Plaidoyer

La corruption et la délinquance financière portent atteinte aux principes qui fondent la République. Le préambule de la déclaration des droits de l’homme de 1789 proclame que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ».

Le coût de la corruption a été chiffré par un rapport à l’initiative d’un groupe parlementaire de l’Union européenne, par an et en France uniquement, à la somme de 120 milliards d’euros, ce qui représente une perte immense pour les finances publiques.

L’égalité devant la loi, la liberté d’expression, la liberté de la presse, le droit pour les citoyens de demander des comptes aux agents publics de leur administration, leur égale admissibilité aux emplois publics, la séparation des pouvoirs sont autant de remparts contre les abus de pouvoir et la corruption. Ces principes sont devenus vulnérables, comme les droits économiques et sociaux proclamés par la Constitution française de 1946.

Au regard de cette situation, il appartient au législateur d’être à la hauteur des enjeux.

La contribution d’Anticor propose une approche du local au global, du politique à l’économique. Une réflexion pertinente sur la lutte contre la criminalité économique ne peut être limitée au champ des infractions financières ou fiscales. Chacune des propositions nous semble utile pour endiguer les dérives de la vie politique et économique.

Nous souhaitons des règles plus effectives et des institutions plus efficaces pour les appliquer.

Prises dans leur ensemble, ces propositions appellent une réflexion sur l’architecture du pouvoir et sur la porosité entre pouvoirs politiques et économiques. Au regard de la perspective d’une réforme constitutionnelle, nous envisageons aussi des propositions susceptibles de faire partie de la loi fondamentale.

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I - Pour des règles plus effectives

La succession de mesures répondant à des scandales a permis des améliorations. Elle n’a pas permis en revanche une approche globale des questions de probité de nature à prévenir la délinquance financière.

1. La délinquance financière en lien avec la vie économique

En 1992, Yves Mény analysait « les conflits d’intérêts et l’art de les contourner ». Il parlait d’une tentation structurelle permanente, créant un climat favorable à la corruption. La loi du 11 octobre 2013 définit les conflits d’intérêts. Ce n’est qu’un premier pas.

Dans sa configuration actuelle, le lobbying est une pathologie de la démocratie. Le risque est grand d’une captation de la décision publique. Il n’y a parfois qu’un pas entre le lobbying et le trafic d’influence.

La création par la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 2016 d’un registre des représentants d’intérêts a bien entendu constitué une avancée importante.

Toutefois, certaines dispositions du décret du 9 mai 2017, signé par Bernard Cazeneuve et Michel Sapin, ont vidé une partie de ce dispositif de sa substance et donc de son effectivité.

En effet, en application de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013, il n’y a action de représentation d’intérêts que si c’est le représentant d’intérêts qui entre en communication avec un responsable public. L’article 1er du décret du 9 mai 2017 en déduit que ne peuvent être considérées comme des actions de représentation d’intérêts que les communications faites à l’initiative des représentants d’intérêts.

Or, cette prévision apparaît illégitime dans un contexte où les allers-retours public/privé se sont multipliés, démontrant un intérêt croissant du secteur public à développer une carrière dans le secteur privé.

Par ailleurs, en application de l’article 18-2 précité, il faut également que la représentation d’intérêts constitue l’activité principale de l’intéressé ou qu’il exerce cette activité de manière régulière, ces critères étant alternatifs.

Ainsi, si une personne a consacré plus de la moitié de son temps à des actions de représentation d’intérêts sur une période d’au moins six mois, elle ou la personne morale qu’elle représente est un représentant d’intérêts, qui devra s’inscrire sur le répertoire.

En application de l’article 1er du décret du 9 mai 2017, une personne exerce une activité de représentation d’intérêts de manière régulière lorsqu’elle a réalisé, pendant une période de douze mois, plus de dix actions de représentation d’intérêts.

Au sein des personnes morales, ce critère doit être apprécié de manière individuelle : une personne morale n’est un représentant d’intérêts que si au moins une personne en son sein a réalisé, à elle seule, plus de dix actions de représentation d’intérêts sur l’année.

Ces règles créent des possibilités de contournement du registre qu’il est aisé d’exploiter. Si la défense d’intérêts ne doit pas être systématiquement stigmatisée, il importe toutefois que les responsables politiques et administratifs donnent des gages importants pour rassurer l’opinion publique, qui voit en l’activité des lobbyistes une pratique anti-démocratique en ce qu’elle sacrifie l’intérêt général.

Un autre texte a créé par la suite une exception, qui n’apparaît pas justifiée : les associations religieuses n’ont pas à se déclarer comme représentant d’intérêt.

Enfin, et c’est capital, les activités déclarées doivent contenir les informations nécessaires à un contrôle citoyen effectif, ce qui n’est pas le cas actuellement. Aujourd’hui, il est imposé aux représentants d’intérêts de publier l’objet de leur activité de lobbying ainsi que le type de responsables publics auprès duquel l’activité a été effectuée sans avoir à indiquer le nom de la personne rencontrée ce qui rend difficile un contrôle notamment sur d’éventuels conflits d’intérêts lors d’un départ de cette personne vers le secteur privé.

Par ailleurs, la disposition 2° bis insérée dans l’article 18-5 prévoit que les représentants d’intérêts doivent s’abstenir de verser toute rémunération aux collaborateurs du président de la République, aux membres de cabinet ministériel et aux collaborateurs d’un député, d’un sénateur ou d’un groupe parlementaire.

Il s’agit d’une disposition très importante dans la mesure où l’ancien cadre juridique n’empêchait pas les collaborateurs, au premier rang du processus législatif, de percevoir de l’argent de ceux qui défendent des intérêts privés en lien avec la création de la loi.

Nous attirons toutefois l’attention de la représentation nationale sur le fait que la disposition 2 de ce même article n’interdit que de proposer ou de remettre à ces personnes des présents, dons ou avantages d’une valeur significative.

Il est extrêmement choquant pour les citoyens que les élus puissent recevoir des cadeaux de représentants d’intérêts, même d’une valeur non significative, ce critère étant par ailleurs vague. L’assemblée impose actuellement aux députés de déclarer tout cadeau d’une valeur supérieure à 150 euros.

La représentation nationale gagnerait à interdire cette pratique, déjà interdite pour tous les fonctionnaires, afin de renforcer la confiance des citoyens en leurs actions.

Il est à noter que le répertoire de la HATVP a été étendu en 2022 aux actions menées auprès des collectivités territoriales et des agents de l’administration, sans toutefois que les imperfections du système ne soient traitées. En effet, la plupart des propositions d’évolution émises par la Haute Autorité en octobre 2021 dans son rapport sur l’encadrement de la représentation d’intérêts n’ont pas trouvé de traduction législative ou règlementaire à ce stade.

Il faut compléter la loi Sapin 2 :

  • Par des dispositions sur la traçabilité, afin de permettre de savoir qui a rencontré qui, et à quel sujet ; 
  • En révélant, dès leur transmission, toutes les propositions législatives faites aux décideurs publics ;
  • Par la publicité des rapports et informations communiquées par les représentants d’intérêts aux pouvoirs publics ;
  • Par l’obligation pour les parlementaires de mentionner l’origine d’un amendement qu’ils décident de relayer (emprunte normative) et la possibilité d’un contrôle en amont des amendements ressemblants;
  • Par l’interdiction faite aux représentants d’intérêts de faire bénéficier les décideurs publics de cadeaux ou d’avantages ;
  • Par le plafonnement des revenus annexes que peut avoir un parlementaire ;
  • Par l’obligation faite aux parlementaires qui exercent des fonctions de conseil de communiquer au déontologue de leur assemblée la liste de leurs clients ;
  • Par la mise en place d’espaces d’expression et de confrontation des avis divergents d’experts, qui doivent tous remplir et signer une déclaration publique d’intérêts (DPI) mise en ligne ;
  • Par la prévision de règles étendant l’encadrement du lobbying aux opérations d’influence mises en place auprès du gouvernement.

Le pantouflage devient dangereux pour l’intérêt public quand des fonctionnaires ou agents publics rejoignent l’entreprise ou le secteur qu’ils contrôlaient. Or, il s’agit d’un phénomène en constante progression.

À défaut de corruption, les hauts fonctionnaires recrutés dans le privé le sont souvent pour faire du lobbyisme auprès de leur administration d’origine, c’est-à-dire pour faire, parfois, dans le privé, le contraire de ce pourquoi ils étaient rémunérés dans le public : par exemple, un agent des impôts peut devenir conseiller pour faciliter l’évasion fiscale…. Ces fonctionnaires vendent leur « carnet d’adresses » dont l’entreprise peut tirer bénéfice.

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique procède à une modification profonde du contrôle déontologique des responsables et agents publics lors de leurs mobilités entre les secteurs public et privé. Cette loi prévoit une saisine obligatoire de la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP) pour les personnes nommées aux plus hauts emplois des trois fonctions publiques hors concours.

La loi dispose que la HATVP est chargée :
(…)

« 3° D’émettre un avis sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise par un fonctionnaire sur le fondement du III de l’article 25 septies avec les fonctions qu’il exerce ;

« 4° D’émettre un avis sur le projet de cessation temporaire ou définitive des fonctions d’un fonctionnaire qui souhaite exercer une activité privée lucrative dans les conditions prévues aux III et IV du présent article ;

« 5° D’émettre un avis en cas de réintégration d’un fonctionnaire ou de recrutement d’un agent contractuel (…) ».

La loi prévoit également la situation d’un fonctionnaire cessant définitivement ses fonctions pour exercer une activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé ou une activité libérale. Dans ce cas, la HATVP doit être saisie en cas de doute sérieux sur la compatibilité de l’activité envisagée avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours de trois années précédentes.

Il faut aujourd’hui prévenir toute tentation de mélange des genres, résultant de la pratique nouvelle en France du « rétro-pantouflage » et des « tourniquets », qui se manifestent par des passages successifs du public au privé.

Le dispositif actuel de contrôle de la pratique dite du « pantouflage », c’est-à-dire des agents qui quittent de manière définitive ou temporaire le secteur public pour le secteur privé et du “rétro-pantouflage”, c’est-à-dire le retour de ces agents dans le secteur public ou bien le recrutement dans le secteur privé d’agents publics est dédoublé.

Il est en effet :

  • D’une part, concentré et exercé par la HATVP pour des emplois de haut niveau hiérarchique ;

  • D’autre part, déconcentré pour les autres agents en étant exercé par l’autorité hiérarchique après avis du « référent déontologue ». Ce mode s’inscrit dans le droit fil des dispositions antérieures tirées de la loi du 20 avril 2016 qui avait institué au sein des administrations de tels référents.

Par ailleurs, de nombreux agents rejoignent prématurément le secteur privé alors que leur formation a été prise en charge par les contribuables en contrepartie d’une obligation de service de 10 ans.

L’amélioration de la prévention de ces conflits d’intérêts impose aussi :

  • L’application effective de l’obligation pour les hauts fonctionnaires de servir l’État pendant au moins dix ans ;

  • L’octroi à la HATVP de pouvoirs et de moyens humains et financiers pour enquêter sur les missions effectivement réalisées par les élus ou agents publics ;

  • Le suivi effectif par la HATVP des réserves émises par ses services ;

  • La mise en ligne systématique des avis des commissions de déontologie internes chargées de statuer sur la compatibilité d’un projet de reconversion professionnelle d’un agent public vers le secteur privé ;

  • L’élargissement de la liste des responsables publics soumis à une saisine obligatoire de la HATVP pour tout projet de reconversion professionnelle (exemples : directeur/ directeur des affaires juridiques d’autorités administratives indépendantes …) ;

  • La mise en place de déclarations d’intérêts exhaustive deux mois après la cessation des fonctions publiques/privées et mise en ligne systématique sur le site de la HATVP avant reconversion dans le public/privé.

S’agissant des magistrats de l’ordre judiciaire, l’article 9-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut du la magistrature dispose :

« Le magistrat en disponibilité ou qui demande à être placé dans cette position doit, lorsqu’il se propose d’exercer une activité privée, en informer préalablement le garde des sceaux, ministre de la justice. La même obligation s’applique pendant cinq ans au magistrat ayant définitivement cessé ses fonctions.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, peut s’opposer à l’exercice de cette activité lorsqu’il estime qu’elle est contraire à l’honneur ou à la probité, ou que, par sa nature ou ses conditions d’exercice, cette activité compromettrait le fonctionnement normal de la justice ou porterait le discrédit sur les fonctions de magistrat.

En cas de violation d’une interdiction prévue au présent article, le magistrat mis en disponibilité est passible de sanctions disciplinaires dans les conditions prévues au chapitre VII. Le magistrat retraité peut faire l’objet, dans les formes prévues au chapitre VII, du retrait de son honorariat, et, le cas échéant, de retenues sur pension ».

Ce texte, qui date de la loi du 5 février 1994, est obsolète. D’une part, il donne au ministre de la Justice une responsabilité exclusive et une importante marge d’appréciation. D’autre part, il ne vise pas explicitement la prévention des conflits d’intérêts.

Or même si les allers-retours entre privé et public sont moins importants dans la magistrature judiciaire que dans d’autres corps de la fonction publique, il est souhaitable de prévenir toute dérive. C’est pourquoi nous sommes d’avis de confier au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) une mission équivalente à celle de la HATVP pour les fonctionnaires.

Il est primordial de prendre des mesures pour faciliter l’accès aux informations sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des personnes morales. En effet, faute d’information sur les bénéficiaires effectifs, les personnalités criminelles ou sous sanctions peuvent se dissimuler plus facilement derrière des prête-noms ou des sociétés-écrans.

De même, des sociétés peuvent permettre de dissimuler des intérêts financiers qui devraient être déclarés dans le cadre d’une activité publique. La situation de Mme Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, présidente de l’autorité de transports francilienne en est une illustration. Alors que Mme Pécresse détenait des stock-options de la société Alstom via une fiducie ou trust, Ile-de-France Mobilités a commandé plus de 2,4 milliards d’euros de matériel roulant à Alstom. Or, si la fiducie est un montage qui implique de transférer la propriété de biens, ce transfert de propriété n’est que temporaire de sorte qu’il parait bien évident que l’intérêt financier ne disparait pas du fait du transfert de propriété.

En France, il existe une plateforme, ouverte au public en avril 2021, qui permet à tout citoyen de connaître facilement l’identité des propriétaires des sociétés françaises. Réclamé de longue date par les organisations de la société civile, cet outil est très largement considéré comme une avancée majeure en matière de transparence financière et de lutte contre la fraude et le blanchiment.

Cette plateforme a été remise en cause par une décision de CJUE de novembre 2022 qui déclare illégal l’accès du grand public aux registres européens au nom du respect de la vie privée.

Ce registre est crucial, il convient donc de sécuriser son existence envers et contre une jurisprudence de l’Union européenne devenue malvenue.

Il est notamment nécessaire de s’assurer :

  • Que des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des personnes morales peuvent être obtenues ou sont accessibles au public gratuitement. En particulier, pour les actions au porteur, les bons de souscription d’actions au porteur ou les actionnaires ou administrateurs agissant pour le compte d’une autre personne (nominee shareholders ou nominee directors) ;

  • Que des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les fiducies (trusts) expresses, parmi lesquelles des informations sur le constituant, le trustee et les bénéficiaires peuvent être obtenues ou sont accessibles en temps opportun au public gratuitement ;

  • Que la détention via des fiducies (trusts) ne soit pas un obstacle à la déclaration exhaustive des intérêts financiers des personnes soumises à déclaration d’intérêts, notamment auprès de la HATVP :

  • Que les intermédiaires ayant permis ou facilité les flux illicites soient sanctionnés. 

Nous proposons aussi la création de cadastres immobiliers et financiers qui recensent les bénéficiaires effectifs des bâtiments, des terrains et des titres financiers. Ces cadastres comprendraient les registres immobiliers actuels, et seraient étendus aux actions, aux obligations et aux parts de fonds d’investissement. Ils remonteraient la chaîne d’intermédiation financière jusqu’aux bénéficiaires réels ; 

L’estimation du montant de la fraude et de l’évasion fiscale se situe entre 60 et 100 milliards d’euros par an pour la France.

Anticor, comme les ONG de la Plateforme contre les paradis fiscaux et judiciaires, propose notamment :

  • La transparence pour toutes les grandes entreprises multinationales via un reporting public pays par pays. La loi Sapin 2 prévoyait de rendre publics ces résultats de reporting pays par pays (art.137) mais le Conseil constitutionnel a rejeté cette proposition au nom du respect de la liberté d’entreprendre. Or, il ne s’agit pas d’une violation de la liberté d’entreprendre mais un impératif de transparence qui ne restreint en rien l’activité économique ;

  • L’application effective du pilier 1 de la convention OCDE relatif à l’attribution des droits d’imposition aux pays en fonction de la création de valeur et de l’activité économique de l’entreprise dans ces pays, quelle que soit l’implantation de son siège ou de ses filiales. 

  • L’application effective du pilier 2 de la convention OCDE qui vise à faire en sorte que les grandes entreprises multinationales paient un impôt minimum sur les bénéfices qu’elles génèrent dans chacun des pays où elles exercent des activités.

  • De lutter contre les pratiques fiscales dommageables et contre les paradis fiscaux, y compris à l’intérieur de l’Union européenne notamment en modifiant les critères de la liste européenne des paradis fiscaux.

Par ailleurs, compte-tenu de l’ampleur de l’optimisation fiscale, il importe de redonner aux juridictions administratives une plus importante marge de manœuvre pour qualifier certaines opérations d’abus de droit fiscal.

Actuellement, aux termes de l’article L. 64 du LPF, sont constitutifs d’un abus de droit – et peuvent donc être déclarés inopposables à l’administration fiscale – les actes qui ont un caractère fictif ou qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou des décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ou réalisé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

Or, le caractère d’exclusivité du motif sanctionné empêche souvent l’administration de sanctionner des montages qui devraient l’être, compte-tenu des objectifs de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.

Il convient de modifier cet article dans ce sens : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils ont été principalement inspirés par l’objectif d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

L’emprise du crime organisé sur la vie économique et les lieux de pouvoir est largement sous-estimée.

L’actualité la plus récente montre que la problématique de la mafia en France, si elle n’est pas nouvelle, est de plus en plus prégnante. En témoignent les dizaines d’interpellations, intervenues à l’initiative de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille et du parquet antimafia de Gênes en septembre 2020 dans le sud-est de la France, de membres du milieu français en lien avec la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, ou encore les activités des mafias albanaise (migrants, drogues, etc.) et géorgienne (cambriolages, vols à l’étalage, trafic de médicaments) qui semblent monter en puissance.1

En témoigne également le fait que la France a rejoint la « task force » anti ‘Ndrangheta créée par Interpol.

1 Institut des relations internationales et stratégiques, Observatoire des criminalités internationales, mai 2021.

Or, pour combattre la mafia, il ne faut pas lui dénier ses spécificités. Ce qui distingue une mafia des autres formes de criminalité organisée, et la rend particulièrement dangereuse, renverrait selon les travaux menés par Jean-François Gayraud (Le monde des mafias. Géopolitique du crime organisé, Odile Jacob, 2005), à plusieurs critères, dont trois principaux :

  • Une sociologie de société secrète, sorte de franc-maçonnerie criminelle avec son organisation, ses rites, etc.

  • Un enracinement profond et ancien dans un territoire rendant quasi impossible son éradication. Cet enracinement leur permet de contrôler plus ou moins complètement les autorités locales.

  • Une pluriactivité et une grande capacité d’adaptation et de renouvellement en fonction de l’évolution de l’environnement et des marchés criminels, etc.

L’article 450-1 du Code pénal prévoit l’association de malfaiteurs définie comme « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».

Toutefois, les associations mafieuses peuvent être constituées pour poursuivre des buts en apparence licites, comme le contrôle d’activités économiques, alors que, pour l’application de l’article 450-1 du Code pénal, il faut que les buts poursuivis soient illicites.

De même, la preuve des éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article 450-1 du Code pénal présentent des obstacles difficilement surmontables dans l’hypothèse des associations de type mafieux. En effet, bien que ces dernières visent par leur nature à la réalisation d’un projet criminel plus ou moins occulte, la preuve de l’existence de ce projet est très difficile à fournir au procès, à cause de l’atmosphère de réticence et de l’omerta qui entoure toujours les associations mafieuses, soit dans leur structure interne, soit dans le contexte social où elles opèrent.

Afin de lutter contre les phénomènes mafieux en France, il conviendrait de prendre modèle sur l’incrimination prévue par le droit italien :

  • « 1. Quiconque fait partie d’une association de type mafieux formée de trois personnes ou plus, est puni d’un emprisonnement de dix à quinze ans.

  • 2. Ceux qui promeuvent, dirigent ou organisent l’association sont punis, pour ce seul fait, d’un emprisonnement de douze à dix-huit ans.

  • 3. L’association est considérée comme de type mafieux quand ceux qui en font partie se prévalent de la force d’intimidation du lien associatif et de la condition d’assujettissement et d’omerta qui en découle, pour commettre des délits, pour acquérir directement ou indirectement la gestion ou en tout cas le contrôle d’activités économiques, de concessions, d’autorisations, des marchés et des services publics, ou pour réaliser des profits ou des avantages injustes pour eux ou pour autrui, ou bien afin d’empêcher ou de faire obstacle au libre exercice du vote ou de se procurer des votes à eux-mêmes ou d’en procurer à autrui à l’occasion des consultations électorales. »

2. La délinquance financière en lien avec la vie politique

Les lois sur le financement des campagnes électorales sont claires. Les dépenses sont plafonnées et l’État en rembourse une partie. L’objectif est de limiter le pouvoir de l’argent dans la vie démocratique.

Mais la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) apparaît aujourd’hui dépassée. Elle n’avait pas détecté l’ampleur du dépassement d’un compte de campagne, en 2012. De même, la qualité du contrôle des comptes de campagne en 2017 pose question.

Au-delà de ces constats, il est nécessaire de mettre en place un dispositif permettant un contrôle réel des candidats en prenant des mesures nouvelles, par exemple :

  • La réforme de la CNCCFP, dans le cadre d’une réforme globale des autorités en charge de la probité publique ;

  • L’obligation pour les candidats à la présidentielle de rendre régulièrement publiques, pendant la campagne, leurs dépenses et leurs recettes ;

  • L’instauration d’une sanction d’inéligibilité, qui pourra être prononcée par le juge de l’élection, à l’encontre du candidat à l’élection dont le compte de campagne a été rejeté pour fraude ou manquement grave aux règles de financement des campagnes électorales ;

  • L’invalidation de l’élection ;

  • La certification, par la Cour des comptes, des comptes des partis politiques percevant de l’argent public ;

  • La publication en données ouvertes de tous les documents justifiant les comptes des partis, les recettes et dépenses des candidats, ainsi que des avis de la CNCCFP, en ajoutant à ses missions l’obligation de publier ces documents dans un format librement réutilisable.

Par ailleurs, le système de financement des partis et des campagnes pose plus globalement question. Actuellement, les personnes physiques peuvent financer la vie politique à hauteur de 7.500 euros pour un parti par an et à hauteur de 4.600 euros par élection. Ces versements sont déductibles de l’impôt sur les revenus à hauteur de 66% dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Cela signifie qu’une personne qui n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu supporte entièrement la charge financière de ses dons là où une personne imposable voit son don pris en charge de manière importante sur fonds publics.

Cette inégalité, mise en exergue par Mme Julia Cagé dans son ouvrage dénommé “Le prix de la démocratie”1 devrait mener à une réflexion plus large sur la législation en vigueur. Une des pistes évoquées dans cet ouvrage consiste à permettre à tout contribuable, imposable ou non, de financer le parti de son choix via l’allocation d’un don plafonné, sur fonds publics, sans possibilité de financement au-delà.

Cette proposition nous semble être une des réponses appropriées aux pathologies du financement de la vie politique.

1 Paru en 2018 chez Fayard

L’objectif de la déclaration de patrimoine est de prouver l’absence d’enrichissement des élus du fait de leur mandat. La déclaration de patrimoine, pour être suffisamment précise, doit contenir des éléments se rapportant à la vie privée des élus.

Au vu du risque encouru en termes de vie privée, il est donc naturel qu’elle ne soit pas rendue publique. La situation actuelle permet la consultation de cette déclaration par les citoyens, mais dans des conditions très strictes et avec l’interdiction de diffuser les informations consultées. Il faut sortir du clair-obscur.

Une meilleure solution consisterait à :

  • Confier à la HATVP un bilan d’enrichissement individuel rendu public ;

  • Renforcer la qualité des informations liées à la déclaration d’intérêts pour que les liens directs ou indirects des élus ayant par ailleurs une activité commerciale soient rendus publics ;

  • Permettre à tout citoyen d’interroger la HATVP sur un point particulier en incluant une obligation de réponse.

  • Permettre aux citoyens qui se déplacent en préfecture d’effectuer des copies des déclarations de patrimoine afin de pouvoir exploiter les données (aujourd’hui seule la consultation est possible ce qui ne facilite pas le traitement). 

L’Assemblée nationale avait adopté, à l’unanimité, le 1er février 2017, une proposition de loi visant à instaurer l’obligation pour les candidats à un mandat électif de présenter un casier judiciaire vierge. Votée en fin de législature, elle a été transmise au Sénat, qui ne l’a jamais examinée.

Dans son programme, Emmanuel Macron était clair : « la loi de moralisation de la vie publique comprendra (…) l’interdiction pour tous les détenteurs d’un casier judiciaire (niveau B2) de se présenter à une élection ».

Lors des débats sur la loi relative à la confiance dans la vie politique, le « risque constitutionnel » a servi de prétexte pour écarter cette proposition.

Il a été avancé que l’exigence d’un casier judiciaire vierge serait contraire à la constitution sans jamais que le conseil constitutionnel ne soit consulté. D’après certains, le risque d’inconstitutionnalité vient du fait que l’inéligibilité est une sanction et que cette sanction doit être spécifiquement prononcée par un juge car la Constitution interdit les peines automatiques. Or, le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à se prononcer sur cette question par le passé.

D’après Anticor, l’exigence de casier judiciaire vierge est une condition d’aptitude aux mandats électifs politiques comme pour de nombreuses professions (fonctionnaires, avocats…) et non une sanction automatique.

En effet, le Conseil constitutionnel a censuré l’inéligibilité automatique d’élus condamnés pour certaines infractions à la probité. Mais il n’a jamais censuré une condition d’aptitude. Au contraire, il a considéré que l’exigence pourtant vague de « bonne moralité » des candidats à la magistrature est conforme à la Constitution.

L’association considère que cette mesure, tout comme d’autres réformes, notamment celle du statut du procureur de la République, mérite une réforme constitutionnelle.

La peine d’inéligibilité obligatoire apparaît comme un substitut imparfait à la promesse initiale. C’est une peine qui ne vaut que pour les infractions commises à partir du 17 septembre 2017 et non une condition d’aptitude.

En fait, la loi Sapin II avait déjà créé des peines d’inéligibilité pour certains délits, et la mesure s’applique donc pour ceux-ci à compter du 11 décembre 2016.

Notre proposition est d’inscrire dans la loi le principe selon lequel ne peuvent faire acte de candidature à une élection politique les personnes dont le casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour une infraction criminelle ou pour une infraction délictuelle d’atteinte à la probité.

La Constitution prévoit en son article 26 qu’« aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ». Il s’agit de l’irresponsabilité, immunité absolue qui soustrait les parlementaires à toute poursuite pour les actes liés à l’exercice de leur mandat.

L’irresponsabilité apparaît comme un véritable corollaire du mandat représentatif car, en soustrayant l’exercice des fonctions parlementaires à l’appréciation d’un pouvoir concurrent, elle protège le libre exercice du mandat.

Témoignage de l’importance de la protection, la relative uniformité des régimes juridiques des immunités ou privilèges qui, quel que soit le pays considéré, visent à soustraire le représentant aux conséquences des infractions commises dans l’exercice de ses fonctions.

En revanche, le même raisonnement ne peut être appliqué à l’inviolabilité, protection qui empêche le député de faire l’objet d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté (contrôle judiciaire) sans l’autorisation du Bureau de l’Assemblée nationale, sauf les cas de crime ou délit flagrant, ou de condamnation définitive.

La quasi-absence d’inviolabilité en droit anglais et américain illustre la capacité du régime représentatif à fonctionner de manière satisfaisante, tout en soumettant au droit commun les infractions détachables de l’exercice des fonctions parlementaires. Parce que le caractère représentatif du mandat permet à l’assemblée de fonctionner régulièrement, même en présence d’une Chambre incomplète, il ne saurait fonder l’existence d’une inviolabilité dont la vocation première est de garantir la présence, au moins potentielle, des parlementaires en séance1.

Cette analyse conduit à proposer la suppression de l’inviolabilité parlementaire pour les actes détachables des fonctions.

1 Voir la thèse de Cécile Guérin Bargues, Immunités parlementaires et régime représentatif, l’apport du droit constitutionnel comparé. LGDJ, 2011, prix de la thèse 2008 de l’Assemblée nationale

L’exemple vient souvent d’en haut. Le rapport « Pour un renouveau démocratique » constatait que les règles actuelles ne peuvent être considérées comme satisfaisantes au regard de l’objectif d’égalité devant la justice.

S’il est important de maintenir l’immunité fonctionnelle dont bénéficie le président de la République, qui fait que sa responsabilité ne puisse être recherchée au plan civil ou au plan pénal, y compris après l’expiration de ses fonctions, pour les actes qu’il a accomplis en sa qualité de chef de l’État, des nouvelles règles de compétence et de procédure particulières doivent être posées s’agissant de son inviolabilité pénale car il est souhaitable que le Président de la République puisse être poursuivi et jugé dans un délai raisonnable pour des crimes ou des délits qu’il aurait commis avant son élection ou au cours de son mandat.

Le principe selon lequel le Président de la République ne peut faire l’objet d’aucune mesure restrictive ou privative de liberté pendant son mandat est nécessaire à la protection de sa fonction, toutefois l’interdiction de tout acte d’enquête ou d’information préalable au renvoi en jugement n’est pas souhaitable car elle a pour conséquence l’absence absolue de poursuites pénales.

Notre proposition reprend celle du rapport précité, consistant, tout en maintenant l’irresponsabilité du Président de la République pour les actes qu’il a accomplis en cette qualité, sous la double réserve, d’une part, d’une mise en cause de sa responsabilité pénale devant la Cour pénale internationale et, d’autre part, de la mise en œuvre d’une procédure de destitution devant le Parlement, de mettre fin à l’inviolabilité pénale complète du chef de l’État pour les actes détachables de ses fonctions.

Depuis 2010, le Conseil constitutionnel peut être saisi de lois déjà entrées en vigueur. C’est le mécanisme de la « question prioritaire de constitutionnalité » qui permet à tout justiciable de le faire. Dans le cadre d’un procès, une personne peut soulever la question de la conformité à la Constitution de la loi s’appliquant à son propre cas. Selon la nature du litige, la demande est portée devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État, qui décide ou non de renvoyer celle-ci devant le Conseil constitutionnel. Si les dispositions soulevées sont considérées contraires à la Constitution, elles sont « censurées ». Elles n’ont plus vocation à s’appliquer.

Du fait de cette mission, le Conseil est devenu une véritable juridiction intervenant au quotidien dans les litiges des citoyens. Il est donc indispensable que cette juridiction soit remaniée tant dans sa composition que dans son fonctionnement pour devenir une véritable cour constitutionnelle.

Cette Cour doit être composée de juristes qualifiés nommés pour neuf ans non renouvelables, par la Cour de cassation, le Conseil d’État et la Cour des comptes. Elle remplacerait l’actuel conseil constitutionnel. Les anciens présidents de la République n’en seraient plus membres de droit. 

Les opinions dissidentes ou séparées seraient autorisées.

La nomination par M. Ferrand, en sa qualité de président de l’Assemblée nationale, de la procureure générale qui avait accepté le classement de son dossier met en évidence une vulnérabilité d’un Conseil constitutionnel dans son rapport au pouvoir politique. La plupart des autres pays européens imposent une distance minimale entre la politique et le droit. En Allemagne, les juges constitutionnels doivent être choisis parmi ceux des cours fédérales supérieures. En Espagne, ils doivent être des juristes de compétence reconnue avec plus de quinze ans d’expérience professionnelle. En Italie, les juges de la Cour sont choisis, pour cinq d’entre eux par le Président de la République, cinq par les deux chambres du Parlement réunies en séance commune et cinq par les « magistratures suprêmes judiciaire et administrative ».

3. Délinquance économique contre protection du bien commun

L’existence de médias libres, indépendants et pluralistes est indispensable à la démocratie. En effet, seuls des médias non-entravés par des puissances étrangères ou des puissances de l’argent, parfaitement indépendants, sont à même d’assurer la pluralité, l’accès à une information large, éclairée et exhaustive. La liberté des médias et son corollaire l’indépendance éditoriale permettent, par ailleurs, de révéler aux citoyens des faits dont ils doivent avoir connaissance, pour exercer pleinement leur rôle. La révélation de faits de corruption publique ou des affaires revêt, à cet égard, une importance particulière, et constitue une première étape pour que les dirigeants aient à répondre publiquement et/ou devant la justice des infractions commises.

Pour autant, la liberté, l’indépendance et le pluralisme de la presse ne vont pas de soi et sont mis à mal par la concentration des médias autour d’industriels ou d’hommes d’affaires et la disparition des groupes de presse indépendants.

La loi de 1986 a échoué à garantir l’indépendance des médias et le pluralisme de la presse.

Un petit nombre de groupes se partagent la quasi-totalité des médias « traditionnels » (presse, radio, télé) de diffusion nationale, et leurs déclinaisons sur Internet. Pour la plupart de ces groupes, la branche « média » ne représente qu’une part seulement de leurs activités.

Pour la presse écrite, six titres entrent dans la catégorie « quotidiens nationaux d’information générale payants » : la Croix (Bayard), l’Humanité (SNJH), les Echos (Arnault), le Figaro (Dassault), le Monde, que Xavier Niel et Daniel Krestinsky financent via le Fond pour l’indépendance de la presse, et Libération, dont l’actionnaire majoritaire n’est plus Patrick Drahi mais le Fonds de dotation pour une presse indépendante depuis 2020. Fonds à but non lucratif dont le conseil d’administration est toutefois composé, pour l’heure, de trois hauts cadres et dirigeants d’Altice, et dont le président est Arthur Dreyfuss, secrétaire général d’Altice France. En additionnant les diffusions « abonnés » des Echos, du Figaro et du Monde, on réalise que cinq milliardaires se partagent 81,3 % de la diffusion totale de ces six journaux.

Dans la presse régionale, on est passé de 150 titres en 1945 à une soixantaine à peine aujourd’hui. D’après La Croix, « derrières ces journaux locaux, se cachent en réalité à peine une dizaine de groupes de presse. Le groupe Ebra concentre, par exemple, l’ensemble de la presse quotidienne régionale de l’Est français, après le grignotage progressif des titres par le Crédit mutuel, principal actionnaire du groupe, depuis 2006 ». Chaque groupe de presse régionale se retrouve ainsi en position de monopole sur plusieurs départements.

La protection de l’indépendance des rédactions est nécessaire.

Le regroupement d’un grand nombre de chaînes de télévision, de radios et de titres de presse entre les mains de quelques d’acteurs financiers menace l’indépendance des médias dans notre pays. Pourtant, l’information est un bien public. Les médias indépendants doivent être gouvernés de manière démocratique et tournés vers la production d’une information de qualité.

Par ailleurs, la velléité de plusieurs détenteurs de titre d’influencer le vote des électeurs doit être une alarme importante.

Nous proposons de démocratiser l’information en permettant aux journalistes et aux citoyens de reprendre enfin le contrôle des médias par l’instauration :

  • D’un statut de société de média à but non-lucratif ;
  • Remplacer le système d’aide au financement actuel des médias par un bon d’indépendance de 10 euros, que chaque citoyen peut allouer au média de son choix lorsqu’il remplit sa déclaration d’impôt, accompagné d’un système fiable d’anonymisation des allocations ;
  • Assurer une ressource fiscale autonome et pérenne pour le financement de l’audiovisuel public ;
  • Introduire des enseignements d’éducation au média et au décryptage d’informations auprès du public scolaire ;
  • Exclure du champ d’application de la loi sur le secret des affaires l’activité d’investigation et d’information des journalistes ; 
  • Confier à des magistrats indépendants spécialement habilités le pouvoir d’autoriser la consultation de documents couverts par le secret (défense, des affaires, médical…), et le cas échéant de divulguer ces informations lorsqu’elles présentent un intérêt public majeur ; 
  • Imposer aux médias que leurs conseils d’administration soient composés au minimum de 50 % de salariés et de 2/3 de journalistes ;
  • Faire valider le choix des directeurs de la rédaction par au moins 60 % des journalistes du médias ;
  • Interdire aux actionnaires de participer aux conférences de rédaction ;
  • Mettre en place un droit d’agrément pour les journalistes sur le changement d’actionnaires de leur média ;
  • Rendre obligatoire la publication des actionnaires des médias ;
  • Conditionner l’octroi des aides à la presse au respect d’un certain nombre de conditions (droits politiques pour les journalistes, mise en place d’un droit d’agrément et transparence sur la gouvernance)
  • Étendre les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 sur la concentration à l’ensemble de la presse écrite : modifier les articles 41-1 et 41-2 de la loi pour intégrer l’ensemble de la presse écrite et non seulement la presse quotidienne d’information politique et générale ;
  • Créer un délit de trafic d’influence dans le secteur privé.

Des propositions importantes du Parlement ont été censurées, alors qu’elles visaient à réaliser des avancées en matière de transparence de la vie économique, préalable à la lutte contre la délinquance financière.

Ainsi ont été censurées :

  • l’obligation pour les intermédiaires financiers de divulguer à l’administration les schémas d’optimisation fiscale ;

  • la redéfinition de l’abus de droit pour sanctionner des abus dont l’objet principal est l’évitement de l’impôt ;

  • la majoration des taux d’imposition pour les contribuables ayant des activités dans des paradis fiscaux (pays ou territoires non coopératifs);

  • l’inversion de la charge de la preuve pour réprimer l’usage abusif des prix de transfert (du transfert par une entreprise vers une autre de fonctions ou de risques à des fins d’évitement de l’impôt) ;

  • le reporting public pays par pays (l’obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux pays par pays) ;

  • la création d’un registre public des trusts.

Ces censures ont été décidées au nom du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, déduits par le Conseil constitutionnel de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Au XVIIIe siècle, ces principes ouvraient aux nouveaux citoyens la possibilité de s’affranchir de toute forme de despotisme. Mais ces droits, conçus pour l’émancipation ne doivent pas devenir, par l’interprétation qui leur est donnée, des moyens offerts aux plus puissants de s’opposer au bien commun.

Le temps est venu de poser démocratiquement des limites à la puissance privée, pour qu’elle se déploie dans le respect de l’intérêt général.

Cela commande une proposition unique, inspirée par un collectif de cinquante juristes en juin 2018, se traduisant par l’inscription dans la Constitution du principe selon lequel la protection du bien commun justifie les limitations à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété.

La transparence est une vertu démocratique.

C’est un moyen d’instaurer de l’éthique dans la vie publique. Jeremy Bentham a publié le premier traité sur la publicité des opérations parlementaires. « Pour lui, les opposants à la transparence ne pouvaient se ranger que dans trois catégories peu recommandables : celle des malfaiteurs, qui cherchent à se dérober au regard d’un juge ; celle des despotes, désireux d’étouffer une opinion publique dont ils redoutent la force; celle des incapables enfin, qui ne cessent de justifier leur inaction par la prétendue irrésolution du public.[2]« 

[2] Jeremy Bentham, in Pierre Rosanvallon, le bon gouvernement, Seuil, 2015, pp.211

La transparence est aussi une condition de la vie économique. La transparence de la gestion et la qualité de l’information financière sont indispensables aux acteurs économiques.

L’adoption de la loi sur le « secret des affaires » n’a rien qui mérite l’estime. Elle étend un voile d’opacité sur la vie économique, propice à toutes les dérives. Elle ne répond même pas à son objet de préserver les intérêts économiques de la France, ce qui appelait d’autre moyens (renforcement du contrôle des investissements étrangers, extension de la loi « de blocage », lutte contre l’espionnage de masse).

La promotion d’un « gouvernement ouvert » n’a qu’une faible crédibilité si l’espace économique, qui influe tout autant sur la vie des citoyens, est reconnu légitime à étendre ses secrets.

Nous défendons la systématisation de la publication en données ouvertes (open data) des informations et documents détenus par les autorités publiques, et le cas échéant, par les entreprises, lorsqu’elles sont astreintes à la publication de certaines informations, comme par exemple les industries extractives.

Par exemple, toute collectivité locale doit mettre en ligne les budgets et comptes administratifs, les emprunts, les subventions allouées, les indemnités des élus, les voitures et logements de fonctions, les membres du cabinet et du service communication, les rapports des chambres régionales des comptes et les décisions judiciaires les concernant, les frais de bouche, les dépenses de déplacement et d’hébergement des élus.

Si la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a prévu l’obligation pour les collectivités de publier en ligne dans un standard ouvert leurs principaux documents, y compris leurs codes sources, ainsi que leurs bases de données et les données qui présentent un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental. Cette obligation concerne les administrations d’État, les collectivités locales de plus de 3 500 habitants, les établissements publics et les organismes privés chargés d’un service public, à l’exception des entités de moins de 50 agents ou salariés.

L’objectif fixé par la loi était une publication progressive, sur deux ans à compter de sa parution, des principaux documents administratifs, puis de tous les documents à fort impact économique, social, sanitaire ou environnemental. En septembre 2018, cet objectif était loin d’être atteint. Selon l’association Opendata France qui promeut l’open data local, « seuls quelques 300 communes, départements et régions » avaient à cette date publié « au moins un jeu de données » sur les 4 500 collectivités locales soumises à l’open data. De ce fait, il est nécessaire que l’État assiste davantage les collectivités dans cette exigence de transparence sous un format exploitable et que des sanctions soient créées. 

La réalisation de cet objectif passe aussi par deux autres canaux, d’une part, une protection plus ambitieuse des lanceurs d’alerte : les lanceurs d’alerte sont protégés du licenciement par la loi Sapin 2 qui prévoit toutefois trois paliers à respecter dont le premier est de remettre son alerte à son propre employeur ce qui mène souvent à un licenciement dont la loi cherche justement à les protéger. La nouvelle directive européenne supprime bien heureusement ce palier. Afin de compléter cette protection, nous estimons qu’il est opportun de confier, comme la directive le permet, à une autorité indépendante la charge d’assister financièrement ces personnes qui, parce qu’elles ont révélé des faits relevant de l’intérêt général, se retrouvent sans ressource. Il avait été envisagé de confier cette mission au Défenseur des droits mais cela impliquerait a priori une réforme constitutionnelle de sorte qu’un autre organisme pourrait être chargé de cette mission. En tout état de cause, nous serons très attentifs à la transposition de cette directive en droit français.

La loi prévoit que “Dans les mêmes conditions, le demandeur peut demander au juge de lui allouer, à la charge de l’autre partie, une provision pour frais de l’instance en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure ou, lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique, une provision visant à couvrir ses subsides. Le juge statue à bref délai.”

D’autre part, la loi de transposition de la Directive secret des affaires n’est pas satisfaisante en ce qu’elle renforce le caractère éminemment vague de la définition du secret des affaires sans pour autant garantir le respect des libertés et droits fondamentaux. Et notamment la liberté de la presse et le droit d’accès des citoyens aux documents administratifs. Nous pensons que cette loi doit être modifiée pour éliminer de la définition du secret des affaires le caractère commercial potentiel des informations et préciser que les exceptions à ce secret sont applicables à toutes demandes d’accès aux documents administratifs.

Enfin, les parlementaires donneraient un signal positif aux citoyens en publiant sur les sites des assemblées l’ensemble de leurs frais de mandat.

En effet, si la loi du 15 septembre 2017 sur la confiance dans la vie politique a supprimé l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) des parlementaires, celle-ci a été remplacée par une « avance mensuelle de frais de mandat » de 5.373 euros. Ce montant est légèrement inférieur à l’IRFM mais supérieur à ce dont bénéficient en moyenne les autres parlementaires européens.

C’est une facilité que les députés peuvent utiliser comme argent de poche alors que la majorité des salariés et agents publics doivent présenter un justificatif pour le remboursement du moindre frais professionnel. Ce mécanisme est donc perçu comme un privilège tout à fait anachronique.

Pour la Haute autorité de transparence de la vie publique, l’usage de l’indemnité de frais de mandat des parlementaires n’est pas plus transparent dans le nouveau système que dans l’ancien : « Les députés doivent certes conserver les justificatifs de leurs dépenses mais ni ces justificatifs ni le détail des dépenses ne seront rendus publics. Les députés peuvent même opposer le secret à leur déontologue, lors d’un contrôle, sur des informations qu’ils estiment confidentielles ou sur l’identité de tierces personnes ». Dans son rapport d’activité pour 2020, la déontologue de l’Assemblée, qui fait valoir les progrès accomplis, identifie également d’importantes marges de progression.

Le choix de publier sur le site Internet l’usage de leurs frais de mandat comme le font déjà certains députésde la précédente législature comme Paula Forteza, Marion Lenne, Matthieu Orphelin et quelques autres, paraît la voie à suivre.

D’abord parce que les citoyens considèrent comme normal de pouvoir connaître l’usage qu’ils font de cette enveloppe allouée pour leur activité de représentant de la Nation.

Ensuite parce que les exemples précités montrent que les dépenses d’une activité parlementaire normale sont légitimes, ce qui devrait permettre de rassurer nos concitoyens sur l’usage qui est fait par leurs représentants de l’argent public.

Les Grands Projets Inutiles et Imposés sont des opérations très souvent décidées par le gouvernement et qui apparaissent comme économiquement et/ou écologiquement contre-productives, inutiles ou déficitaires.

Notre souhait est d’éviter les grands projets inutiles et imposés en améliorant les procédures de concertation : en commençant le débat sur le besoin et les alternatives possibles, en interdisant de prononcer une déclaration d’utilité publique avant l’évaluation de l’impact environnemental, en finançant les contre-expertises, en garantissant l’égalité dans l’expression des différents points de vue.

Il résulte de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires que les agents publics, fonctionnaires ou agents non titulaires, bénéficient à l’occasion de leurs fonctions d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie, dans deux cas :

  • lorsqu’ils font l’objet de poursuites civiles ou pénales à raison d’une faute qui doit être en lien avec le service ;

  • lorsqu’ils sont victimes d’infractions pénales à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

Le bénéfice de la protection fonctionnelle est conditionné à l’absence de faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions, mais, faute de contrôle, il arrive souvent que des élus ou agents mis en cause pour des faits portant atteinte à la probité publique se prévalent de cette protection.

Notre proposition est de contrôler l’utilisation de la protection fonctionnelle afin d’empêcher la prise en charge des frais de justice et des condamnations civiles des élus ou agents publics qui commettent une faute pénale personnelle.

Par ailleurs, il serait opportun :

  • D’introduire davantage de suivi dans les dépenses effectuées par les collectivités territoriales et administrations publiques dans leurs frais en lien avec la protection fonctionnelle ;

  • De rendre publics les honoraires d’avocat réglés par les collectivités dans le cadre de la protection fonctionnelle.

L’intégralité des 40 groupes qui font partie de l’indice phare de la Bourse de Paris a été soutenue par des fonds publics.

En parallèle, les dividendes versés par ces 40 groupes ont progressé de 3 milliards d’euros tandis que 6 milliards d’euros ont été réservés à des programmes de rachats d’actions. Les bénéfices globaux ont progressé de plus de 30 % au premier semestre 2021 par rapport à celui de 2019 et, malgré tout, sept des douze groupes les plus bénéficiaires du CAC ont supprimé des emplois en 2020.

Il existe concrètement un problème d’utilisation de l’argent public qui est capté par de grandes entreprises pour augmenter des bénéfices.

De même, le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) coutait 20 milliards d’euros par an pour des effets dérisoires sur l’emploi.

C’est pourquoi nous proposons que les aides publiques soient systématiquement soumises à des conditionnalités (emploi, environnement, relocalisation…) et que leur emploi soit effectivement contrôlé avec l’instauration d’une sanction automatique de remboursement en cas de défaillance.

Enfin, les associations qui poursuivent des missions d’intérêt général peuvent recevoir des subventions des collectivités territoriales. Certaines d’entre elles se voient même confier la gestion de service publics qui relèvent de la compétence des collectivités territoriales qui les financent.

Ce recours permet aux collectivités territoriales de collaborer avec des personnes morales de droit privé et d’échapper à certaines contraintes comptables et financières propres au secteur public.

Or, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, il n’existait pas de définition légale de la subvention publique. Il s’agissait alors d’une aide accordée par une collectivité territoriale à une association en vue de la réalisation d’une activité d’intérêt général relevant de sa compétence.

L’article 9-1 de la loi 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est revenue sur cette imprécision en définissant les subventions comme : « les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire.

Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent. ».

Les subventions peuvent donc être des subventions en espèce mais également en nature telles que la mise à disposition gratuite par la collectivité au profit de l’association de biens (locaux, matériel, personnel ou réalisation de réfection ou de travaux). Le bénéfice de subventions est en principe ouvert à toute association comme le prévoit l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 issu de la rédaction de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. Les subventions publiques sont votées par les membres de l’organe délibérant des collectivités territoriales et les délibérations sont soumises au contrôle de légalité.

La loi n°2000-321 du 12 avril 2001 et le décret n°2001-495 du 10 juin 2001 est venue introduire un mécanisme subordonnant l’octroi de subventions, selon leur montant, à la passation de conventions et le cas échéant, l’accomplissement de formalités pour l’association.

Les collectivités territoriales et les associations doivent passer une convention dès que la subvention octroyée annuellement dépasse la somme de 23 000 €. L’association doit par ailleurs fournir un compte rendu financier et déposer son budget, son compte-rendu financier et la convention de subventionnement applicable en préfecture si le montant annuel dépasse les 153 000 €.

Ces mesures n’apparaissent pas suffisantes pour assurer une transparence suffisante sur les subventions octroyées aux associations car de nombreuses associations bénéficient de ressources provenant majoritairement de collectivités territoriales.

De plus, il n’est pas rare que les organes décisionnels de ces associations soient composés de membres qui détiennent des mandats électifs publics dans les collectivités territoriales qui les financent, ce qui est facteur de risques juridiques voire de prise illégale d’intérêts. Enfin, il s’avère difficile de suivre, une fois les subventions octroyées, leur usage par les associations, ce dernier devant être conforme à l’intérêt public local et l’objet social de l’association en question.

C’est pourquoi nous proposons plus de transparence dans l’octroi des subventions publiques aux associations et notamment par :

  • L’obligation de conclure une convention de subventionnement quel que soit le montant de la subvention accordée à une association ;

  • L’obligation pour l’association de déposer auprès de la collectivité un compte-rendu financier de l’usage de la subvention quel que soit le montant de la subvention accordée à une association ;

  • Le contrôle en temps réel l’utilisation des subventions et contrôler leur usage conforme à leur finalité ; auquel cas pour les collectivités territoriales, réclamer le remboursement des sommes octroyées indûment ;

  • L’obligation pour les conseillers municipaux, régionaux, départementaux et les dirigeants d’EPCI de fournir une déclaration d’intérêts rendue publique et faisant mention de leurs mandats bénévoles au sein des associations ainsi que de l’actualiser sans délai en cas de modification ;

  • Le renforcement des mécanismes de déport lors de la prise de décision publique aboutissant à l’octroi de subventions publiques.

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat, déposé le 16 mars 2022, tout comme le rapport de la Cour des comptes, publié le 10 juillet 2023 révèlent un phénomène tentaculaire dont le coût annuel s’élève à un milliard d’euros…

Les cabinets de conseil interviennent au cœur des politiques publiques, ce qui soulève deux principales questions : notre vision de l’État et de sa souveraineté face à des cabinets privés, d’une part, et la bonne utilisation des deniers publics, d’autre part. La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 sur l’encadrement des prestations de conseil est incomplète : la transparence des prestations demeure la grande oubliée.

Anticor fait siennes les propositions de la Commission d’enquête du Sénat :

  • Publier chaque année, en données ouvertes, la liste des prestations de conseil de l’État et de ses opérateurs ;
  • Présenter les prestations de conseil dans le bilan social unique, pour permettre aux représentants des agents publics d’en débattre ;
  • Interdire aux cabinets de conseil d’utiliser le logo de l’administration dans leurs livrables, pour plus de clarté et de traçabilité dans leurs prestations
  • Évaluer systématiquement les prestations de conseil et appliquer des pénalités lorsque les cabinets ne donnent pas satisfaction ;
  • Cartographier les compétences dans les ministères et élaborer un plan de « réinternalisation », pour mieux valoriser les compétences internes et moins recourir aux cabinets de conseil ;
  • Interdire les prestations pro bono ;
  • Imposer une déclaration d’intérêts aux consultants afin que l’administration puisse prévenir les risques de conflit d’intérêts, sous le contrôle de la HATVP ;
  • Exclure des marchés publics les cabinets qui n’ont pas respecté leurs obligations déontologiques ;
  • Prévoir la destruction systématique par les cabinets de conseil des données qui leur ont été confiées à l’issue de leur mission, sous le contrôle de la CNIL.
  • Publier les travaux des cabinets de conseil en sources ouvertes.

En outre, l’association alerte la représentation nationale sur l’utilisation des dispositifs des accords-cadres selon des modalités réduisant à néant les exigences de mise en concurrence.

Aux termes de l’article L2125-1- du Code de la commande publique :

« L’acheteur peut, dans le respect des règles applicables aux procédures définies au présent titre, recourir à des techniques d’achat pour procéder à la présélection d’opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin ou permettre la présentation des offres ou leur sélection, selon des modalités particulières.

Les techniques d’achat sont les suivantes :

1° L’accord-cadre, qui permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée. La durée des accords-cadres ne peut dépasser quatre ans pour les pouvoirs adjudicateurs et huit ans pour les entités adjudicatrices, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par leur l’objet ou par le fait que leur exécution nécessite des investissements amortissables sur une durée supérieure » (…).

L’article R. 2162-2 précise que :

« Lorsque l’accord-cadre ne fixe pas toutes les stipulations contractuelles, il donne lieu à la conclusion de marchés subséquents dans les conditions fixées aux articles R. 2162-7 à R. 2162-12.

Lorsque l’accord-cadre fixe toutes les stipulations contractuelles, il est exécuté au fur et à mesure de l’émission de bons de commande dans les conditions fixées aux articles R. 2162-13 et R. 2162-14. »

À la différence des accords-cadres à marchés subséquents, l’attribution des bons de commande en cas de pluralité d’attributaires, ne fait pas l’objet d’une mise en concurrence et sera opérée conformément aux stipulations contractuelles. Ainsi, l’article R2162-14 dispose que « L’émission des bons de commande s’effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités prévues par l’accord-cadre ».

Notre association a constaté une multiplication de marchés dans lesquels il est prévu que l’accord-cadre « ne donnera pas lieu à la conclusion de marchés subséquents. Il est sans minimum ni maximum et s’exécute par l’émission de bons de commande. Il est multi-attributaires. Il est conclu pour une durée initiale de 24 mois à compter de sa date de notification et peut être reconduit deux fois 12 mois par tacite reconduction. La durée totale est fixée à 48 mois. »

Or, ces prévisions conduisent très directement à des dérives dans la fixation des coûts qui ont pour conséquence des dépenses publiques exorbitantes et décorrélées des prestations fournies. Il importe de supprimer ce mécanisme permettant, au sein d’un accord-cadre et au niveau de la passation de commandes, de s’exonérer de toute mise en concurrence.

Il faut renforcer les exigences concernant les opérateurs économiques qui présentent une offre dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public.

Actuellement, l’article L2141-1 du code de la commande publique exclut pour une durée de cinq ans de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l’objet de condamnation définitive pour des infractions prévues à ce même article. Sont notamment concernés les délits d’escroquerie, d’abus de confiance, de blanchiment, la concussion, la corruption et le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, les entraves à l’exercice de la justice, la participation à une association de malfaiteurs et la fraude fiscale.

Or, par le jeu de multiples filiales, les soumissionnaires échappent généralement à cette sanction. C’est notamment le cas du géant américain Mc Kinsey, dont des entités du même groupe ont été condamnées à plusieurs reprises à l’étranger.

Aussi, Anticor propose que cette interdiction soit étendue aux personnes appartenant au même groupe de sociétés, ce concept étant entendu comme l’entité économique formée par une société contrôlante et le reste des sociétés qu’elle contrôle.

Enfin, il est essentiel d’interdire aux sociétés qui ont des activités ou leurs maisons-mères dans les paradis fiscaux de concourir à des marchés publics. Cette proposition a l’avantage d’introduire le reporting au niveau de la commande publique locale.

4. La certitude de la peine

Le « secret défense » a fait obstacle à la poursuite d’enquêtes pénales emblématiques, comme par exemple celle concernant « les frégates de Taïwan ». La déclassification résulte aujourd’hui entièrement d’une décision politique, non soumise à contrôle.

La Commission se compose de cinq membres au mandat non renouvelable :

  • un président, un vice-président et un membre (nommés pour six ans par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes ;

  • deux parlementaires : un député et un sénateur (désignés par le président de chaque assemblée pour un mandat suivant le sort de leur assemblée).

Quand l’autorité judiciaire estime qu’une pièce classifiée est nécessaire à l’avancement d’une enquête, elle doit saisir le ministre compétent. Celui-ci saisit la Commission consultative du secret de défense nationale (CCSDN), puis prend sa décision. L’avis étant consultatif, le ministre a toute latitude pour refuser, d’autant plus que sa décision n’a pas à être motivée.

La situation de la France est singulière. Elle se distingue, par son opacité, de ses principaux voisins européens, comme le montrait déjà en 1998 une étude de législation comparée du Sénat (rapport n°35, 1er février 1998).

Au Royaume-Uni, les juges reconnaissent à l’administration un large privilège de rétention des informations, mais ils en contrôlent l’utilisation. Depuis 1968, la jurisprudence considère que les ministres ne sont pas les seuls juges de l’intérêt public, et qu’il appartient au tribunal d’arbitrer entre l’intérêt public allégué par le ministre et celui de la justice. Si la diffusion de l’information n’est pas de nature à occasionner un dommage substantiel, l’intérêt de la justice doit l’emporter.

En Allemagne, l’exécutif peut aussi refuser la production de documents dont la publicité pourrait porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, par un certificat d’immunité au nom de l’intérêt public. Mais cette décision peut être contestée devant les juridictions administratives ou pénales. Le tribunal contrôle la décision de refus de communiquer les informations classifiées et, s’il juge ce refus infondé, requiert la communication de ces documents.

En Italie, le Président du conseil des ministres détermine si le secret défense peut être invoqué pour refuser à un juge la transmission d’une information classée secret d’État ou pour laisser un juge pénétrer dans un lieu couvert par le secret d’État. Toutefois, si le juge souhaite disposer de documents pour lesquels le secret d’État lui est opposé et s’il veut contester ce refus de transmission, le conflit est tranché par la Cour constitutionnelle, qui ne peut se voir opposer le secret.

En Espagne, la Cour suprême, depuis 1997, contrôle le refus du Conseil des ministres de déclassifier des documents au cours d’une procédure judiciaire. Elle a affirmé à cette occasion la supériorité du principe de garantie effective des droits par la justice, accordé à tout citoyen par la Constitution, sur le principe de la sécurité de l’État.

C’est pourquoi une réforme s’impose, pour laquelle deux solutions sont envisageables :

  • soit réformer la Commission nationale du secret défense et lui donner le pouvoir d’émettre des avis conformes en toute indépendance ;

  • soit confier à de Hauts magistrats (magistrats du siège à la Cour de cassation, premiers présidents de Cours d’appel et présidents de Tribunaux judiciaires) le pouvoir de décision suite à l’émission d’avis consultatifs par la Commission.

La loi portant réforme de la prescription en matière pénale a été promulguée le 27 février 2017. Elle double les délais de prescription pour les crimes et délits. Le délai de prescription d’un délit passe de 3 ans à 6 ans et celui d’un crime de 10 ans à 20 ans.

Mais elle institue aussi un délai butoir de douze ans pour les délits occultes (et de trente ans pour les crimes). Les infractions plus anciennes ne pourront donc être poursuivies.

Ces délais butoirs courent à compter de la commission de l’infraction. Cette disposition neutralise partiellement l’état du droit antérieur. Elle a des effets négatifs dans les affaires financières : il n’est pas rare en ce domaine que des enquêtes commencent plus de 12 ans après les faits. Souvent, ce n’est qu’à l’occasion d’une alternance dans une mairie ou d’un changement de patron ou d’actionnaires dans une entreprise qu’un manquement est découvert. Et parfois c’est lors d’enquêtes connexes, d’écoutes ou de tuyaux, que, des décennies plus tard, on découvre des malversations en marge de contrats de marchés publics ou de ventes d’armes.

Désormais, au-delà de douze ans, un voile d’opacité recouvre ces délits.

C’est pourquoi nous proposons la suppression du délai butoir de douze ans pour les infractions occultes ou dissimulées.

En l’absence de contradiction et de débat public, l’intervention de la justice perd sa valeur d’exemplarité. La recherche de la vérité s’en trouve affectée.

En outre, la victime se trouve privée d’une participation personnelle au procès pénal et son intervention est cantonnée à une demande d’indemnisation devant une juridiction civile.

Si la logique est de s’inspirer du droit américain qui semble plus efficace, il faudrait alors s’interroger sur l’opportunité d’importer d’autres mesures :

  • la possibilité de voir la responsabilité pénale d’une entreprise engagée du fait de l’action de n’importe quel salarié ; le principe du Respondeat superior (responsabilité du supérieur hiérarchique) généraliserait la responsabilité pénale du fait d’autrui. Celle-ci ne serait plus limitée, comme actuellement, aux seules actions commises pour le compte des entreprises,

  • des amendes très élevées pour les entreprises et des peines définies en fonction de barèmes,

  • les procédures qui permettent à la justice de confisquer les profits tirés de la corruption (Disgorgement), et non seulement la confiscation des avoirs criminels ;

  • la class action en matière de corruption, qui permettrait aux actionnaires de demander par exemple, l’indemnisation de la baisse de leurs actions à la suite de la révélation de poursuite en matière de corruption. Un juge américain a ainsi été saisi d’une class action contre l’entreprise brésilienne Petrobras ; l’action de groupe française est singulièrement étriquée à cet égard.

  • la Discovery qui permet, dans une procédure civile, d’obtenir d’une entreprise qu’elle divulgue à la partie adverse tous les éléments de preuve pertinents ;

  • la rémunération des lanceurs d’alerte comme aux Etats-Unis : les whistleblowers qui ont fourni des informations déterminantes dans les affaires dont la sanction dépasse un million de dollars peuvent obtenir entre 10 et 30 % de l’amende infligée.

Mais il est assez difficile d’importer des procédures qui relèvent d’une culture judiciaire différente. Le législateur français s’est donc limité à la convention judiciaire d’intérêt public (traduction créative de « Non Prosecution Agreement » – littéralement, « accord de non-poursuite »).

La compensation pénale ne rend pas la France aussi efficace que les Etats-Unis. En réalité, face à la lente augmentation du risque pénal pour les entreprises corrompues, la convention judiciaire présente l’avantage d’être discrète, d’éviter toute reconnaissance de culpabilité et d’éviter la publicité des audiences correctionnelles. Les amendes seront négociées dans l’entre-soi des grands cabinets et de quelques magistrats spécialisés, avant une homologation formelle par un juge. Surtout, l’amende ne sera pas inscrite sur le casier judiciaire et aucune récidive ne pourra être relevée. Le risque d’être sanctionné pourra être provisionné. En termes d’efficacité répressive, c’est un mirage. C’est pourquoi nous considérons que la transaction pénale permettrait surtout aux entreprises et à leurs dirigeants de se soustraire à leur responsabilité pénale.

La CJIP a permis de négocier la répartition de sanctions dans des affaires internationales, comme la corruption d’agents étrangers par Airbus. Cependant, elle a fait l’objet d’un usage pour des contentieux internes sans complexité particulière, et sans enjeu international. La sanction n’est pas inscrite au casier judiciaire. La CJIP permet donc à des sociétés responsables de fraudes importantes de conserver, moyennant finances, tous les bénéfices de la non-culpabilité. Ces sociétés échappent notamment aux conséquences d’une condamnation, comme l’interdiction de répondre aux appels d’offres des marchés publics. C’est regrettable, à l’heure où les grands acteurs économiques devraient être davantage encadrés et régulés par l’État. Alors qu’elle a été introduite sous un prétexte d’efficacité, la CJIP risque donc de ne pas être très dissuasive. Notre proposition est de supprimer la procédure de convention judiciaire d’intérêt public pour les personnes morales et de lui substituer la comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité.

Notre proposition est de supprimer, sauf pour les affaires présentant un élément d’extranéité et en l’absence d’opposition de la partie civile, la procédure de convention judiciaire d’intérêt public pour les personnes morales, et de lui substituer la comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité.

II - Pour des institutions plus efficaces

1. Une autorité de la probité publique (réforme constitutionnelle)

Aujourd’hui, l’éthique dans la vie publique dépend de nombreux intervenants : Haute autorité de transparence de la vie publique, Commission des comptes de campagne et des financements politiques, Agence française anti-corruption, voire d’administrations déconcentrées (notamment pour le contrôle des marchés publics).

Cette mosaïque d’intervenants conduit à un manque d’efficacité. Faute de recoupements entre les différents services les informations sont souvent parcellaires et les différentes administrations et autorités ne sont pas en mesure d’apprécier la gravité des éléments qui leur sont communiqués.

De même, la défaillance dans la détection des infractions à la probité est observée au niveau local, précisément là où les risques, liés notamment à la commande publique, sont les plus prégnants. Les autorités locales disposent en effet de larges pouvoirs discrétionnaires non compensés par des contrôles suffisants alors que les fonds publics distribués à ce niveau sont élevés mais que les mécanismes de contrôle externes et internes sont faibles ou fragmentés.

Notre proposition est de donner un ancrage constitutionnel à une autorité clairement identifiée et indépendante, dont les missions seraient confiées, comme pour le Défenseur des droits, à des services et des collèges distincts.

2. Le ministère public (réforme constitutionnelle)

Le procureur général de la Cour de cassation témoignait, à l’audience de rentrée de 2011, de sa « très vive inquiétude pour le ministère public : « s’il fallait traduire la situation en langage médical, il faudrait dire que le parquet est maintenant proche d’un état de coma dépassé ».

La création du parquet financier par la loi du 6 décembre 2013 est une avancée. Mais d’une part, ses moyens sont modestes (18 magistrats pour environ 350 enquêtes), même si une délinquance financière peut aussi être traitée par les Juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Les moyens du parquet sont aussi contraints par les effectifs de police spécialisée.

Comme dans toutes les affaires complexes, la durée des procédures est importante, malgré une pratique limitant le nombre des saisines du juge d’instruction. Il serait sans doute opportun d’analyser des dossiers financiers pour déterminer les éléments qui ont contribué à allonger les délais : manque de moyens de la justice ou de la police, difficulté de la coopération internationale, stratégies procédurales de la défense…

Au-delà, la fragilité du parquet financier tient aussi aux conditions de nomination du procureur financier, comparable à celle des autres procureurs. L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution affirmant que « les procureurs doivent pouvoir exercer leurs fonctions indépendamment de toute ingérence politique. Ils doivent être protégés contre toutes instructions concernant une affaire donnée, tout au moins si de telles instructions visent à empêcher que l’affaire soit traduite en justice »1

Lors de son 10ème anniversaire, le Conseil consultatif des juges européens a rappelé, parmi les principes fondamentaux de l’indépendance de la justice, « qu’un statut d’indépendance des procureurs constitue une exigence fondamentale de l’État de droit »2

Surtout, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le parquet français ne peut être considéré comme une autorité judiciaire car il ne satisfait pas à l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif3

Les autres pays européens permettent d’entrevoir ce que pourrait être le nouveau parquet français. En Italie, le parquet et le siège forment un corps unique. Les magistrats du parquet bénéficient donc de l’inamovibilité. Le système est fondé sur le principe de légalité des poursuites, imposant au parquet d’agir dès qu’il a connaissance d’une infraction. La décision

de renvoyer un dossier devant le tribunal ou de le classer sans suite est prise, non par le parquet, mais par le juge de l’enquête préliminaire.

En Espagne, le procureur général de l’État est nommé par le roi, sur proposition du gouvernement et après avis du Conseil général du pouvoir judiciaire. Il ne peut être révoqué pendant quatre ans, sauf en cas de changement du gouvernement. Les magistrats du parquet sont tenus par les principes de légalité et d’impartialité. Les poursuites peuvent être mises en œuvre non seulement par le procureur ou la partie civile, mais aussi par l’action populaire -c’est-à-dire par un plaignant qui n’est pas victime directe d’une infraction.

Au Portugal, le procureur général de la République est nommé par le président de la République, sur proposition du gouvernement, pour une durée de six ans, et ne peut être ni révoqué ni renouvelé dans ses fonctions. La Constitution garantit l’indépendance du parquet. Ce parquet présente aussi la particularité d’être représenté par des magistrats du même corps devant les juridictions judiciaires, administratives et devant la Cour des comptes, ce qui lui donne une large capacité de réaction. Il est également soumis au principe de légalité des poursuites. Le plaignant comme le mis en cause ont le droit d’obtenir une instruction menée par un magistrat du siège.

1 Résolution 1685 (2009) adoptée le 30 septembre 2009 au rapport de Mme Leutheusser, ensuite nommée ministre de la justice en Allemagne.

2 CCJE (2010)3 final; Magna Carta des juges (principes fondamentaux), adoptée le 17 novembre 2010.

3 Moulin contre France, 23 novembre 2010.

Les propositions de réforme du parquet contenues dans le rapport « Pour refonder le ministère public » peuvent être retenues, en particulier :

  • Confier au Conseil supérieur de la magistrature le pouvoir de proposer la nomination des procureurs de la République, des procureurs généraux et des membres du parquet général de la Cour de cassation ;

  • Soumettre la nomination des autres magistrats du parquet à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ;

  • Transférer au Conseil supérieur de la magistrature le pouvoir de statuer en matière disciplinaire à l’égard des magistrats du parquet ;

  • Soumettre la décision de mutation d’office d’un magistrat du parquet dans l’intérêt du service à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ;

  • Retirer les procureurs généraux de la liste des emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres ;

  • Corriger la situation actuelle des officiers de police judiciaire dont le rôle est important. Le problème tient au fait que les O.P.J. sont soumis à une double tutelle : celle du ministère de l’Intérieur et celle du parquet ou du juge d’instruction qui les requiert pour les besoins d’une enquête préliminaire ou d’une instruction. Dans la mesure où l’affectation des O.P.J. aux besoins de l’enquête dépend d’une décision du ministère de l’Intérieur, celui-ci apparaît, de fait, comme le véritable chef de la police judiciaire ;

  • Favoriser le dépaysement judiciaire des affaires politiques.

Cette réflexion n’est pas exclusive d’une autre, plus large, sur le Conseil supérieur de la magistrature, dont le pluralisme et la représentativité doivent être améliorés.

3. La suppression totale du verrou de Bercy

Aujourd’hui, le « verrou de Bercy », ce privilège qu’a le ministère des finances de choisir s’il poursuit ou non un contribuable fraudeur, n’a pas été complètement supprimé malgré l’engagement pris par le gouvernement.

Ce verrou a toutefois été limité : le fisc conserve le monopole sur les affaires de moins de 100.000 euros alors que, s’agissant de montants supérieurs, les dossiers sont automatiquement transmis au parquet. Reste que le parquet n’a pas de possibilité d’auto-saisine.

Il est paradoxal d’avoir créé un parquet financier avec une compétence fiscale sans donner au procureur la compétence pour mettre en œuvre l’action publique en ce domaine. Il est encore plus paradoxal de reconnaître l’infraction de fraude fiscale en bande organisée, et de conserver un pouvoir qui permettrait au ministre en charge du budget de négocier avec de tels interlocuteurs.

De plus, la faculté de poursuite du procureur pourrait s’exercer concurremment avec l’action de l’administration fiscale. Le risque pénal s’ajouterait au risque administratif et les dispositifs de saisie conservatoire sur les biens et les avoirs et l’obligation de verser une caution permettraient à une administration des finances qui se porterait partie civile d’obtenir rapidement des dommages et intérêts.

Enfin, l’opacité des transactions sur les amendes fiscales nourrit le soupçon.

C’est pourquoi l’exigence d’une plainte préalable de l’administration en matière de fraude fiscale en deçà de 100.000 euros doit être supprimée.

La Cour des comptes, dans un référé du 10 octobre 2013, estimait aussi nécessaire d’ouvrir aux parquets le droit de poursuivre, sans dépôt de plainte préalable par l’administration fiscale, certaines fraudes complexes, afin de traiter un plus grand nombre de dossiers, d’intervenir plus rapidement et de mieux assurer le recouvrement des sommes dues.

Cette possibilité nouvelle donnée aux parquets, qui compléterait utilement la possibilité de poursuivre les faits de blanchiment de fraude fiscale, serait de nature à améliorer significativement l’efficacité de l’action de l’État au prix de risques limités.

4. Supprimer enfin la Cour de Justice de la République

S’agissant des actes commis dans l’exercice de leur fonction, les ministres sont renvoyés devant la Cour de justice de la République (CJR), juridiction de nature mixte composée de parlementaires (en majorité) et de juges (en minorité).

Un filtrage est opéré par la commission des requêtes, composée de Conseillers à la Cour de cassation, de Conseillers d’État et de Conseillers maîtres à la Cour des comptes. Puis la commission d’instruction, composée uniquement de magistrats judiciaires met le dossier en état (la commission d’instruction n’est pas un organe de filtrage, pas plus que le juge d’instruction dans la procédure pénale classique)..

Inscrite dans plusieurs projets de révision constitutionnelle, proposée par le rapport Sauvé, la suppression de la Cour de justice de la République et son remplacement par une juridiction de droit commun est une exigence démocratique au regard du caractère atypique d’une juridiction composée en majorité de politiques et au regard de l’incohérence que représente l’existence de deux procédures différentes pour les ministres et les membres de leur cabinet ou de leur administration, dans une même affaire.

L’association préconise la suppression totale de cette juridiction exorbitante de droit commun.

L’alignement envisagé permettrait une uniformisation procédurale pour les membres du Gouvernement et les responsables administratifs. Pour cela, comme le propose le comité des États généraux de la justice (Octobre 2021- avril 2022), un double degré de juridiction pourrait être ouvert, contrairement à ce que prévoyaient les projets de loi constitutionnelle. Ce contentieux spécialisé pourrait être confié au tribunal judiciaire de Paris, et, en appel, à la cour d’appel de Paris.

5. Rendre les élus responsables devant les juridictions financières

Selon le député René Dozières, de nombreux actes administratifs irréguliers sont votés par les organes délibérants des collectivités territoriales conduisant à la commission d’infractions pénales en matière de probité publique. Sur le plan local, c’est essentiellement le contrôle budgétaire des chambres régionales des comptes (CRTC) qui permet de déceler d’éventuelles infractions.

Les CRTC ont été créées dans le cadre de la décentralisation. Il leur appartient d’engager la responsabilité personnelle des gestionnaires publics lorsque des manquements dans leur gestion ont été identifiés. Les magistrats en charge du contrôle des comptes des collectivités territoriales, doivent signaler au procureur de la République les situations susceptibles de relever de crimes ou de délits et dont ils auraient eu connaissance dans la cadre de ses fonctions.

Il est pourtant rare que cela arrive et aucune garantie n’existe quant à la suite donnée. Des critères contraignants sont prévus par la loi pour démontrer la faute d’un gestionnaire : le volume et le périmètre des mises en cause est circonscrit aux fautes graves ayant causé un préjudice financier significatif. Les sanctions sont déjà rares et souvent symboliques.

Surtout, une réforme des juridictions financières menace l’effectivité du contrôle. L’ordonnance du 23 mars 2022 relative à la responsabilité financière des responsables publics est venue réformer le statut et l’organisation des juridictions financières.

Concrètement, le pouvoir de contrôle et de sanction des CRTC sera recentralisé à Paris au sein d’une seule unique chambre du contentieux au sein de la Cour des Comptes. Les CRTC qui jusqu’à lors, prenaient environ 400 décisions de sanction par an seront ainsi dépossédées de cette utile prérogative. Un régime de responsabilité unifié des gestionnaires publics a été créé, comptables publics et ordonnateurs non élus (directeur d’hôpital, proviseur de lycée, principal de collèges, fonctionnaires locaux…). Si la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptes publics était, dans la pratique obsolète et dévoyée par la pratique du fait de la possibilité pour le ministre des Finances de ne pas appliquer pleinement les décisions du juge des comptes, la suppression du pouvoir de sanction et la recentralisation de ce dernier porte une atteinte significative au jugement des comptes et au renvoi des élus devant les juridictions financières.

À noter, que ce nouveau contrôle juridictionnel ne concernera pas les élus, ces derniers n’étant pas justiciables devant la Cour des comptes.

Anticor propose :

  • De rétablir le pouvoir de contrôle et de sanction des CRTC ;

  • Que soient justiciables de la Cour des comptes les membres du gouvernement et les exécutifs locaux. En effet l’existence d’un mode de responsabilité spécifique des ministres ne justifie pas d’écarter les membres du Gouvernement du champ de compétence des juridictions financières.

Et il serait logique que l’autonomie renforcée des collectivités locales dans l’engagement des dépenses se traduise par un renforcement de la responsabilité financière des élus locaux.

6. La pénalisation de la violation de l’article 40

L’article 40 du Code de procédure pénale qui impose à « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit » « d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

Dans les faits, quasiment aucun agent public ne respecte cette obligation, de peur de voir sa carrière entravée ou de subir des représailles. Or, il ne faut pas laisser l’omerta régner au sein de l’administration.

C’est pourquoi Anticor propose de renforcer l’article 40 du CPP par l’introduction de sanction en cas de non-transmission au procureur de la République de situations qualifiables de crimes ou de délits tout en insérant un régime de protection adéquat.

7. Le contrôle de légalité

Déjà dans un rapport sénatorial de 2012, le contrôle de légalité était qualifié de « passoire à géométrie variable »1.

Chiffres et témoignages conduisent à la même conclusion : le contrôle de légalité ne constitue plus qu’une « fiction ».

Les préfets n’exercent quasiment plus de contrôle sur les marchés publics et les recrutements publics, alors même que les irrégularités coûtent plus de 5 milliards d’euros par an au budget de l’État. C’est pourquoi nous proposons de confier à une autorité départementale indépendante le contrôle de légalité en remplacement des préfets. 

Il conviendrait également de dédier une particulière attention au contrôle de légalité des actes pris sur le fondement des délégations de l’article L.2122-22 du CGCT portant délégation au maire d’une commune, car ces actes, non transparents, non discutés en conseil municipal, sont souvent irréguliers.

1 « PRENDRE ACTE DE LA DÉCENTRALISATION :POUR UNE RÉNOVATION INDISPENSABLE DES CONTRÔLES DE L’ETAT SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES », Rapport d’information de M. Jacques MEZARD, sénateur du Cantal, Rapport n° 300, 2012.

8. Limiter les obstacles à l’indépendance de la justice

Aucune garantie légale ou constitutionnelle n’empêche aujourd’hui que les poursuites disciplinaires ne soient instrumentalisées pour intimider les juges qui contrarient le pouvoir, ce qui est inacceptable dans une démocratie.

Renaud Van Ruymbeke a été poursuivi à l’initiative du ministre de la justice pour son instruction de l’affaire Clearstream. Le dossier a révélé que cette décision de poursuite était fondée sur des motifs inconsistants et le ministère a finalement abandonné les poursuites devant le CSM.

Cependant, de 2007 à 2011, le juge d’instruction, qui travaillait également sur le volet financier de l’attentat de Karachi et sur d’autres dossiers sensibles, devait préparer sa défense devant le CSM et sa promotion a été impossible pendant cette période.

L’actuel Ministre de la Justice a poursuivi trois magistrats avec lesquels il avait eu des conflits dans sa vie précédente d’avocat. Or, le conseil supérieur de la magistrature a considéré que ces magistrats n’avaient commis aucune faute.

Cette anomalie dans l’usage possible des procédures administrative et disciplinaire a été relevée par le Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe dans son rapport d’évaluation de 2014. Il relevait « qu’au vu de la pratique des mécanismes disciplinaires ces dernières années et du risque d’instrumentalisation des dispositifs afin d’exercer des pressions indues sur des juges du siège ou des juges d’instruction, la procédure disciplinaire pour les juges devrait être la prérogative exclusive du CSM ».

Cette recommandation mériterait d’être suivie. Elle conduirait, comme dans la plupart des États démocratiques, à rattacher au CSM les services de l’inspection en charge de la discipline des magistrats.

9. La justice commerciale

Les tribunaux de commerce font l’objet d’une appréciation sévère d’une commission parlementaire d’enquête en 1998. Elle décrit une justice défaillante et sans contrôle. Elle dénonce l’apparition et le développement de la corruption dans ces tribunaux.

En effet, quand les entreprises facilitent l’élection de leurs cadres dans les tribunaux de commerce, elles peuvent les utiliser pour défendre leur politique et s’informer sur l’état du marché et des concurrents. Dans de petits ressorts, la justice consulaire risque de devenir une « justice de l’entre soi et une justice de connivence ».

La même année le rapport conjoint des inspections générales des finances et des services judiciaires parvient au même constat. La justice consulaire ne parvient pas à assurer convenablement sa mission de régulation de la vie économique. La régulation de la justice commerciale est gravement défaillante et le produit des procédures collectives est en grande partie confisquée par les professions de justice.

En 2013, la situation n’a pas fondamentalement changé. Le GRECO (Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe) dans son rapport d’évaluation de 2013, recommande une réforme pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité des juges non professionnels.

En 2014, le rapport parlementaire de Mme Untermaier sur le rôle de la justice en matière commerciale confirme une situation critique : « Dans un contexte de guerre économique mondiale, les systèmes judiciaires sont utilisés comme des leviers de promotion des économies nationales et constituent des armes précieuses aux mains des États ou des organisations régionales en compétition. Sous cet angle, l’organisation française de la justice commerciale, qui est unique en Europe, peut constituer un handicap plus qu’un atout ».

La loi du 6 août 2015 apporte un remède partiel, par la création de tribunaux de commerce ayant compétence exclusive pour les entreprises les plus importantes et les groupes connaissant des difficultés. Pour le reste, le problème reste entier.

Notre proposition est de faire des juridictions commerciales des juridictions échevinées (juridictions de jugement composées simultanément de juges professionnels (magistrats) et de juges non professionnels représentants des commerçants et des salariés).

10. Le référendum d’initiative populaire

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et l’article 3 de la Constitution de 1958 rappelle que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par voie de référendum. Le référendum d’initiative citoyenne existe dans de nombreux Etats américains, notamment en Californie ainsi qu’en Suisse.

En Italie, des lois peuvent être abrogées par un référendum d’initiative populaire -cela a notamment été le cas de la loi dite « d’empêchement légitime » qui autorisait le président du Conseil à se soustraire à la justice. Il se substituerait avantageusement au référendum d’initiative partagée, qui admet le principe d’une initiative populaire, mais l’encadre d’une telle façon que ce principe reste sans effectivité.

Notre proposition est de mettre en place un référendum d’initiative citoyenne.

11. L'intérêt à agir des citoyens

L’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ».

Le recours pour excès de pouvoir (REP) permet au justiciable de demander l’annulation d’une décision de l’administration car elle aurait violé par cette décision une règle de droit. Il est en principe ouvert à tous, « même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet d’assurer conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité » [6].

Or, dans les faits, il est parfois difficile pour un citoyen de saisir le Tribunal administratif pour demander par exemple l’annulation d’un Plan local d’urbanisme, d’un permis de construire, ou de la création d’une Zone d’Aménagement concerté.

En l’état, la loi exige que tout demandeur en justice démontre un intérêt direct à la décision attaquée. Si le recours en annulation reste ouvert à tous les justiciables, la simple qualité de citoyen ne saurait suffire pour l’exercer. Il faut justifier d’un « intérêt donnant qualité à agir ». Cet intérêt doit être réel et suffisant.

Cette situation est anormale : la possibilité pour un citoyen ou une association d’aller devant les Tribunaux Administratifs demander à ce qu’un acte illégal soit annulé participe au renforcement de l’état de droit. Or, une appréciation trop stricte de l’intérêt à agir du justiciable peut conduire à une atteinte au droit au recours consacré par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

L’impératif de stabilité juridique, celui-ci qui aurait pour effet de favoriser l’administration au détriment du requérant, et l’impératif de légalité juridique, essentiel à la prévention des abus de pouvoir de l’administration, doivent être conciliés de manière à ne pas léser les justiciables, les administrés comme l’administration mais aussi les défendeurs comme les requérants.

L’action civile associative, au-delà de la stricte assistance aux victimes, participe également au respect de l’état de droit à une période où les moyens financiers et les enjeux économiques ou politiques restreignent parfois l’action du ministère public.

[6] CE Ass. 17 février 1950 n°86949, ministre de l’Agriculture contre dame Lamotte

12. Les associations

L’action civile associative, au-delà de la stricte assistance aux victimes, participe également au respect de l’état de droit à une période où les moyens financiers et les enjeux économiques ou politiques restreignent parfois l’action du ministère public.

L’action civile des associations est une contrepartie nécessaire à l’indifférence éventuelle, à la carence ou à l’asphyxie des procureurs. La légitimité de cette capacité à agir en justice des associations est pourtant remise en cause par des revirements de jurisprudence récents. La Cour de cassation considère dans deux arrêts consécutifs en 2016 et 2017 qu’une association ne peut pas se constituer partie civile sur le fondement de l’article 2 si les conditions de recevabilité spécifiques de l’article 2-23 ne sont pas remplies.

Or, cela implique que l’association Anticor ne peut agir en matière de détournement de fonds publics par négligence, de faux en écriture publique ou d’abus de biens sociaux, ce qui est regrettable car il n’est pas rare que ces infractions soient repérées dans des dossiers de corruption.

Notre proposition est de remplacer les articles 2-1 à 2-23 du code de procédure pénale par un article unique : “Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions portant directement atteinte aux intérêts qu’elles défendent conformément à leur objet statutaire”.