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La cérémonie 2018 des Prix éthiques et des Casseroles

La cérémonie 2018 de remise des Prix éthiques et des Casseroles a permis à Anticor de récompenser les comportements vertueux et de dénoncer les agissements déplorables de l’année écoulée.

Chaque année, Anticor remet des Prix éthiques, pour récompenser des comportements vertueux, et des Casseroles, pour dénoncer des agissements déplorables.

La cérémonie 2018 s’est déroulée, le 26 janvier, à la Maison de l’Amérique Latine, à Paris, devant 250 personnes.

La liste des récipiendaires met traditionnellement à l’honneur journalistes, lanceurs l’alertes, citoyens engagés ou élus. Lors de cette édition, Anticor a distingué, pour la première fois, un chercheur.

La soirée était animée par la comédienne Marie-Claire Neveu qui a commencé par une définition : « Un anticorps c’est une protéine indispensable au système immunitaire, de la même manière que les garde-fous sont indispensables à la vraie démocratie. » 

 

Prix éthiques

 

1/ Alain Gautier pour avoir eu le courage de dénoncer les pratiques de l’entreprise Vortex. Après avoir lancé une alerte, en 2013, sur les agissements de l’entreprise, il a dû faire face à des mesures répressives des dirigeants de Vortex : discrimination, retenues sur salaires, avertissement, mise à pied, attaque en correctionnelle pour diffamation, procédures de licenciement. Les dirigeants de Vortex ont été déboutés, à chaque fois, et ont fait appel des décisions. Trois procédures sont actuellement pendantes auprès du tribunal administratif.

 

2/ Adrien Roux pour sa brillante thèse sur la corruption internationale et sa répression. Il montre que les résistances politiques s’avèrent nombreuses dès lors qu’il s’agit de diminuer les obstacles à une pleine efficacité répressive. Le juge pénal se trouve alors placé en première ligne de ce processus dialectique. Par son audace investigatrice, celui-ci contribue de manière décisive à faire évoluer le droit et, plus largement, à redéfinir les équilibres démocratiques entre pouvoirs et contre-pouvoirs.

 

3/ Médiacités pour ses enquêtes sur la corruption locale. Dans son manifeste, les journalistes de Médiacités proclament : « Nous croyons que la presse doit jouer un rôle de contre-pouvoir au niveau local. Lutter contre la constitution de baronnies, déverrouiller les systèmes quels qu’ils soient et endiguer la défiance généralisée qui mine notre démocratie. Nous croyons à un journalisme utile qui aide les lecteurs à participer activement et librement à la vie de leur cité. Nous nous opposons au pouvoir chaque jour plus écrasant de la communication. Nous croyons à la nécessité de revivifier notre démocratie locale (par une meilleure représentation citoyenne, un meilleur partage des responsabilités, la transparence et l’exemplarité des élus, le rejet de l’hyperpersonnalisation de la politique). »

 

4/ Stéphanie Fontaine, pour son enquête sur le business des contrôles routiers. Journaliste membre du collectif Extra-Muros, elle a révélé le projet de privatisation des radars mobiles, véhicules banalisés capables de repérer les excès de vitesse dans le flot de la circulation, avec à leur bord un seul chauffeur employé par cette boîte privée, en lieu et place des deux gendarmes ou des deux policiers présents jusque-là. Elle a également mis à jour de graves irrégularités dans la passation des marchés publics du contrôle automatisé des infractions routières (radars automatiques), ce qui lui vaut de subir plusieurs procédures-bâillon.

 

5/ Mathilde Mathieu, journaliste à Médiapart, pour son inlassable travail sur le fonctionnement du Parlement et pour avoir révélé le scandale des « étrennes des sénateurs ». La mise en lumière, en 2017, de ces mauvaises pratiques parlementaires a sans doute marqué une bifurcation de l’histoire. Mathilde Mathieu est également une spécialiste de l’affaire des sondages de l’Élysée, emblématique des dérives au sommet de l’État et de la lenteur de la justice à y répondre.

 

6/ Regards Citoyens, pour avoir mis le numérique au service de la démocratie. Cette association est constituée de citoyens de tous âges et régions, tous bénévoles, qui se sont rencontrés sur Internet dans un désir commun de proposer un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions démocratiques à partir des informations publiques. Regards Citoyens œuvre à réduire les zones d’opacité qui subsistent au sein du Parlement. Elle fait également des propositions pour une meilleure démocratie : publication en open data de tous les documents justifiant les comptes des partis, les recettes et dépenses des candidats, ainsi que les avis de la Commission des comptes de campagne et des financements politiques.

 

7/ Alain et Éric Bocquet pour leur travail contre la fraude et l’évasion fiscale, et particulièrement pour leur action contre le verrou de Bercy qui laisse à l’appréciation du ministère des finances la possibilité ou non de poursuivre les délinquants fiscaux. Mais l’ancien député et l’actuel sénateur militent également pour que, lors de la passation des marchés publics, soient incluses des clauses restrictives : comme pour l’insertion professionnelle ou l’insertion environnementale, on ajouterait des exigences sur la provenance des capitaux et les conditions de la fiscalité. Par ailleurs, à l’image de la COP 21 sur le climat et les trous dans la couche d’ozone, ils ont lancé l’idée d’une COP de la finance mondiale et de la fiscalité.

Casseroles

 

1/ François-Noël Buffet pour sa bienveillance à l’égard des délinquants en col blanc. Le texte consensuel sur la réforme de la prescription pénale, proposé par MM. Fenech et Tourré, visait simplement à inscrire, dans le code pénal, la jurisprudence de la Cour de cassation qui permettait de différer la prescription des infractions dissimulées à compter du jour de leur révélation. Le sénateur Buffet a, in extremis, proposé de faire un bond en arrière par un amendement limitant cette jurisprudence : le délai de prescription court à compter de la commission de l’infraction, et pour une durée de douze ans seulement. M. Buffet, si bienveillant à l’égard de délinquance économique, a cependant une circonstance atténuante : sans l’approbation de Jean-Jacques Urvoas, son amendement n’aurait pas pu être voté…

2/ Jean-Jacques Urvoas pour avoir fait trois fois honte à la démocratie. Premièrement, en sa qualité de Ministre de la justice, il a soutenu l’amendement de François-Noël Buffet instaurant un délai butoir de douze ans pour poursuivre les infractions occultes ou dissimulées. Deuxièmement, il a abusé de son pouvoir pour obtenir des documents couverts par le secret de l’instruction afin de les mettre à disposition de son ami Thierry Solère. Duplicité pédagogique qui met en évidence l’urgence d’une réforme constitutionnelle pour mettre la justice à l’abri de telles manœuvres. Troisièmement, il a réussi – grâce à un journaliste qui a violé le secret des sources – à faire condamner pour atteinte à la vie privée un citoyen qui avait critiqué le montage (légal) lui ayant permis d’acheter sa permanence parlementaire avec de l’argent public, puis de la faire entrer dans son patrimoine personnel.

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