée d’une extension du principe à d’autres mandats électifs.

Le cumul des fonctions de parlementaire et de consultant/lobbyiste continuerait cependant, même dans ce cadre, à poser problème. Le projet de loi interdit à tout député d’exercer le contrôle d’une société, d’une entreprise ou d’un organisme dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de conseils, s’il en a acquis le contrôle dans les douze mois précédant le premier jour du mois de son entrée en fonctions.

Anticor considère qu’il serait également compatible avec la décision du Conseil constitutionnel de porter ce délai à deux ans (c’est aussi la durée retenue par le législateur québécois :art 29 de la loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme).

2/ Anticor approuve l’introduction dans la loi d’un registre public recensant les décisions de déport des parlementaires confrontés à un conflit d’intérêts.

Chaque parlementaire resterait libre d’apprécier s’il doit se déporter ou non.

Il s’agit d’éviter l’implication de parlementaires ayant un intérêt personnel direct à influer sur l’élaboration d’un texte. Il conviendra, le cas échéant avec l’assistance du déontologue, de définir la ligne rouge qui interdira à un parlementaire d’intervenir dans des textes pour lesquels il a un intérêt direct, un risque d’interférence forte entre intérêts privés et publics, de nature à justifier un doute raisonnable sur la possibilité de se prononcer en considération du seul intérêt général.

Il ne s’agit pas d’interdire le vote ou l’expression d’un point de vue à un parlementaire qui a des compétences dans un secteur d’activité.

Cette mesure pourrait être utilement complétée par l’encadrement strict des pratiques de lobbying. Il nous apparaît, en effet, essentiel de compléter le registre des lobbyistes par une connaissance précise des conditions dans lesquelles un texte a été élaboré, notamment des personnes qui ont été rencontrées, des consultations menées ou des contributions reçues. Cette traçabilité améliorerait la compréhension que peuvent avoir les citoyens des raisons pour lesquelles un dispositif a été choisi plutôt qu’un autre.

L’empreinte normative consiste à joindre à un texte normatif la liste des personnes entendues par les responsables publics dans le cadre de son élaboration, de la rédaction du projet à son entrée en vigueur. Cette recherche de transparence devrait être une évidence quotidienne dans la mesure où un mandat électif est un contrat passé entre les Français et des élus, exercé sur fonds public, pour la recherche de l’intérêt général.

Dans une recommandation du Conseil pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying, du 18 février 2010, l’OCDE indique : « Les pouvoirs publics devraient également envisager de faciliter le contrôle par le public en faisant savoir qui a cherché à exercer une influence sur une loi ou une décision, par exemple en rendant publique un communiqué ou une « empreinte législative » indiquant quels sont les lobbyistes qui ont été consultés lors d’initiatives législatives. En assurant en temps utile l’accès à de telles informations, on pourra prendre en compte les différents points de vue de la société et des entreprises et disposer ainsi d’informations équilibrées pour l’élaboration et la mise en œuvre des décisions publiques. »

Rendre accessibles au moment de l’entrée en vigueur d’une loi ou d’un décret « la liste des personnes entendues, des réunions et auditions organisées, des consultations menées et des contributions reçues » constitue l’un des fondements de l’« empreinte normative » préconisée par le rapport Nadal. Selon le Président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, il s’agit d’un « corollaire indispensable » à la création du registre de transparence : « Il serait en effet inutile de connaître [les lobbyistes] tout en ignorant lesquelles de ces personnes sont effectivement entendues lors de l’élaboration des normes. ».

Il serait également souhaitable d’accompagner un tel contrôle par l’interdiction de toute remise de cadeaux aux élus.

3/ Sur le financment de la vie politique, Anticor regrette la suppression d’une mesure annoncée lors de la conférence de presse du Ministre de la Justice, le 1er juin 2017. Ainsi, la certification des comptes des partis politiques par la Cour des comptes ne figure pas dans le texte de loi au motif que le Conseil d’État estime « qu’à la différence de l’activité de contrôle des comptes des administrations publiques, qui constitue une prérogative de puissance publique, l’activité de certification des comptes des administrations autres que l’État constitue une activité marchande, qui doit respecter les règles de la commande publique et de la libre prestation de services ».

Anticor souligne que les partis politiques sont destinataires de fonds publics et que l’article 133-3 du code des juridictions financières précise que « la Cour des comptes peut contrôler les organismes qui bénéficient du concours financier de l’État ». Le cas échéant, l’article 47-2 de la Constitution pourrait être modifié pour faire  entrer la certification des partis politiques dans le champ de compétences de la Cour des comptes.

Anticor souhaite également que le projet de loi porte des dispositions afin :

  • de renforcer significativement les pouvoirs de l’autorité en charge du contrôle des comptes de campagne et de financement de la vie politique. Aujourd’hui, la CNCCFP ne dispose pas des pièces comptables des partis et ne peut exercer de contrôle concret par des investigations. Elle devrait pouvoir, en lien avec le parquet, faire appel aux services de police judiciaire. Elle devrait également pouvoir délier du secret professionnel les commissaires aux comptes;
  • de permettre un contrôle simultané des comptes d’un parti et de la campagne des candidats de ce parti. La participation à une élection n’est pas juridiquement le fait d’un parti, mais toujours d’un citoyen. Les dépenses qu’un parti engage dans une campagne sont imputées au candidat : les  partis ne sont donc pas tenus de déposer des comptes de campagne.  De ce fait, la CNCCFP et le public n’ont pas un aperçu global de l’intervention financière des partis politiques lors des campagnes électorales, ce qui limite la portée des dispositions en matière de transparence et aussi de contrôle, en ne permettant pas de recoupements entre comptes de campagne des candidats et des partis.
  • L’association approuve la proposition du Sénat de publier en sources ouvertes les comptes des partis et groupements politiques. Cette obligation pourrait être utilement complétée par la possibilité d’accès aux comptes de campagne d’un candidat et aux documents venant à son appui. Il convient ainsi de consacrer la jurisprudence (Conseil d’État, 27 mars 2015 CNCCFP et Mme C et société éditrice de Médiapart) et de faire en sorte que l’accès à ces documents ne soit plus un parcours d’obstacles
  • de permettre aux citoyens d’exercer leur vigilance sur le financement des campagnes et des partis politiques, en assurant une publication plus détaillée des comptes de campagne et des partis politiques et en consacrant le droit à la consultation des documents reçus ou émis par la Commission. La publication de ces documents en source ouverte des documents justifiant les comptes de partis, et les recettes et dépenses des candidats serait une avancée importante.
  • Enfin, nous approuvons les dispositions relatives au droit au financement, qui pourrait passer par la création du Banque de la démocratie.

4/ Nous regrettons particulièrement la disparition d’un engagement fort pris par Emmanuel Macron. L’interdiction aux personnes dont le casier judiciaire comporte une condamnation pour atteinte à la probité de se présenter à une élection n’est plus prévue. Pourquoi renoncer à la loi « visant à instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection », adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, le 1er février 2017. La peine d’inéligibilité ne répond pas à cette préoccupation : outre qu’elle restera à la discrétion des juges, elle ne s’appliquera qu’aux infractions commises postérieurement à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

L’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que  » nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire, le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ».

Dans les domaines de la banque et de l’assurance, la nomination des dirigeants responsables est incompatible avec les condamnations définitives, prononcées depuis moins de 10 ans, énumérées par les articles L. 500-1 du code monétaire et financier et L. 322-2 du code des assurances, ce qui exclut la désignation d’un dirigeant condamné pour des infractions de corruption.

Cela vaut aussi pour les magistrats, soumis à une condition plus largement définie de moralité, pour les professions juridiques (notaires, huissiers), pour les experts comptables, pour les professions médicales, pour la création d’entreprise (lors de l’immatriculation au registre de commerce ou au répertoire des métiers), pour l’obtention d’une carte de presse, pour les métiers de la sécurité ainsi que pour les chauffeurs de taxi. Ce document est même exigé pour des fonctions de vigile. Au total, cette obligation vaut pour 396 métiers.

Entre 1995 et avril 2016, l’Observatoire de la Société mutuelle d’assurance des collectivités territoriales a répertorié 1188 condamnations d’élus locaux toutes infractions confondues sur les quelques 3000 élus poursuivis, toutes infractions confondues. Sur la mandature 2008-2014, l’Observatoire a recensé 171 élus locaux condamnés. Rapporté aux nombres d’élus locaux, le taux de mise en cause pénale pour atteinte à la probité reste faible : 0,99 pour mille élus locaux. Même en prenant une définition très large, comme celle retenu par l’ouvrage « délits d’élus » qui dénonce 400 politiques  » aux prises avec la justice », le nombre est faible, rapporté aux 600 000 élus français. Mais c’est un symbole important pour l’opinion : la pétition pour l’interdiction aux détenteurs d’un casier judiciaire d’effectuer un mandat électoral a recueilli 146000 signatures au 15 janvier 2017.

Pour faire obstacle à l’obligation pour les candidats à une élection politique de présenter un casier judiciaire vierge, les opposants ont souvent confondu condition d’aptitude et peine automatique.

Par exemple, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 octobre 2012 (2012-278), considère que l’exigence de bonne moralité exigée des candidats à la magistrature est conforme à la Constitution. La question dont il était saisi était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de certaines dispositions du 3° de l’article 16 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. Cette ordonnance porte loi organique relative au statut de la magistrature. Son article 16 fixe les conditions requises des candidats à l’une des voies d’accès à l’École nationale de la magistrature (ENM). Le 3° de cet article 16 précise que ces candidats doivent « être de bonne moralité ». La requérante soutenait qu’en utilisant la notion de « bonne moralité », le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et porté atteinte au principe d’égal accès aux emplois publics. Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution. (…). En l’espèce, le législateur a posé que les candidats à l’ENM doivent « être de bonne moralité ». Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ont pour objet de permettre à l’autorité administrative de s’assurer que les candidats présentent les garanties nécessaires pour l’exercice des fonctions de magistrats, s’agissant en particulier du respect des devoirs qui s’attachent à leur état. Il appartient à l’autorité administrative d’apprécier, sous le contrôle du juge administratif, les faits de nature à mettre sérieusement en doute la présence de ces garanties.

Cette décision ne contredit pas celle du 11 juin 2010, portant sur l’article L. 7 du code électoral (n°2010 6/7 QPC). Cet article prévoyait une inéligibilité automatique pour les élus condamnés pour certaines infractions, notamment les délits financiers (détournement de fonds publics, corruption passive et trafic d’influence, par exemple). Elle a été censurée au motif qu’il instituait une automaticité contraire à l’individualisation des peines, grand principe de la justice française : c’est au juge pénal de décider des sanctions par rapport à l’individu et aux faits qui lui sont reprochés, et de le protéger ainsi de l’arbitraire.

Enfin, les effets dans le temps de la condition d’inaptitude peuvent être modérés. Tout condamné à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut bénéficier d’une réhabilitation soit de plein droit, soit judiciairement (C. pén., art. 133-12). Qu’elle soit légale (C. pén., art. 133-12 à 133-17) ou judiciaire( Code de procédure pénale, art. 785 à 798), la réhabilitation est subordonnée à l’exécution préalable de la peine prononcée, dans la mesure où les peines doivent avoir été subies ou être réputées subies. S’agissant de la réhabilitation de plein droit, seule concernée par nos développements, elle s’acquiert par l’écoulement d’un certain délai dès lors que la personne condamnée n’a subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle (C. pén., art. 133-13). La durée des délais, qui varie de 3 à 10 ans, et leur computation, dépendent de la nature de la peine prononcée (C. pén., art. 133-13, 1° . – C. pén., art. 133-13, 2° . – C. pén., art. 133-13, 3°). La réhabilitation produit les mêmes effets que ceux attachés à l’amnistie par les articles 133-10 et 133-11 du Code pénal . Elle entraîne, par ailleurs, l’effacement de toutes les incapacités et déchéances qui résultant de la condamnation (C. pén., art. 133-16, al. 1er). Cela étant, depuis le 1er janvier 2008, il est précisé que « la réhabilitation n’interdit pas la prise en compte de la condamnation par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l’application des règles sur la récidive légale » (C. pén., art. 133-16, al. 3 .).

L’Assemblée nationale a voté le 1er février 2017 un projet de loi et un projet de loi organique qui satisfont cet objectif. Il serait très regrettable que l’examen de ce projet ne vienne pas à son terme.

5/ Anticor soutient également la suppression du « verrou de Bercy » qui donne à l’exécutif le monopole des poursuites en matière de fraude fiscale. Cette atteinte à la séparation des pouvoirs a notamment posé problème lors de l’affaire Cahuzac ou lorsque Éric Woerth cumulait les fonctions de ministre du Budget et de trésorier du parti au pouvoir.

Anticor rappelle l’opinion de la Cour des comptes : « En France, seule l’administration fiscale peut engager des poursuites pénales pour fraude fiscale, seul délit que les parquets ne peuvent poursuivre de façon autonome. Cette situation est aujourd’hui préjudiciable à l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale. En effet, malgré la création de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, les plaintes pour fraude fiscale demeurent peu nombreuses, mal ciblées et tardives.

La Cour estime nécessaire d’ouvrir aux parquets le droit de poursuivre, sans dépôt de plainte préalable par l’administration fiscale, certaines fraudes complexes, afin de traiter un plus grand nombre de dossiers, d’intervenir plus rapidement et de mieux assurer le recouvrement des sommes dues. Cette possibilité nouvelle donnée aux parquets, qui complèterait utilement la possibilité de poursuivre les faits de blanchiment de fraude fiscale, serait de nature à améliorer significativement l’efficacité de l’action de l’État au prix de risques limités. »

6/ Le délai butoir de douze ans, à compter de la commission des faits, au-delà duquel il n’est plus possible de poursuivre les infractions occultes ou dissimulées fait aussi obstacle à l’action de la justice. Cette « prime à l’opacité » doit être remise en cause.

La loi portant réforme de la prescription en matière pénale a été promulguée le 27 février 2017. Elle était le fruit d’un consensus républicain rare, car elle avait été proposée par deux députés de bords opposés. Elle était aussi le fruit d’une réflexion importante menée avec les spécialistes et la société civile.

La loi double les délais de prescription pour les crimes et délits. Le délai de prescription d’un délit passe de 3 ans à 6 ans et celui d’un crime de 10 ans à 20 ans. Elle consacre aussi la jurisprudence qui prévoit que le point de départ de la prescription court à compter du jour où les infractions occultes ou dissimulées ont été constatées dans des conditions permettant des poursuites.

Mais elle institue aussi un délai butoir de douze ans pour les délits (et de trente ans pour les crimes). Les infractions plus anciennes ne pourront donc être poursuivies.

Ces délais butoirs courent à compter de la commission de l’infraction. Ils ne figuraient pas dans le texte initial. C’est une initiative du Sénat. Pourtant, il n’y avait nul besoin de créer un délai butoir.

En effet, cette disposition neutralise partiellement l’état du droit antérieur. Elle aura des effets négatifs dans les affaires financières : il n’est pas rare en ce domaine que des enquêtes commencent plus de 12 ans après les faits. Souvent, ce n’est qu’à l’occasion d’une alternance dans une mairie ou d’un changement de patron ou d’actionnaires dans une entreprise qu’un manquement est découvert. Et parfois c’est lors d’enquêtes connexes, d’écoutes ou de tuyaux, que, des décennies plus tard, on découvre des malversations en marge de contrats de marchés publics ou de ventes d’armes.

Le  texte initial de la loi permettait de réaliser une belle avancée en matière sanitaire et environnementale. En effet, en cette matière, les preuves apparaissent souvent au fil du temps. Une nappe phréatique peut être empoisonnée par des déchets toxiques mal évacués ou enterrés et les faits découvertes des décennies plus tard. Et certains médicaments, comme l’a montré le cas du Distilbène, peuvent montrer leurs effets secondaires nocifs sur plusieurs générations. Mais là aussi l’avancée sera modeste. Au-delà de douze ans, un voile d’opacité recouvrira ces délits.

7/ Nous souhaitons rappeler des propositions de notre plaidoyer qui pourraient utilement enrichir les textes pour véritablement rétablir la confiance dans l’action publique :

  • supprimer les moyens exorbitants actuellement accordés aux anciens présidents de la République (et, dans une moindre mesure, aux anciens Premiers ministres) ;
  • d’améliorer la transparence du recrutement et de la promotion des agents locaux en créant un portail national unique de l’emploi public local;
  • favoriser le dépaysement judiciaire des affaires politiques ;
  • renforcer le contrôle de légalité par la création d’un parquet près les tribunaux administratifs ;
  • donner à la Cour de discipline budgétaire et financière le pouvoir de sanctionner les membres du Gouvernement et les élus locaux ;
  • sanctionner les poursuites-bâillon (plaintes dilatoires payées avec l’argent public) déposées contre les lanceurs d’alerte ;
  • Instaurer un contrôle préalable de l’utilisation de la protection fonctionnelle pour les élus (puisque selon la loi, elle ne doit pas être accordée pour des faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de leurs fonctions).
  • permettre l’affectation des biens confisqués à des activités d’intérêt général (afin de rendre tangible les fruits de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale) ;
  • systématiser la publication en données ouvertes (open data) des informations et documents détenus par les autorités publiques.

Nous estimons enfin que de bonnes lois ne sont rien sans une justice indépendante, dotée des moyens nécessaire pour agir avec efficacité. Cela impose, au minimum, la suppression de tout lien hiérarchique entre le ministre de la Justice et les procureurs. Nous serons particulièrement attentifs au projet de loi constitutionnel sur le point. Nous approuvons aussi le président de la Haute autorité de transparence de la vie publique, qui considère que la lutte contre la corruption est trop morcelée. L’inscription dans la Constitution d’une autorité en charge du développement dans la vie publique devra être envisagée.

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