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Chargés de mission de l’Élysée : Anticor saisit le procureur de la République

L’affaire Benalla a révélé au grand public l’existence de chargés de mission affectés au cabinet du Président de la République. Ces derniers n’ayant pas transmis leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts, Anticor a saisi le Procureur de la République.

L’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que « les collaborateurs du Président de la République » adressent « au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts […] dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions. »

L’article 20 fixe la sanction en cas de manquement : « Le fait, pour une personne mentionnée aux articles 4 ou 11 de la présente loi, de ne pas déposer l’une des déclarations prévues à ces mêmes articles […] est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code. »

Dans ce cadre, Anticor avait saisi la HATVP, le 31 juillet 2018, de plusieurs cas de violation de l’article 11.

En complément, l’association a saisi, aujourd’hui, le Procureur de Paris de ces faits.

En effet, l’affaire Benalla a révélé au grand public l’existence de chargés de mission qui, bien   qu’affectés au cabinet du Président de la République, ne figuraient pas dans l’arrêté du 18 septembre 2017 relatif à la composition du cabinet du Président de la République.

Le rapport d’information de la Commission d’enquête du Sénat sur cette affaire, rendu public le 20 février 2019, est explicite sur cette question :

« À côté des « conseillers » collaborateurs du Président de la République, dont la nomination par le Président est publiée au Journal officiel et dont les fonctions sont connues, votre commission a en effet constaté dès le mois de juillet 2018 que subsistaient un certain nombre d’agents nommés comme « chargés de mission » à l’Élysée qui échappent à toute transparence, alors même qu’ils peuvent pourtant exercer des missions importantes ainsi qu’une influence sur la réflexion, les décisions du chef de l’État et la transmission de ses instructions.

Selon les déclarations du directeur de cabinet du Président de la République, Patrick Stzroda, huit chargés de mission – outre Alexandre Benalla – auraient ainsi été employés au sein du cabinet (à la date de sa première audition) sans que la liste de leurs noms ait été rendue publique.

Plus regrettable, votre commission a eu la confirmation qu’aucun de ces chargés de mission n’avait rempli et déposé de déclaration d’intérêts ni de déclaration de situation patrimoniale. Pourtant, comme l’a confirmé à vos rapporteurs et au président de votre commission le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), la transmission de telles déclarations à la HATVP comme à l’autorité hiérarchique est obligatoire, en application de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à transparence de la vie publique, pour tous les « collaborateurs du Président de la République », y compris lorsque leur hiérarchie a omis de mentionner leur existence au Journal officiel.

Interrogé par notre collègue François Pillet sur l’absence de déclaration des chargés de mission lors de son audition par votre commission, le directeur de cabinet du Président de la République, Patrick Stzroda, a déclaré avoir « demandé ce jour au Secrétariat général du Gouvernement (SGG) d’expertiser cette disposition » ; relancé le lendemain, le secrétaire général de la présidence de la République, Alexis Kohler, a indiqué lors de son audition qu’une régularisation de la situation des intéressés leur serait demandée au plus vite: « il serait logique d’inclure les chargés de mission dans le champ de ces obligations déclaratives. J’ai donc demandé à nos services d’adresser un message aux intéressés pour qu’ils régularisent leur situation. Il existe aujourd’hui huit chargés de missions à la présidence de la République, dont deux affectés au sein des services – nous n’avons pas encore éclairci le point de savoir si les obligations déclaratives s’imposent aussi à ces derniers ». »

Il est important de noter que Mediapart a révélé, le 25 juillet 2018, l’identité de plusieurs de ces chargés de mission. Ainsi, outre Alexandre Benalla, on apprend que ces fonctions ont été attribuées à Tristan Bromet, Sophie Walon, Vincent Caure, Raphaël Coulhon, Hugo Vergès et Ludovic Chaker. Il manque donc au moins un nom…

Il est incontestable que ces chargés de mission sont, en réalité, des collaborateurs du Président de la République, soumis aux mêmes obligations que ces derniers. Les débats parlementaires sont clairs sur ce sujet.

Dans sa lettre en date du 27 juillet 2018, adressée au président de la Commission d’enquête du Sénat, le président de la HATVP est d’ailleurs catégorique : « Pour l’application des dispositions de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, la Haute Autorité s’appuie sur les travaux parlementaires qui démontrent clairement l’intention du législateur de ne pas limiter les obligations déclaratives aux seuls conseillers nommés par arrêté publié au Journal officiel, mais de les appliquer à l’ensemble des membres du cabinet (fonctions de direction, conseillers, chargés de mission,…) à l’exception de ceux exerçant des « fonctions support » (secrétariats et chauffeurs notamment). »

Anticor rappelle, à toutes fins utiles, qu’une éventuelle régularisation ultérieure n’efface pas une infraction commise.

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