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Dérives à l’Institut de France

La Cour des comptes a rendu public, le 30 avril 2015, un rapport accablant sur la gestion de 2005 à 2013, de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et de l’Académie des sciences morales et politiques.

Ces académies ont pour mission de contribuer à titre non lucratif au perfectionnement et au rayonnement des lettres, des sciences et des arts. Constitué par la réunion des cinq académies, l’Institut de France est chargé de gérer les biens et services qui leur sont communs.

Elles sont à la tête d’un patrimoine financier et immobilier de plus de 1,5 milliards d’euros, sans parler de leur patrimoine culturel d’intérêt national (dont le Palais du quai de Conti, à Paris ; la Maison de Claude Monet, à Giverny ; les Musées Jacquemart-André et Marmottan Monet, à Paris ; le Musée Condé, à Chantilly).

Au final, la Cour a constaté que le fonctionnement de ces personnes morales de droit public était « marqué par des dérives ». Morceaux choisis :

– « Les rémunérations principales et les indemnités accessoires sont souvent fixées de manière discrétionnaire et sans corrélation avec les capacités budgétaires des institutions. […] Alors que les effectifs n’ont que faiblement progressé, la masse salariale s’est accrue, selon les différentes entités, de 10 à 60 % pendant la période examinée. »

– « Au sein du parc immobilier locatif de l’Institut et des académies, des logements sont attribués à des conditions particulièrement avantageuses, voire gratuitement, sans aucune justification et parfois sans que les instances dirigeantes aient été consultées. […] En outre, alors que la réglementation actuellement en vigueur sur les logements de fonction n’envisage pas le cas où un agent pourrait bénéficier d’une pluralité de logements utilisés par lui à des titres divers, une telle situation a pourtant été rencontrée à l’Académie française : l’ancien chef de cabinet de l’académie, licencié en 2008, a disposé pendant plusieurs années de cinq logements : deux appartements qu’il avait réunis en un duplex dans le quartier de la Muette, deux encore réunis dans un autre duplex au Quartier Latin, et un dernier dans le château de Berzée, en Belgique, propriété de l’académie. »

– « En outre, à l’Académie française, a été observé un recours à des locations de voiture par l’ancien chef de cabinet du secrétaire perpétuel. Il n’a pas été établi qu’elles se rapportaient à l’intérêt du service, ce qui pourrait relever, selon l’académie, d’un « abus de fonction pour bénéficier d’avantages » dès lors que l’intéressé avait traité avec le loueur à des fins personnelles sans que l’académie ait passé de contrat avec lui. L’académie a « découvert » en 2007 ces faits remontant à 2004, mais n’a pas porté plainte. »

Au terme de son enquête, « la Cour considère que ces désordres de la gestion ont été favorisés par le défaut de règles internes rigoureuses dont les institutions avaient toute latitude de se doter d’une part, et par l’absence d’un statut et d’un environnement juridique clair d’autre part. […] Il importe en premier lieu de rétablir à l’Institut le rôle du comptable public, de mettre en place les outils et les procédures de contrôle interne et externe, et d’audit, indispensables, et de clarifier les règles de droit applicables aux institutions […] Tirant leurs moyens de fonctionnement du budget de l’État et des libéralités qu’elles reçoivent, elles-mêmes sources de dépense fiscale, ces institutions ne peuvent demeurer à l’écart des efforts de maîtrise de la dépense, de professionnalisation et de transparence qui traversent la sphère publique. »

Bien évidemment, Anticor approuve totalement les conclusions formulées par les magistrats…

Nous remarquons néanmoins que les dysfonctionnements constatés sont les mêmes que ceux qui avaient déjà été relevés lors des précédents contrôles, effectués par cette même Cour, en 2001 et 2007. Manifestement, les recommandations faites à l’époque ‒ comme la mise en place  d’un mécanisme de contrôle interne ou d’audit externe ‒ n’ont pas été suivies.

Cette inaction est d’autant plus inexcusable que l’Institut de France et ses académies perçoivent, chaque année, des aides de l’État pour plus de 10 millions d’euros !

Cet exemple éloquent de mauvaise gestion, qui dure depuis au moins douze ans, illustre, une nouvelle fois, la nécessité d’augmenter tant la fréquence des contrôles que le pouvoir de sanction detenu par la Cour des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière.

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