Statut de l’élu local : il faut préserver l’exigence d’exemplarité des élus
Du lundi 7 au vendredi 11 juillet 2025, l'Assemblée nationale examine une proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. Anticor alerte sur l’article 18 de cette proposition, qui propose une réécriture de la prise illégale d’intérêts, en en réduisant considérablement la portée.
Adoptée à l’unanimité par le Sénat en avril 2024, la proposition de loi a pour ambition affichée d’améliorer les conditions d’exercice des élus locaux. Elle a fait l’objet d’une première lecture le mois dernier par la Commission des lois de l’Assemblée nationale.
À cette occasion, Anticor a été auditionnée et a alerté sur une ligne rouge à ne pas franchir en matière d’éthique publique. L’association a exprimé une vive inquiétude concernant l’article 18 de ce texte, qui prévoyait une modification substantielle de la définition de la prise illégale d’intérêts.
Le délit de prise illégale d’intérêts est défini à l’article 432-12 du Code pénal. Il s’applique aux élus, aux agents publics ainsi qu’à toute personne investie d’une mission de service public et sanctionne le fait, pour ces personnes, de confondre intérêt privé et intérêt général dans le cadre d’une prise de décision.
La version initiale de l’article 18 visait à restreindre la portée du délit, en limitant l’intérêt en cause aux seuls “membres directs de la famille” ou aux personnes entretenant “une proximité particulière” avec l’auteur éventuel du délit. Cette formulation, contraire à la jurisprudence – qui admet qu’un simple lien, qu’il soit familial, amical, professionnel ou politique, peut suffire à remettre en cause l’impartialité d’un élu – a été rejetée par l’Assemblée nationale.
Un risque demeure néanmoins concernant la nouvelle rédaction de l’article 432-13 du code pénal proposée. Cette rédaction entend ajouter une exception à l’infraction, en cas de “motif impérieux d’intérêt général”.
Or, cette notion ne correspond à aucune notion légale ou jurisprudentielle. En inscrivant dans le droit pénal une notion floue, le législateur expose les élus à une fausse impression de protection, et fragilise l’objectif de prévention et de régulation des conflits d’intérêts.
En outre, il est proposé d’exclure de la définition de l’infraction certains intérêts, impliquant une autre personne publique. Toutefois, le législateur ne peut ignorer que des intérêts personnels peuvent également être à l’œuvre dans ces situations : par exemple si, un maire, Président d’une société d’économie mixte (SEM), vote, en tant qu’édile, sa rémunération à la tête de la SEM locale.
Par ailleurs, la proposition de loi repose sur une idée reçue, selon laquelle l’action des élus locaux serait inhibée par le risque pénal. En réalité, les données disponibles montrent qu’entre 2014 et 2020, seuls 0.05% des élus locaux ont été condamnés pour manquement à la probité, quand en parallèle les infractions de prise illégale d’intérêts ont considérablement augmenté entre 2016 et 2024.
Il n’existe donc pas de vague de condamnations injustifiées pour prise illégale d’intérêts. Ce délit joue au contraire un rôle crucial : il constitue un garde-fou contre les conflits d’intérêts, qui peuvent évoluer vers des infractions plus graves comme la corruption.
Vouloir modifier le code pénal pour « faciliter » l’exercice des mandats locaux en limitant ce délit serait une erreur. Cela revient à s’attaquer aux symptômes plutôt qu’aux causes.
Une telle réforme risquerait de banaliser les pratiques clientélistes, au détriment de la transparence et de l’intérêt général. Pour préserver la confiance des citoyens en leurs représentants, il faut préserver l’exigence d’exemplarité des élus.
Plutôt que d’affaiblir la loi, l’association Anticor propose la mise en place d’un meilleur accompagnement des élus et d’un renforcement de la formation en matière de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts.