# National

Société du Grand Paris : Anticor saisit le Parquet national financier

Anticor a saisi le Parquet national financier suite au rapport de la Cour des comptes sur la Société du Grand Paris.

L’État a créé un établissement public national à caractère industriel et commercial, la Société du Grand Paris (SGP), dans le cadre de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, afin de réaliser son projet de Grand Paris Express (construction du réseau de transport public du Grand Paris). Depuis sa création et jusqu’au 31 décembre 2016, la SGP a notifié près de 770 marchés.

Dans ce cadre, la Cour des comptes a déploré, dans son rapport rendu public le 17 janvier 2018« une rigueur insuffisante dans la gestion des marchés ». Elle a notamment relevé de nombreuses pratiques contraires au droit de la concurrence, en général, et aux principes de la commande publique, en particulier :

– « Ponctuellement, la Cour a identifié des marchés pour lesquels les procédures et les grands principes de mise en concurrence n’avaient pas été respectés, soit attribuant un marché à une entreprise dont l’offre aurait dû être rejetée pour irrecevabilité, soit en modifiant en cours de procédure les modalités de calcul des offres financières ce qui a eu pour effet de modifier l’ordre de sélection des candidats. »

– « Entre 2010 et mai 2017, la SGP a eu recours à 164 marchés attribués sans publicité ni mise en concurrence, pour un montant estimé à 137 M€ HT. […] Certains marchés semblent éloignés des critères de l’article 7 du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 permettant de justifier l’attribution de marchés à un titulaire sans publicité ni mise en concurrence préalable. »

– « Le fonctionnement et le rôle de la Commission d’examen des offres (CEO) sont insatisfaisants à plusieurs titres, et ne permettent pas de disposer d’une assurance externe suffisante sur la régularité et les conditions d’attribution des marchés, l’équilibre concurrentiel et la préservation des intérêts économiques de la SGP. […] Il n’existe aucun procès-verbal des séances du CEO permettant de retracer les interventions de chacun et la motivation de l’avis, mais simplement un « relevé de décision ». Jusque très récemment, ce « relevé de décision » prenait la forme d’une simple feuille blanche comportant deux cases à cocher. »

– « Le recours important et peu contrôlé aux bons de commande en exécution constitue à la fois un risque juridique et un point de fuite financier. La SGP justifie cette pratique de marchés structurés par « l’impossibilité de définir d’une manière exhaustive l’intégralité des prestations, objet du marché – la structure de prix unitaire permettant une plus grande flexibilité lors de l’exécution des marchés ». Si cette explication est recevable pour une partie des prestations, elle l’est moins dans beaucoup de cas de marchés de prestations intellectuelles. […] Il existe donc un risque sérieux que l’équilibre économique du marché soit très nettement bouleversé par le tirage peu contrôlé des bons de commande, remettant ainsi en cause la sincérité de la mise en concurrence initiale. Ce constat est observable dans plusieurs marchés examinés par la Cour. »

– « Pour 24 des marchés passés et exécutés par la SGP au 31 décembre 2016, ces avenants ont bouleversé l’équilibre initial du marché dans des proportions très significatives, le cumul de ces avenants égalant ou excédant de 15 % la masse initiale de marché. Or, la jurisprudence administrative considère que les avenants dont le cumul excède 15 % du marché initial doivent être considérés comme irréguliers. Ce principe est désormais repris à l’article 139 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. »

Les mauvaises pratiques relevées sont d’autant plus inquiétantes qu’elles risquent de perdurer. En effet, la cour précise qu’après « avoir attribué près de 160 marchés par an en 2015 et 2016, la SGP devrait continuer à attribuer plus de 100 marchés par an jusqu’en 2020 ».

Pour toutes ces raisons, Anticor a saisi le Parquet national financier, le 12 juin 2018, des anomalies contenues dans le rapport de la Cour des comptes sur la Société du Grand Paris.

Cette nonchalance dans la gestion des marchés publics est d’autant moins acceptable que le coût du projet du Grand Paris Express ne cesse d’être revu à la hausse. Quand il a été présenté au débat public, en 2010, il était évalué à 19 milliard d’euros. En 2013, le Gouvernement avait finalement fixé un coût d’objectif à 25,53 milliards d’euros. Mais la dernière estimation, fournie par la SGP, en juillet 2017, atteint déjà 38,48 milliards d’euros… soit un dérapage de 12,96 milliards par-rapport au coût d’objectif de 2013 (+ 51 %) !
Partager cet article