# Local

Les Copains d’abord

L’affaire dite des « Copains d’abord » avait fait grand bruit lors des dernières élections municipales de Cannes.

Elle avait été révélée dans un billet du site du Cannois déchaîné, le 6 mars 2014, puis notamment racontée dans un article de Nice-Matin, le 15 mars 2014.

Dans son excellent livre « Razzia sur la Riviera », paru le 8 avril 2015, la journaliste d’investigation Hélène Constanty revient sur cet épisode pour le moins éloquent…

Le 10 août 2011, David Lisnard, alors premier adjoint au maire, reçoit un courrier de son ancien employeur et ami, Jacques Pélissard, député, maire de Lons-le-Saunier et, à l’époque, président de l’Association des maires de France. Dans cette missive à l’en-tête de l’Assemblée nationale (sic), Jacques Pélissard explique qu’il serait « heureux de pouvoir bénéficier d’une place de port » et ajoute qu’une « place à l’année serait merveilleuse ».

Seulement douze jours plus tard, David Lisnard lui annonce, par écrit, une sacrée bonne nouvelle : « le port Pierre Canto sera en mesure d’accueillir votre navire de 17 mètres à partir du 1er octobre 2011 ». Un miracle quand on sait qu’il faut patienter parfois plus de vingt ans pour obtenir, à Cannes, un poste d’amarrage annuel !

Cerise sur la gâteau : le bateau de Jacques Pélissard porte un nom assez prédestiné : « Les Copains d’abord ». Cela ne s’invente pas…

Dans son livre, Hélène Constanty révèle que cette affaire a fait l’objet d’un classement sans suite, le 26 novembre 2014, par le parquet de Grasse. Ce n’est pas une surprise car, en l’espèce, il n’y a pas d’infraction pénale. Alors, circulez, il n’y a rien à voir ?

Pas tout à fait… L’accueil des bateaux relève d’un service public : le service public portuaire. À ce titre, il est soumis à un principe incontournable, consacré tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel : l’égalité de traitement des usagers. Par conséquent, tout acte administratif violant ce principe est illégal et peut être annulé par le juge administratif.

Mais en pratique, une telle procédure n’est pas aisée à mettre en œuvre. D’une part, le délai de recours n’est que de deux mois. D’autre part, un recours ne peut être fait que par une personne ayant un « un intérêt à agir », c’est-à-dire qui est concernée par l’acte contesté. Dans l’affaire des « Copains d’abord », il aurait, par exemple, fallu qu’un propriétaire de bateau, inscrit sur la liste d’attente, apprenne le passe-droit, rassemble des preuves et saisisse le tribunal administratif de Nice… dans les deux mois ! Pas évident.

Cet exemple illustre, une nouvelle fois, les limites du droit et de la justice. Seule la mise en place de procédures d’attribution transparentes – permettant un contrôle citoyen – peut garantir le respect de l’égalité de traitement des usagers.

Partager cet article