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Des cadeaux pour les corrupteurs sous le Sapin II

La loi relative à la lutte contre la corruption et pour la transparence de la vie économique, dite « Sapin II » sera examinée en seconde lecture à l’Assemblée nationale à partir du 28 septembre. Elle comprend des dispositions sur la création d’une agence française anticorruption, sur les lanceurs d’alerte, sur les lobbies et diverses dispositions économiques formant en tout 58 articles.

Elle loi prévoit notamment une transaction pénale, présentée comme un dispositif pour « mieux punir les entreprises ».

Sous le nom de « convention judiciaire d’intérêt public », ce dispositif devait initialement permettre aux personnes morales convaincues de corruption d’échapper à un jugement de condamnation. Le Sénat a élargi le champ des infractions concernées au trafic d’influence. Pour la seconde lecture, les députés PS ont déposé un amendement pour l’élargir au blanchiment.

Mais la transaction ne permettra en réalité aucune punition. Ce n’est pas un plaider coupable : elle mettra fin à toute poursuite et ne sera pas inscrite au casier judiciaire. Elle organisera ainsi l’impunité de la grande corruption internationale : moyennant finances, les grandes entreprises corruptrices échapperont à toute sanction. Les dirigeants resteront punissables mais il est peu probable qu’ils acceptent une transaction pour leur entreprise sans obtenir le même traitement pour eux-mêmes.

Elle ne pourra, en revanche, imposer aux entreprises de contribuer à l’enquête en s’accusant elles-mêmes. Le transaction se fera donc a minima, sur la base des preuves recueillies par l’enquête. Seule différence avec la situation actuelle : ces preuves ne seront plus discutées dans une chambre correctionnelle, mais dans la discrétion d’un entre-soi entre avocats d’affaires et magistrats spécialisés. Le public ne sera informé que par un communiqué.

Elle ne pourra davantage prévenir les poursuites des entreprises françaises à l’étranger. D’abord, parce que le principe selon lequel nul ne peut être poursuivi deux fois pour les mêmes faits ne s’applique pas en droit international. Ensuite, parce que nos partenaires commerciaux, en particulier les États-Unis, conçoivent leur compétence universelle comme un instrument de domination économique.

Anticor n’ignore pas l’évaluation de la France par l’OCDE pour la mise en oeuvre de la Convention sur la corruption des agents publics étrangers et le constat de résultats médiocres. Mais l’OCDE ne demande pas à la France la mise en place d’un tel mécanisme de transaction. Le rapport recommande de relever le montant des amendes de faire un plein usage des mesures de confiscation, de permettre à la police judiciaire d’effectuer des enquêtes en toute indépendance, de faciliter l’accès des magistrats aux informations classées « secret défense », d’allonger le délai de prescription ou encore de promouvoir l’échange d’information détenues par les autorités fiscales au bénéfice des autorités judiciaires.

Surtout, les auteurs du rapport « s’inquiètent vivement du manque d’indépendance du parquet » et appellent la France à faire en sorte que les procureurs « exercent leur rôle de manière indépendante du pouvoir politique » dans les affaires de grande corruption. En effet, malgré l’institution d’un procureur financier, le statut du parquet affecte gravement la crédibilité de la France au regard des autres pays de l’OCDE. 

En revanche, personne ne demande à notre pays de marchander son droit et de consacrer l’impunité pénale du crime économique, pour privilégier des sanctions financières dont l’efficacité prétendue n’est pas démontrée.

Article : En termes d’efficacité répressive, la transaction pénale est un mirage (Eric Alt, William Bourdon)

L’avis de la Plate forme contre les paradis fiscaux et judiciaires.

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