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Anticor rencontre la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Serge Houssard, administrateur d’Anticor, a rencontré François Hurel, délégué général, et Adélaïde Vujivic, sa collaboratrice, le 21 juin 2016, à Paris, au siège de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

Pour rappel, le 23 mai 2016, un commissaire aux comptes avait été condamné par le tribunal correctionnel de Montpellier pour avoir accepté un mandat de commissaire aux comptes malgré les incompatibilités édictées par l’article L822-10 du Code du Commerce. Ce jugement est susceptible d’appel et nous ne le commenterons pas, reste qu’il prouve une fois encore que malgré des codes de déontologies très complets et précis, une des professions la plus réglementée de France, peut avoir en son sein des professionnels en infractions aux règles élémentaires d’indépendance et de bonnes pratiques.

De même, dans l’affaire BYGMALION, les deux experts-comptables de la campagne de Nicolas Sarkozy, Pierre Godet et Marc Leblanc, ont été mis en examen, le lundi 6 juillet 2015.

Il faut reconnaître que cette profession de commissaire aux comptes a profondément évolué depuis dix ans, et le délégué général de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a confirmé cette préoccupation constante d’éthique opérationnelle. D’ailleurs, il y a très peu de condamnation ou de mise en cause dans cette profession. Mais les risques de conflits d’intérêts sont nombreux et, à notre sens, pas assez encadrés par les Compagnies régionales des commissaires aux comptes. Le travail en réseau et la concentration des cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux comptes renforcent potentiellement les occasions de manquement aux règles déontologiques mises en place.  Les aspects économiques peuvent aussi lourdement peser sur le respect des règles de prudence, car un cabinet doit chercher à développer son chiffre d’affaire.

Le Haut Conseil du commissariat aux comptes, organisme indépendant de contrôle, a élaboré une bonne « Pratique professionnelle relative à l’appartenance à un réseau au sens de l’article 22 du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes », élaborée conjointement avec la Compagnie nationale des commissaires aux comptes à l’issue d’échanges avec le ministère de la Justice et des Libertés.

D’ailleurs, KPMG et d’autres importants cabinets d’audits, proposent dans le cadre d’une mission de Comité d’Audit, de contrôler le travail du Commissaire aux Comptes, son indépendance et le suivi de l’efficacité des contrôles internes….

Les Commissaires aux Comptes ont une obligation de secret professionnel, d’alerte, de dénonciation des délits. Enfin, selon leur mode d’exercice professionnel et leur attitude au regard de la responsabilité, leur perception diffère au niveau des facteurs et de l’évaluation du risque. Au moment de l’acceptation, le commissaire aux comptes ne connait pas son client ou le connait de l’extérieur. Pour appréhender le risque client, les commissaires aux comptes disposent d’un nombre restreint d’information sur leurs futurs clients. Il existe des influences convergentes qui peuvent modifier l’appréciation du risque de l’auditeur. Cependant, les commissaires aux comptes hyperspécialisés en audit évaluent mieux le risque de mise en cause que les commissaires aux comptes polyvalents assurant également des missions d’expertise comptable. Cela pourrait signifier que pour évaluer le risque de mise en cause, il convient d’avoir acquis des automatismes d’audit qu’un commissaire aux comptes formé essentiellement à l’audit est plus susceptible de posséder qu’un commissaire aux comptes (Olivia Laffont-Jouanen, Etude du risque).

Malgré tout cela et ces diverses dispositions éthiques et bonnes pratiques, il existe comme dans toute profession des dérives possibles. C’était tout l’objet de notre rendez-vous, très courtois et constructif.

Prochainement, les missions des Commissaires aux Comptes seront étendues à la certification des comptes des collectivités locales et des établissements publics. Il sera préalablement nécessaire de mettre en place un référentiel d’audit financier et de tester sur trois années ce dispositif de contrôle qui va vraiment dans le bon sens.

Aujourd’hui, les collectivités locales gèrent des budgets équivalents à ceux de PME-PMI, sans que les élus aient les formations ou une sensibilisation à la gestion financière et comptable de ces structures. Les inter-communautés sont encore plus exposées à la production de comptes non sincères, mal renseignés, surtout en ce qui concerne les engagements hors bilans, les délégations de services publiques ou encore les conséquences financières des partenariats publics/privés, voire la gestion et l’estimation du patrimoine.

Rappelons en effet, que les élus sont plus familiarisés aux documents budgétaires et aux comptes administratifs, qui ne sont que la traduction de flux annuels, et qu’ils négligent ce faisant l’examen du bilan et du compte de résultat retracés sur le compte de gestion du receveur municipal. En d’autres termes ils sont appelés à approuver un compte administratif sans avoir le plus souvent examiné le patrimoine, les liquidités et les dettes et créances à court terme. De ce point de vue seule la fusion en un compte financier unique du compte administratif et du compte de gestion permettrait d’y remédier.

C’est donc une excellente chose que cette certification des comptes annuels. D’abord cela sécurisera les élus à la tête de cette collectivité locale, évitera lors du changement de majorité la contestation des comptes et facilitera pour les grosses communes l’appréciation des agences de notation. Enfin, les citoyens seront assurés de savoir que leur collectivité est contrôlée par un professionnel indépendant.

Michel Sapin et Christian Eckert ont annoncé le lancement de l’expérimentation de la certification des comptes au sein du secteur public local.

La certification des comptes se définit comme l’opinion écrite et motivée que formule un organisme indépendant sous sa responsabilité sur la conformité des états financiers d’une entité, dans tous ses aspects significatifs, à un ensemble donné de règles comptables au premier rang desquelles figurent la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. La certification contribue à attester de la transparence et de la qualité des comptes sous l’angle du dispositif de contrôle interne comptable et financier de l’organisme qui en est l’objet. Ce n’est ni un « quitus » pour la gestion que seul l’organe délibérant ou le juge des comptes peuvent accorder à l’ordonnateur et au comptable, ni un certificat de bonne santé financière de l’entité.

Seuls les états comptables font l’objet d’une certification, les choix de gestion et les choix budgétaires n’entrent pas dans le périmètre de contrôle du certificateur. Par ailleurs, le certificateur des comptes n’effectue aucun contrôle du respect de l’autorisation budgétaire et ne porte aucune opinion sur son résultat. Il appartiendra toujours au comptable public de veiller sous sa responsabilité personnelle et financière au respect de l’autorisation budgétaire accordée par l’assemblée délibérante.

Quand la loi désignera les commissaires aux comptes pour certifier tout ou partie des comptes locaux, les collectivités concernées devront respecter les règles de la commande publique pour conclure un marché public pluriannuel avec l’un d’eux.

Enfin, on rappellera également qu’un commissaire aux comptes doit communiquer son rapport au Comptable public de la collectivité concernée : « Les commissaires aux comptes sont déliés du Secret professionnel à l’égard du comptable public d’un organisme public lorsqu’ils sont chargés de la certification des comptes dudit organisme. Les commissaires aux comptes adressent copie de leurs rapports de certification des comptes des organismes publics dotés d’un comptable public à ce dernier » (article L.823-16 du code de commerce).

Donc, si cette certification va dans le bon sens et complète les formes existantes de contrôle des comptes publics, elle ne donne pas quitus au responsable de la collectivité locale. La certification ne se substitue pas plus au contrôle de légalité et budgétaire exercé par le Préfet pour les collectivités locales, lequel conserve toute son importance notamment au regard du respect de la règle d’or d’équilibre budgétaire limitant notamment leur endettement. Ces contrôles conservent un caractère régalien, permettant d’assurer l’application uniforme des dispositions nationales sur tout le territoire dans le respect de la hiérarchie des normes.

Rappelons que dans la nomenclature des emplois de la fonction territoriale, le poste d’auditeur interne n’existe pas. (Anticor 90 a mis en place dans une commune du 25, un auditeur interne, ce qui est inédit en France dans les communes.)

A cet égard, se posera le problème de la formation des auditeurs internes, au besoin en coopération avec le Haut conseil ou l’IFACI, seul organisme a délivrer des certificats selon des normes internationalement reconnues, sans parler de leur classement dans la grille des agents territoriaux.

Mais l’extension des missions des commissaires aux comptes aux collectivités locales, posera de nouvelles règles déontologiques. Car un commissaire aux comptes est un citoyen comme les autres, qui peut faire de la politique, se présenter sur une liste électorale, être élu dans l’opposition…. Des problèmes nouveaux d’indépendance vont se poser et de risques de conflits d’intérêts. Par exemple, des Règles spécifiques au barreau de Paris issues du RIBP concernent les avocats qui sont des élus.

Nous avons proposé à Monsieur François Hurel de collaborer avec la Compagnie nationale des commissaires aux comptes pour réfléchir à ces questions, ce qu’il a accepté. Notre expérience et pratique des cas  de prises d’intérêts illégales sera appréciée.

Enfin, au-delà du sérieux apporté aux chartes de déontologie, aux contrôles fréquents dans cette profession réglementée par un organisme externe, l’éthique est une démarche critique et interrogative qui consiste en un questionnement des actions et des décisions. Elle s’enrichit des pratiques et de l’expérience.

L’éthique est une démarche méconnue qui pâtit de l’idée qu’elle peut se pratiquer de manière instinctive, en dehors de tout apprentissage, en faisant appel au « bon sens ». Pour sortir de cette impasse et éviter le développement d’une éthique de façade, il est nécessaire de proposer des parcours des formations de qualité en éthique, s’appuyant sur un enseignement et une recherche universitaire dignes de ce nom. A cet égard, nous avons relevé que le programme du certificat d’aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes en application des dispositions de l’article A. 822-, des épreuves du certificat d’aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes n’évoque que la déontologie, sous le titre « Ethique, déontologie, et indépendance ».

Dans cet esprit, nous avons proposé à François Hurel notre concours pour mettre en place une formation éthique destinées aux Commissaires aux Comptes, en complément des règles de bonnes pratiques et déontologiques, à l’instar par exemple des syndics de copropriété qui y sont désormais astreints.

C’est donc vers une perspective de coopération entre notre Association et cette organisation professionnelle que s’achevé ce rendez-vous.

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