Les référés
Les procédures d’urgence devant le juge administratif : le référé
Une décision de l’administration s’applique directement, dès qu’elle est officiellement rendue publique : c’est « le privilège du préalable ». Pour obtenir le retrait de cette décision, il faut soit agir auprès de l’administration (c’est le recours gracieux ou hiérarchique), soit agir devant le juge administratif pour que soit jugé la légalité de la décision en question (c’est le recours contentieux). Or une telle procédure est susceptible de durer plusieurs années.
Deux problèmes naissent de ce constat :
Le justiciable doit en théorie supporter les conséquences de cette décision jusqu’à ce qu’elle soit annulée, ou non, par un juge. Une décision administrative qui serait manifestement illégale devrait donc être appliquée.
De plus, si la décision du juge entraînant l’annulation de la décision doit théoriquement permettre un retour à la situation antérieure, certains actes peuvent créer des dommages irréversibles.
Le respect des droits de la défense et des libertés du citoyen face à la force légale des actes administratifs nécessite donc une protection particulière. Cette protection existe en droit français : c’est la procédure du référé. La loi du 30 juin 2000 est venue étendre et approfondir la procédure du référé administratif. Petit tour d’horizon des possibilités pour un justiciable pressé :
Le référé administratif est une procédure devant le juge administratif. Son but est d’obtenir de celui-ci, dans un court délai, que soit prises des décisions permettant d’attendre sans conséquences et de préparer le jugement au fond du litige. Cette procédure évite donc au justiciable de subir, du fait de la lenteur de la justice, les conséquences néfastes que pourraient avoir, par exemple, une décision administrative qui serait illégale.
Plusieurs référés administratifs existent qui répondent à des situations différentes qu’il est important de distinguer. Ainsi une requête en référé avec plusieurs fondements (par exemple une demande de suspension d’un acte et de provision d’une somme) sera considérée comme irrecevable par le juge, à chaque demande doit donc correspondre une requête distincte.
De nombreux types de référés administratifs existent. Certains sont très particuliers et ne visent que des situations (pour les bâtiments menaçant de ruine…) ou destinataires restreints (pour les professionnels de la santé, pour le défenseur des droits…). Seuls sont ici étudiés les référés communs permettant d’englober la majorité des situations.
Le critère de l’urgence permet de distinguer deux grandes familles de référés tout en gardant bien à l’esprit que chaque demande à une identité propre.
La nature de l’acte litigieux, les faits en question et les moyens invocables doivent bien être étudiés pour que soit utilisée la bonne procédure.
Trois procédures (référés-suspension, liberté, conservatoire) ne peuvent être mises en œuvre qu’en cas d’urgence. Les trois dernières (référés constat, expertise et provision) peuvent l’être également quand bien même la situation ne serait pas urgente.
Les référés nécessitant l’intervention urgente du juge administratif
- Pour demander la suspension d’un acte administratif en procédure d’urgence :
C’est le référé-suspension, outil majeur pour le justiciable. Son but est de permettre la suspension des effets d’une décision administrative jusqu’au jugement au fond de sa légalité (L.521-1 du Code de Justice Administrative).
Conditions :
- Nécessité d’avoir préalablement déposé une requête au fond devant le juge administratif (dans le cadre un recours en excès de pouvoir) ;
- La procédure de référé-suspension est une procédure d’urgence. Il est donc nécessaire de démontrer l’impossibilité d’attendre la décision du juge du fond et que la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ;
- La requête doit également démontrer qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. A propos des moyens juridiques, la fiche sur le recours contentieux de l’outil citoyen d’ANTICOR « Comment déposer un recours administratif » apporte toutes les explications ;
- La décision ne doit pas voir été entièrement exécutée.
Exemple : Après avoir saisi le juge administratif au fond pour contester une décision d’une commune de fermer un parc public pour des raisons de sécurité, le demandeur décide de saisir le juge des référés en effectuant un référé-suspension, en demandant la suspension de la décision litigieuse, jusqu’à ce que le juge du fond se prononce.
- Pour obtenir une protection contre l’action de l’administration en procédure d’urgence :
C’est le référé-liberté. Son but est de permettre à un particulier d’obtenir d’un juge que soit prononcée toute mesure utile à la sauvegarde d’une liberté fondamentale le concernant qui a été gravement violée par l’administration (L.521-2 du Code de Justice Administrative).
Conditions :
- Il faut qu’une liberté fondamentale soit en jeu. C’est le juge administratif qui décide si une liberté doit être ou non considérée comme fondamentale au regard des lois, des conventions internationales et de la Constitution (liberté d’entreprendre, respect de la propriété privée…) ;
- Cette liberté doit faire l’objet d’une atteinte grave ;
- Cette atteinte nécessite une intervention urgente du juge ;
- Cette atteinte émane de l’administration ;
- Cette atteinte doit être manifestement illégale.
Exemple : Le préfet prend un arrêté visant à interdire un spectacle, deux jours avant sa tenue, en raison d’un risque de trouble à l’ordre public. L’humoriste saisit le juge des référés en soulevant que cette décision porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression.
Pour un référé-liberté, le juge doit normalement se prononcer dans les 48 heures suivant l’audience, elle-même fixée 48 heures après la réception de la requête.
- Pour forcer l’action de l’administration en procédure d’urgence
C’est le référé conservatoire (article L.521-3 du Code de la Justice Administrative). Son but est d’obtenir d’un juge que l’administration fasse une ou des actions qu’elle ne semblait pas disposée à réaliser ou bien dont elle refusait l’exécution, alors même qu’elle est dans l’obligation légale de le faire.
Conditions :
- L’administration n’a pas encore pris de décision ;
- La mesure demandée est utile et nécessaire ;
- L’urgence est démontrée.
Exemple : Un demandeur souhaite avoir accès à un document pour préparer sa défense dans un litige qui aura lieu à la fin du mois, mais l’administration ne cesse de le refuser.
Les référés ne nécessitant pas obligatoirement la caractérisation de l’urgence
- Pour obtenir une provision sur une dette de l’administration :
C’est le référé-provision (art. R541-1 du Code de justice administrative).
Son but est d’obtenir d’un juge le paiement par une personne publique d’une créance qu’un particulier aurait envers elle. Cette procédure permet au particulier de récupérer l’argent que la personne publique lui doit.
Conditions :
- Nécessité de démontrer que l’on a une créance sur l’administration et qu’elle n’est pas sérieusement contestable ;
- Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y a une situation d’urgence ou d’avoir effectué un recours au fond.
Exemple : Après avoir réalisé des travaux concernant la rénovation d’une école élémentaire, l’entreprise X décide de saisir le juge pour obtenir le paiement de sa prestation de la part de la commune.
Dans le cas d’un référé-suspension, il ne faut pas oublier de joindre la copie de la demande d’annulation ou de modification de la décision administrative en question.
- Pour faire constater une situation :
C’est le référé constat.
Son but est d’obtenir du juge la désignation d’un expert pour que soient constatés des faits pouvant servir de fondement à un litige devant le juge administratif.
Conditions :
- Nécessité d’une situation de fait qui peut faire l’objet du constat ;
- Le constat doit être utile à la résolution d’un contentieux qui pourrait découler de la situation constatée.
Exemple : Par le biais de ce référé peuvent être constatés, notamment, l’état de marchandises saisies en douane, les conditions de détention dans un établissement pénitentiaire.
- Pour obtenir la désignation d’un expert :
C’est le référé instruction (article R.532-1 Code de justice administrative) autrement appelé référé-expertise.
Son but est d’obtenir du juge que soient prescrites toutes mesures utiles d’instruction ou d’expertise, autres que le constat de faits, dans le cadre d’un litige.
Condition :
- La mesure demandée doit être utile à la résolution du litige.
Exemple : Cette procédure de référé peut être utile pour que soit déterminée la cause d’un dommage imputable à l’administration.
Pour un référé-expertise, le recours à un avocat pourrait être obligatoire , si la requête se rattache à un litige pour lequel son recours est obligatoire.
Formalités générales pour former une requête en référé
Pour être recevable la requête doit être écrite. Il est indispensable de mentionner sur la requête et sur l’enveloppe qui la contient la mention « REFERE ».
Pour permettre au juge de statuer sur la requête, il faut décrire avec précision les faits et mentionner les moyens juridiques (arguments juridiques) invoqués. La requête doit ensuite être transmise à la juridiction compétente soit directement au greffe, soit par voie postale en recommandé avec accusé de réception.
Juridiction compétente : Le litige principal doit se rattacher à la compétence de la juridiction administrative. Dans le cas contraire, le juge des référés rejettera la requête pour incompétence.
Le rejet pour incompétence peut aussi être prononcé pour des raisons matérielles (la juridiction saisie n’est pas correcte) ou territoriale (la juridiction est la bonne mais le tribunal saisi n’est pas le bon).
Pour savoir de quel Tribunal administratif vous dépendez, cliquez ici.
Déroulement de la procédure : L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire en théorie (sauf parfois pour le référé-expertise). En pratique, surtout lorsque la demande vise une situation particulièrement problématique, l’aide d’un avocat peut être utile pour rédiger la requête.
Le juge des référés statue seul en général. Le juge est saisi dès la réception de la requête. Une formation collégiale est possible pour certaines situations particulières et extrêmement rares.
Une audience est prévue pour les référés-libertés, suspension et conservatoire. Toutes ces procédures sont guidées par le principe du contradictoire. Ainsi l’administration sera toujours interrogée pour obtenir son point de vue. Durant l’audience le justiciable pourra présenter ses arguments. Les décisions seront notifiées aux deux parties. Le juge, au regard de la forme de la requête et du fond établit l’ensemble des mesures qu’il estime nécessaires ou au contraire rejette la demande par le biais d’une ordonnance qui doit être motivée.
A noter : Les décisions du juge des référés ne sont que provisoires. Une nouvelle décision à la suite à une requête en référé avec des éléments nouveaux (de fait ou de droit) peut entraîner une évolution de la situation. De même, le juge qui sera amené à statuer sur le fond, n’étant pas lié par les décisions du juge des référés, pourra aboutir à des conclusions différentes.
Délais : Pour les autres types de référés, les requêtes font l’objet d’une procédure d’instruction accélérée, ce qui permet au juge des référés de fixer une date d’audience plus rapidement que pour une procédure contentieuse normale. Le délai dépend de l’engorgement des tribunaux mais l’examen de la requête comme le jugement doivent intervenir dans des délais très brefs : de quelques heures à quelques jours avec parfois une ou deux semaines d’attente.
Recours : Si une requête en référé-expertise, en référé-provision, en référé constat, est rejetée, le demandeur peut, dans les 15 jours suivant la notification du rejet, faire appel devant la cour administrative d’appel. Un recours en cassation devant le Conseil d’État, en cas de décision à nouveau défavorable, est possible pour ces référés dans les 15 jours suivant la notification.
Le délai du pourvoi en cassation (pas d’appel possible) devant le Conseil d’État pour le référé conservatoire et le référé-suspension est de 15 jours suivant la notification et la décision est rendue sous un mois.
Pour un référé-liberté, il est possible de faire appel devant le Conseil d’État dans les 15 jours suivant la notification de la décision. Le juge doit alors se prononcer dans les 48 heures.
Devant la Cour administrative d’appel, il est obligatoire de se faire représenter par un avocat pour contester la décision du juge des référés.
En cas de pourvoi en cassation de l’arrêt de la cour d’appel, l’obligation est la même mais l’avocat devra être un « avocat au Conseil d’Etat », eux seuls ayant le pouvoir de représentation.
Coût : La procédure des référés sont gratuits