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Agir en justice

Comment agir en justice à la place de votre commune

« L’autorisation de plaider » : un outil citoyen au service de la démocratie locale

« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »

(Article 15, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789)

Lorsqu’un agent public, élu ou non, manque à son devoir de probité, c’est la collectivité en son entier qui est lésée et partant, chacun des individus qui la composent – au premier rang desquels ceux qui contribuent à son fonctionnement à travers le paiement de l’impôt.

Dans le cas où la collectivité lésée se refuse ou néglige à agir en justice à l’encontre de l’agent malhonnête, un outil permet sous certaines conditions aux contribuables de s’y substituer : il s’agit de l’autorisation de plaider (également connue sous le nom d’ « action du contribuable »).

Prévue par les articles L. 2132-5 à L 2132-7 du code général des collectivités locales (CGCT), l’autorisation de plaider est proche de l’action ut singuli reconnue aux actionnaires en droit des sociétés : elle  permet ainsi à tout contribuable inscrit au rôle de la commune de demander à exercer au nom de cette dernière et pour son compte les actions qu’il croit nécessaires à la défense des intérêts de la collectivité et que celle-ci a refusé ou négligé d’exercer.

L’article L.2132-5 du CGCT ne distinguant pas entre les diverses « actions » susceptibles d’être exercées par le contribuable,  rien n’interdit à ce dernier de demander l’autorisation de se constituer partie civile en lieu et place de la collectivité aux fins de mettre en mouvement l’action publique et d’obtenir réparation des préjudices subis par cette dernière. Ce n’est d’ailleurs – chose que beaucoup ignorent – que grâce à l’action d’un contribuable parisien, Monsieur Pierre Alain Brossault, qu’une information judiciaire a pu être ouverte sur l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris.

Tout comme l’action ut singuli, l’action du contribuable est subsidiaire : l’autorisation de plaider ne peut être accordée que s’il est établi que la commune n’entend pas engager elle-même l’action projetée.

Pour s’en assurer, une procédure en 2 étapes a été instituée :

  • Demande du contribuable auprès conseil municipal: Préalablement à toute demande d’autorisation de plaider auprès du Tribunal administratif, le contribuable doit adresser une demande à la commune d’engager elle-même l’action.
  • En cas de refus exprès ou implicite de la part du conseil municipal de donner suite à cette requête le contribuable adresse une demande d’autorisation de plaider au Tribunal administratif.
  • Délibération du conseil municipal: la demande d’autorisation de plaider adressée au Tribunal administratif est ensuite transmise au conseil municipal qui délibère sur cette requête : il peut décider d’intenter l’action – rendant le cas échéant sans objet la demande du contribuable – ou bien refuser.
  • Le Tribunal administratif n’est appelé à statuer sur la demande d’autorisation de plaider qu’en ce dernier cas : il a alors deux mois pour se prononcer – étant précisé que jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué, le conseil municipal peut décider d’engager lui-même l’action.

Les conditions de recevabilité de la demande d’autorisation de plaider

Il appartient au Tribunal administratif, agissant en tant qu’autorité administrative, d’apprécier si les conditions de recevabilité de la demande sont remplies et de rendre une décision administrative laquelle peut être attaquée devant le Conseil d’Etat dans le cadre d’un recours de pleine juridiction.

(1)  Conditions tenant au contribuable : La qualité de contribuable est entendue strictement. Ainsi, dans une décision du 13 janvier 2003 Association de défense des contribuables ansois, le Conseil d’Etat a jugé qu’une association, qui se borne à produire un avis d’imposition aux taxes locales établi au nom de son président, ne justifie pas de sa propre qualité de contribuable inscrit au rôle des contributions de la commune de l’Anse-Bertrand ; si bien qu’elle n’a pas qualité pour demander à engager la procédure de l’autorisation de plaider.

(2)  Conditions tenant à l’action : Suivant la jurisprudence du Conseil d’Etat : « Il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d’Etat saisi d’un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu’ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l’article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales, de vérifier, sans se substituer au juge de l’action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l’action envisagée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu’elle a une chance de succès ».

Deux conditions tenant à l’action sont donc requises :

  • L’action doit présenter un intérêt suffisant pour la commune : cet intérêt aura généralement d’autant plus de chances d’être reconnu que l’enjeu financier (i.e. le préjudice matériel subi par la commune du fait des malversations dénoncées) est important – étant précisé que le requérant ne saurait faire reposer sa requête sur des « on dit » ou des suppositions mais doit pouvoir démontrer de manière tangible l’intérêt financier allégué. Or, cette démonstration n’est pas toujours aisée à rapporter ainsi qu’en témoigne le refus opposé par le Conseil d’Etat (26 juillet 2011) à la demande d’autorisation de plaider formulée par Julien Bayou – qui entendait reprendre l’action civile contre Jacques Chirac que la ville de Paris avait abandonné à la suite de la conclusion de la transaction avec l’UMP et Jacques Chirac –. Les juges ont en effet considéré que le requérant ne démontrait pas en quoi son action présentait un intérêt suffisant pour la ville de Paris  : « M. BAYOU ne fournit aucun élément de nature à remettre sérieusement en cause ni l’évaluation, par les parties au protocole, des charges exposées par la ville au titre des emplois ayant donné lieu au procès en cours, ni l’appréciation ayant conduit la ville à abandonner ses prétentions s’agissant de l’un de ces emplois au motif qu’il n’a pas été sans contrepartie réelle pour elle ». En d’autres termes, suivant le Conseil d’Etat, rien dans la demande de Julien Bayou ne permettait d’établir que la Ville de Paris aurait obtenu une meilleure indemnisation dans le cadre d’un procès plutôt qu’en recourant à la transaction.
  • L’action doit avoir une chance de succès ce qui exclut les actions portées devant des juridictions incompétentes (C.E. 28 juillet 1999, Mathon, req. 197017) ou encore celles portant sur des infractions prescrites (C.E. 21 juillet 2009, Mme A., 320900)

Plusieurs actions en justices peuvent ensuite êtes effectuées par le contribuable, et notamment une action au pénal. A cet égard, une constitution de partie civile pourrait être régularisée. Pour qu’une constitution de partie civile soit jugée recevable, le contribuable doit établir que :

  • Une infraction pénale, non prescrite a été commise ;
  • le préjudice matériel qui en résulte pour la commune est important.
Les conditions d’exercice de l’action du contribuable

Suivant l’article L.2132-5 du CGCT, le contribuable exerce l’action « à ses frais et risques ».

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