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Anticor à Paris : « Les lobbys prospèrent ! »

Éric Alt, vice-président d’Anticor, a débattu avec Pascal Durand, député européen, et Lala Dadci, coordinatrice de l’AITEC, le 2 avril 2016, sur le thème « Lobby versus intérêt général : l’expertise privée au service du business », à la salle Jean Dame, dans le 12e arrondissement de Paris.

Éric Alt, vice-président d’Anticor, a débattu avec Pascal Durand, député européen, et Lala Dadci, coordinatrice de l’AITEC, le 2 avril 2016, sur le thème « Lobby versus intérêt général : l’expertise privée au service du business », à la salle Jean Dame, dans le 12e arrondissement de Paris.

Le débat était organisé par l’AITEC (Association internationale de techniciens, experts et chercheurs). L’association s’est mobilisée sur les effets pervers du lobbyisme. Elle a produit un rapport sur le lobbyisme du secteur financier dans l’élaboration de la réglementation de l’Union européenne. Elle est aussi à l’origine des petits guides « lobbyplanet« .

La loi Sapin II devrait, pour la première fois, permettre de traiter du lobbysme dans la législation française, mais le texte est minimaliste. Sauf amendements, il n’y aura pas de registre unique, pas d’information sur les dépenses engagées, pas « d’empreinte normative » permettant la traçabilité des interventions et pas de sanctions à la hauteur des enjeux.

Pendant ce temps, les lobbys prospèrent. La loi Sapin elle même en est un bon exemple. Le magazine Challenges a notamment révélé que les organisations patronales étaient les promoteurs de la transaction pénale (qui permet aux entreprises d’acheter leur immunité) : « en coulisse, elles avaient, avec Transparency, fait un lobbying intense pour l’introduire dans le projet de loi alors qu’elle n’était pas prévue dans le texte initial. Bercy n’était gère enthousiaste et le ministère de la justice carrément hostile. Mais le Medef et l’Afep, aidés par trois avocats (Jean Veil, François Sureau et Aurélien Hamelle) avaient réussi à convaincre Matignon » (la mesure a finalement été retirée après un avis négatif du Conseil d’État, mais un amendement parlementaire pourrait la rétablir).

Les lobbys prospèrent aussi en Europe. Si la mobilisation citoyenne a réussi a faire en sorte que le secret des affaires ne soit pas voté dans la loi Macron en 2015, elle n’a pas été suffisante pour empêcher le vote d’un règlement européen : celui-ci sera voté le 13 avril prochain et devra évidemment être transposé dans la loi française. Pascal Durand rappelle que les députés verts n’ont guère trouvé d’alliés pour s’y opposer. Ce sera un rempart contre le contrôle citoyen. Porté par un petit nombre de députés européens, le projet de directive pour la protection dans des lanceurs d’alerte avance, en revanche, très lentement.

Et les négociations sur TAFTA se poursuivent dans l’opacité. Seuls vingt députés sont habilités à consulter les documents de la négociation, dont il ne peuvent garder aucune copie ni même aucune note. Il a quand même été possible de connaître la nouvelle proposition de la Commission en matière d’arbitrage d’investissement. La promotion des privilèges des investisseurs étrangers dans le négociations commerciales de l’UE se poursuit quand bien même la Commission tente de rebaptiser le mécanisme d’arbitrage Investisseur-État sous un nouveau nom : l’« ICS » pour Investment Court System ou Système judiciaire sur l’investissement.

Le rapport de l’AITEC présente également l’étude d’un cas emblématique : la poursuite du gouvernement états-unien par l’entreprise canadienne TransCanada, qui demande une compensation de 15 milliards de dollars suite au rejet du très controversé projet d’oléoduc Keystone XL par le Président Barack Obama.

En Égypte, le groupe Véolia a porté plainte devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements en raison de l’augmentation du salaire minimum de 400 à 700 livres par mois (soit de 41 à 72 €). La procédure est en cours.

L’enjeu n’est déjà plus de savoir comment des pouvoirs citoyens pourraient dévoiler les actions de lobbys ou leur résister. Ceux-ci se parent de l’apparence de l’expertise pour proclamer qu’il n’y a pas d’alternative. Ce seront alors les peuples qui devront s’adapter à de nouvelles logiques de pouvoir, et justifier de leur conformité à de nouvelles règles imposées par les lobbys-experts comme prétendument objectives. Les modalités d’arbitrage envisagées dans le traité TAFTA, le traité de stabilité, de coopération et de gouvernance signé en 2014, le sort fait à la Grèce sont les signes avant coureurs d’un autre monde possible. Cette évolution est résistible, mais il faut pour cela que les peuples prennent la mesure des enjeux et trouvent la force de s’y opposer.

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