# National

« Panama Papers » : des peuples dépossédés de leur souveraineté et de leurs richesses

Que constater ou rappeler, à l’occasion d’un scandale majeur, comme les « Panama Papers » ?

Que constater ou rappeler, à l’occasion d’un scandale majeur, comme les « Panama Papers » ?

1/ Les pouvoirs politiques, particulièrement en Europe, n’ont pas été à la hauteur. Nicolas Sarkozy avait déclaré, en 2009 : « les paradis fiscaux, c’est terminé ». Mais depuis cette date, les « Swissleaks », les « Luxleaks » et aujourd’hui les « Panama Papers » prouvent la continuité et l’ampleur de la finance opaque.

2/ La richesse manquante des nations est d’un montant considérable. Selon le FMI, elle était déjà estimée, en 2012, à 26 000 milliards d’euros, soit environ dix fois le PIB de la France. Antoine Peillon avait documenté les 600 milliards qui manquent à la France. La perte annuelle serait d’environ 60 milliards d’euros.

3/ Les « Panama Papers » posent de manière emblématique la question des sociétés écrans, ces « boîtes aux lettres » qui servent à la dissimulation. Il faudrait pouvoir en connaître les bénéficiaires effectifs, comme pour une société commerciale.

La France a adopté, dans la loi du 6 décembre 2015, l’instauration d’un registre unique des trusts, mais aucun texte d’application n’est pour l’instant intervenu.

Une directive concernant ce sujet a enfin été adoptée, le 20 mai 2015. Mais il faudra démontrer « un intérêt légitime » pour consulter les registres des bénéficiaires. L’Assemblée nationale devrait prochainement adopter un texte habilitant le gouvernement à transposer la directive par ordonnance…

4/ La transparence comptable (« reporting pays par pays public« ) est un moyen efficace de connaître la localisation des profits des sociétés. En effet, cette localisation peut être artificielle et déterminée uniquement pour échapper à la loi fiscale du pays où une société a son activité économique réelle. Le reporting pays par pays public obligerait les multinationales à rendre public des informations sur leurs activités et les impôts qu’elles payent dans chacun des pays où elles sont présentes. Il permettrait donc de connaître et, le cas échéant, de dénoncer ces manœuvres.

Mais l’adoption d’une directive en ce sens tarde. Le Gouvernement soutient une avancée européenne, mais il s’est opposé, en décembre dernier, à ce que France montre l’exemple. Et le Conseil constitutionnel a émis des réserves contestables sur ce même sujet, qui pourraient rendre impossible le reporting public.

5/ Les lanceurs d’alerte ne sont toujours pas protégés efficacement. Celui qui a divulgué les « Panama Papers » est pour l’instant protégé par le secret des sources des journalistes. Mais la loi française ne permet pas une réelle protection de lanceurs d’alerte auxquels la France doit pourtant beaucoup, comme par exemple Antoine Deltour, Stéphanie Gibaud ou Hervé Falciani.

6/ Les listes des paradis fiscaux sont devenues ridicules. En 2013, le Conseil constitutionnel avait censuré des dispositions qui ajoutait à la liste des paradis fiscaux les États refusant de conclure avec la France une convention d’assistance administrative incluant l’échange automatique des documents. Dès lors, cette liste ne peut pas être significative. Au regard de l’actualité récente, il faut souligner que la France ne considère pas le Panama comme un paradis fiscal !

7/ L’ampleur de la fraude révèle surtout la perte de souveraineté des États en matière fiscale et, de fait, une considérable inégalité devant l’impôt. Comme la noblesse de l’ancien régime, une oligarchie réussit à se soustraire à l’impôt. C’est un combat global contre des nouvelles formes d’impunité qu’il s’agit aujourd’hui de mener, pour reconquérir une richesse et un pouvoir dont nous avons été dépossédés.

Au-delà des enjeux techniques, la question posée par ce nouveau scandale peut se résumer de la façon suivante : Dans quel monde voulons-nous vivre ?

Partager cet article