# Anticor

Les prix éthiques et casseroles 2016

Comme chaque année, Anticor a remis les prix éthiques et les casseroles (cf. Les prix éthiques et casseroles 2015).

La cérémonie s’est déroulée à la Maison des Mines, à Paris.

Elle était présentée et animée par Sylvie Gravagna et Nicolas Lambert de la Compagnie Un Pas de Côté.

PRIX ÉTHIQUES 2016

Antoine Deltour

Christophe Hébert, trésorier adjoint d’Anticor, a remis un prix éthique à Antoine Deltour.

Ancien employé du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC), il est un de ceux qui sont à l’origine de LuxLeaks, révélation de centaines d’accords fiscaux entre le fisc luxembourgeois et des multinationales, confirmant un système d’optimisation fiscale à grande échelle. En portant le sujet des rescrits (tax rulings) jusqu’au G20 ou au Parlement européen, ce scandale a favorisé des discussions qui pourraient conduire à une meilleure justice fiscale.

Pourtant, Antoine Deltour est poursuivi. Il sera jugé le 26 avril, notamment pour violation du secret des affaires et violation du secret professionnel, par une justice luxembourgeoise qui s’est souvent distinguée par sa servilité envers les pouvoirs politiques et économiques. Le prix a aussi vocation à manifester notre soutien dans cette période difficile pour le lanceur d’alerte.

En recevant le prix, Antoine Deltour a rappelé que « la meilleure arme contre la corruption, c’est la transparence et le droit à l’information. »

Gérard Davet et Fabrice Lhomme 

Séverine Tessier, administratice d’Anticor, a remis un prix éthique à Gérard Davet et Fabrice Lhomme.

Journalistes, ils ont travaillé sur les Swiss Leaks : c’est le nom donné à la révélation par plusieurs médias dans le monde, en février 2015, d’un système international de fraude fiscale et de blanchiment d’argent qui aurait été mis en place par la banque britannique HSBC à partir de la Suisse. Elle étend l’affaire des évadés fiscaux, révélée, dès 2008, par l’informaticien Hervé Falciani, Les journalistes racontent, dans La Clé (Stock), les obstacles rencontrés par les protagonistes de l’affaire. Si Éric de Montgolfier avait été plus souple d’échine, il aurait simplement restitué les fichiers à la Suisse, comme le demandait Michèle Alliot Marie….

Le prix salue cette grande aventure journalistique et citoyenne, de portée internationale, qui révèle la part d’ombre de la finance.

En recevant le prix, les récipiendaires précisent que, « dans l’affaire Swiss Leaks, on retrouve le tryptique avec le citoyen qui donne l’alerte, le journaliste qui la relaye et la Justice qui se saisit. C’est un travail d’équipe. » 

Davide Dormino 

Stéphanie Gibaud, prix éthique 2015, a remis un prix éthique à Davide Dormino.

L’artiste a conçu une sculpture, quatre chaises disposées sur la place publique, intitulée «Anything to say ? ».  Sur trois d’entre elles, des figures en bronze représentent les trois lanceurs d’alerte Julian Assange, Edward Snowden et Bradley Chelsea Manning. Les passants sont ainsi invités à monter sur la quatrième chaise, geste qui symbolise l’acte de prendre la parole en public et la volonté de défendre les droits universels.

Le prix rend hommage à cette initiative, qui symbolise magnifiquement la dimension culturelle du combat pour la liberté d’expression comme moyen de remettre en cause la raison d’État, l’arbitraire et l’omerta qui permet toutes les corruptions.

En recevant le prix, Davide Dormino a expliqué que « La vérité c’est le premier pas vers la liberté. »

Laurent Léger

Marcel Claude, administrateur d’Anticor, a remis un prix éthique à Laurent Léger.

Journaliste et grand reporter, il a écrit sur les services secrets, sur l’affaire Tapie (Tapie-Sakozy, les clefs du scandale, avec Denis Demonpion, Pygmalion), sur les trafics d’armes. En tant qu’enquêteur à Charlie Hebdo, il a été le premier à révéler l’affaire des marchés publics de Lorraine (Anticor est aujourd’hui partie civile dans de dossier). Parmi des nombreuses autres enquêtes, il a publié, cette année, un article remarqué sur l’affaire du marché public des déchets dans l’Essonne. Il a vécu de l’intérieur l’attentat contre Charlie Hebdo.

Zineb El Rhazoui et Solène Chalvon,  ont reçu le prix au nom de Laurent Léger, ont souligné l’engagement de Laurent Léger : « Laurent, on t’aime et on est fier de toi ! »

Laurent Mauduit 

Édith Talaczyk, coordinatrice des groupes locaux d’Anticor, a remis un prix éthique à Laurent Mauduit.

Journaliste, il a entrepris un travail au long cours sur l’affaire Tapie et la succession de scandales dans le scandale (cf. Tapie, le scandale d’État). Après l’inertie de la justice administrative pour censurer le recours à la procédure d’arbitrage, les faveurs de l’administration fiscale,  la complaisance de la justice commerciale; 2016 sera peut être l’occasion d’apprécier la Cour de justice de la République dans ses oeuvres, lors du jugement de Christine Lagarde.

Le prix salue le travail de Laurent Mauduit, qui, bien au-delà des faits, interroge sur une VRépublique crépusculaire, aux mains d’un pouvoir oligarchique et dont une addiction pathologique au secret protège les relations malsaines de la finance et de la politique.

Laurent Mauduit s’est déclaré très honoré : « Mon combat est de refonder une presse libre car le cœur de la démocratie, c’est un citoyen éclairé ».

Laura Pfeiffer

Éric Alt, vice-président d’Anticor, a remis un prix éthique à Laura Pfeiffer.

L’inspectrice du travail a divulgué des documents mettant en évidence la collusion de sa hiérarchie avec la société Tefal, dont elle avait en charge le contrôle. Elle a été condamnée pour cela en première instance pour avoir révélé ces petits secrets.

Mais bien au-delà de ces faits, le prix rend hommage aux inspecteurs du travail, gardiens des droits sociaux fondamentaux inscrits dans la Constitution. Il salue un esprit de résistance aux pressions, voire aux ordres illégaux. Il célèbre une éthique de courage, vertu démocratique qui devrait être celle de tous les fonctionnaires au service du droit, de l’intérêt général et du bien commun.

En recevant le prix, Laura Pfeiffer s’est exclamée : « Recevoir un prix de l’éthique pour avoir fait son métier, on peut dire qu’on vit des temps difficiles ! »

Bruno Piriou

Grégoire Turlotte, secrétaire général d’Anticor, a remis un prix éthique à Bruno Piriou.

Le vote des quartiers populaires de la ville de Corbeil-Essonnes a été régulièrement acheté. Tentatives d’assassinat, déversement de millions d’euros transitant par des circuits opaques, clientélisme généralisé, achat de vote et d’influence, mobilisation de la pègre locale à des fins partisanes : autant de moyens d’une exceptionnelle gravité qui auraient été employés pour garantir l’influence politique de Serge Dassault et assurer sa réélection ainsi que l’élection de son successeur désigné, Jean Pierre Bechter. Anticor est aujourd’hui partie civile dans de dossier.

Le prix salue le combat opiniâtre d’un conseiller municipal d’opposition de cette ville, mis en échec par le pouvoir de l’argent et sur sa résistance à l’avilissement de la démocratie par le clientélisme. Bruno Piriou décrit son combat dans L’argent maudit (Fayard).

En recevant ce prix Bruno Piriou a expliqué le sens de son action : « Une fois acheté, l’être humain perd de sa valeur. Tenir une communauté par l’argent n’est pas synonyme d’aide, mais d’assujettissement. »

CASSEROLES 2016

Joëlle Ceccaldi-Raynaud

Fabrice Rizzoli, chargé de mission d’Anticor, a annoncé qu’une casserole revenait à Joëlle Ceccaldi-Raynaud, en présence de Christophe Grébert, conseiller municipal d’opposition à Puteaux, auteur du blog monputeaux.com, relaxé de toutes les plaintes en diffamation déposées contre lui.

Maire de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud a fait acheter, dans sa ville, tous les exemplaires du Canard Enchaîné, en 2011, qui révélait l’existence de son compte au Luxembourg. Elle a attribué les six principales délégations à son fils. Elle offre des cartables, aspirateurs, micro-ondes, cafetières à ses électeurs… Elle a engagé de nombreuses procédures-bâillon (comme des plaintes en diffamation) contre son opposition, qu’elle a toujours perdues. En 2015, Médiapart a révélé qu’elle avait retiré, durant plusieurs années, 102 lingots d’or d’un kilo ainsi que des espèces d’un montant total de 865 300 € depuis son fameux compte au Luxembourg.

Elle mérite la casserole, en digne épigone de Patrick Balkany, titulaire de l’an passé.

Selon Christophe Grébert : « Le clientélisme est une forme de corruption ! ».

Christian Eckert  

fabriceFabrice Rizzoli a annoncé qu’une casserole était destinée à Christian Eckert, en présence de Lucie Watrinet, coordinatrice de la Plate-forme contre les paradis judiciaires et fiscaux.

Secrétaire d’État au budget, Christian Eckert a envoyé un signal extrêmement négatif dans la lutte contre l’évasion fiscale. Lors de la deuxième lecture du projet de loi de finances rectificative (PLFR) 2015, il a demandé une seconde délibération pour neutraliser un vote favorable à une mesure de transparence comptable (reporting pays par pays). Au terme d’une suspension de séance au cours de laquelle le gouvernement a orchestré les conditions d’un nouveau vote en sommant des députés de corriger le tir et en appelant d’autres à la rescousse, il a refait voter l’Assemblée et a finalement obtenu le rejet de cet amendement, à 25 voix contre 21.

Cette transparence par le reporting pays par pays est défendue depuis une dizaine d’années par la Plate-forme contre les paradis judiciaires et fiscaux, dont Anticor est membre. Elle aurait obligé les entreprises françaises à rendre publiques des informations sur leurs activités et les impôts qu’elles paient dans tous les territoires où elles sont implantées. Elle aurait ainsi permis à la société civile de savoir si les impôts payés par les entreprises correspondent à leur activité économique réelle. Un rapport parlementaire d’octobre 2015 estimait entre 40 et 60 milliards d’euros les bénéfices des entreprises qui échappent à l’impôt, soit un manque à gagner de 15 milliards d’euros pour les caisses de l’État. Combien de milliards M. Eckert nous a-t-il faire perdre cette nuit-là ?

Pour Lucie Watrinet, « Dans cet épisode, M. Eckert avait répondu aux députés : “c’est moi qui décide !” »

La soirée s’est conclue par un buffet garni de gâteaux et de vin Libera Terra, produits par des coopératives installées sur des terres confisquées à la mafia, en Italie.
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