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Anticor partie civile dans le procès des gîtes ruraux : « On n’a jamais vu ça ! »

Paul Giacobbi et vingt-trois autres prévenus ont été jugés pour détournement de fonds publics devant le tribunal correctionnel de Bastia. Commencé le 21 novembre, le procès s’est achevé le 1er décembre 2016.

La constitution de partie civile d’Anticor dans ce dossier, le 20 mars 2015, avait pour objectif de soutenir l’action de de Nicolas Bessone, Procureur de la République de Bastia depuis le 26 avril 2014, dans un contexte de grande hostilité insulaire. L’association souhaitait également symboliquement affirmer que la corruption politique en Corse se heurte à l’exigence républicaine portée par Anticor. Me Jérôme Karsenti représenta ainsi l’association pendant toute la durée du procès.

C’est un euphémisme de dire que la présence de l’association n’était pas souhaitée à l’audience par les différents protagonistes de l’affaire. Les questions formulées par Anticor ont ainsi déclenché, à plusieurs reprises, de vives protestations dans le public. Certains avocats des prévenus ont manifesté bruyamment leur désapprobation lorsque Me Karsenti posait des questions dérangeantes. L’un deux a même fini par s’exclamer : « On n’a jamais vu ça ! ».

Malgré toute cette agitation, l’audience a permis de comprendre l’organisation du conseil général, à l’époque des faits. Le directeur de cabinet était cantonné aux fonctions administratives, au point qu’il ne faisait pas parti des prévenus tant son rôle était inexistant. Le véritable cabinet politique était, en réalité, animé par deux conseillers au statut indéfini, Dominique Donmarchi et Dominique Viola, véritables hommes de mains de Paul Giacobbi.

Il est à noter que ces deux prévenus essentiels ne comparaissaient pas. D’une part, Dominique Donmarchi fût assassiné, chez lui, en 2011. D’autre part, Dominique Violla n’était pas jugé car le juge d’instruction avait estimé qu’aucun indice grave et concordant ne le mettait directement en cause. L’audience a démontré que c’était une erreur. Enfin, un personnage clé du système, Jean Leccia, le directeur général des services du conseil général de Haute-Corse, a été assassiné, en 2014.

Quoi qu’il en soit, les dessous du système Giacobbi ont assez vite été révélées. La plupart des bénéficiaires des subventions ont reconnu n’avoir pas réalisé de gîtes. Leurs liens avec Paul Giacobbi ou des conseillers généraux – malgré le recours au nom de jeune fille ou au nom d’époux pour ne pas attirer les soupçons – ont rapidement été mis à jour. Et les fonctionnaires ont fini par mettre en cause leur hiérarchie et les élus.

Enfin, et ce fût un des moments fort de ce procès, Jacques Costa, le président de la commission du monde rural, maire de Moltifao, membre du clan Costa (deux frères soupçonnés d’appartenir au grand banditisme et dont un fût assassiné), ancien proche de Paul Giacobbi, est venu à la barre raconter précisément le cheminement des dossiers de subvention pour les gîtes ruraux. C’est ainsi qu’à la surprise générale, il expliqua comment ces dossiers provenaient du « cabinet politique », mettant en cause directement Dominique Viola, et donc Paul Giacobbi. Dans l’esprit corse, ces révélations constituent une déclaration de guerre, susceptibles d’entrainer des conséquences en cascade…

L’avocat d’Anticor, quant à lui, s’est employé à démontrer le caractère massif de ce clientélisme clanique, parfaitement organisé. Me Karsenti a rappelé que le détournement de fonds publics était une pratique de corruption et qu’il était essentiel de nommer les choses pour qu’elles soient comprises.

Le parquet a salué « la plaidoirie de l’avocat d’Anticor qui avait grandi l’association », dans son réquisitoire qui dura quatre heures. Au final, le Procureur de la République a demandé la condamnation de Paul Giacobbi à trois ans de prison ferme, cinq ans d’inéligibilité et 100 000 € d’amende, ainsi que la condamnation des autres protagonistes à des peines de prison avec sursis.

Le délibéré est fixé au 25 janvier 2017.

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