Affaire PEOPLE&BABY
Si la gestion des crèches relève essentiellement des collectivités territoriales, depuis 2004, des entreprises privées peuvent ouvrir et gérer des crèches, en contrepartie du versement de subventions publiques.
Censée répondre au manque de places dans les crèches publiques, la libéralisation du secteur de la petite enfance aurait, cependant, entraîné des dérives graves, dont les enfants usagers des crèches sont les premières victimes.
Ces possibles dysfonctionnements ont fait l’objet d’une enquête du journaliste d’investigation Victor Castanet, publiée en septembre 2024, pointant notamment les pratiques d’un acteur majeur du secteur, People & Baby (P&B).
Anticor s’est saisie de cette enquête, qui révèle de possibles infractions économiques et financières, liées à l’usage de l’argent public.
D’une part, pendant la pandémie de Covid-19 et après l’annonce de la fermeture des crèches, P&B aurait placé l’ensemble de ses collaborateurs en chômage partiel, afin d’alléger sa masse salariale, tout en imposant à 300 cadres de l’entreprise de travailler à distance. En conséquence, la société P&B aurait potentiellement reçu de manière irrégulière près de 2,1 millions d’euros de l’État pour ses salaires, alors que ses employés travaillaient en réalité.
Cela est susceptible de caractériser l’infraction d’escroquerie au préjudice d’une personne publique.
D’autre part, l’enquête menée par Victor Castanet rapporte que P&B aurait soumis à la CAF un certain nombre de faux devis portant sur des travaux, émis par une société « coquille vide », et ce, afin d’obtenir des indemnisations de la part de différentes caisses d’allocations. Les travaux n’étaient jamais réalisés ou pour des prix bien inférieurs à ceux déclarés.
En outre, l’enquête révèle que la société aurait manipulé le taux d’occupation de ses crèches pour obtenir davantage de subventions de la CAF, au titre de la Prestation de Service Unique (PSU), laquelle est calculée selon le nombre d’heures de présence des nourrissons dans l’établissement. En falsifiant les heures de présence, la société People&Baby aurait obtenu 2,5 millions d’euros de subventions indues.
Ces faits, s’ils sont avérés, sont susceptibles de recevoir la qualification de détournement de fonds publics et d’escroquerie au préjudice d’une personne publique.
Par ailleurs, la société People&Baby s’acquittait, pour l’hébergement de ses crèches, de loyers largement supérieurs au prix du marché, auprès d’une SCI gérée par le Président de People&Baby lui-même. Selon les estimations du journaliste, P&B aurait versé environ 2,6 millions d’euros de loyers par an directement à son dirigeant.
Si ces faits sont avérés, ils pourraient recevoir la qualification pénale d’abus de bien social.
Enfin, la société P&B imposait aux parents le versement d’un dépôt de garantie pour inscrire un enfant au sein de leur crèche. A cet égard, des directives auraient été données pour qu’aucune restitution des dépôts de garantie n’intervienne sans sollicitation des parents. Ainsi la société P&B aurait sciemment cherché à conserver les fonds, ce qui pourraient caractériser un abus de confiance.
La procédure judiciaire : le 8 novembre 2024, Anticor a déposé plainte auprès du procureur de la République de Paris.
Suite à la plainte d’Anticor, le parquet de Paris a annoncé ouvrir une enquête, confiée à la direction de la police judiciaire.
Fondement de l’action juridique d’Anticor : escroquerie, détournement de fonds publics, abus de bien social et abus de confiance.
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Cette affaire met en lumière les conséquences sur les vies humaines des infractions à la probité. Anticor n’a de cesse de le répéter : les citoyens sont tous victimes des atteintes à la probité. Ici ce sont les travailleuses et travailleurs des crèches qui subissent des conditions de travail rendues difficiles par l’optimisation à outrance des coûts, d’une part. D’autre part, les victimes sont les usagers de ce service public, les bébés, dont les conditions d’accueil au sein des crèches sont parfois rendues désastreuses par l’utilisation à des fins personnelles de subventions publiques.
C’est pourquoi Anticor, en déposant cette plainte, demande que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
L’association Anticor sollicite également d’imposer des conditions pour toute aide publique directe au secteur privé avec remboursement en cas de défaillance.